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Les traitements technologiques peuvent modifier la composition du lait et, ce faisant, sa valeur nutritive. Certains changements sont par nature évidents: l'écrémage prive le lait de sa matière grasse et des acides gras essentiels et entraîne des pertes élevées en vitamines liposolubles A et E. La perte est partielle dans le lait demi-écrémé. D'autres techniques ont des effets plus insidieux, comme le chauffage ou la conservation (Hermier et Cert, 1987).
En fait, il est difficile de prévoir la teneur en nutriments de laits obtenus par une combinaison de divers procédés technologiques, ainsi que le montre la composition vitaminique de différents types de lait (tableau 47).
Effets des traitements thermiques
Les effets de la température de chauffage multiplient en proportion ceux de la durée et sont visibles surtout sur le constituant protéique du lait, mais peu sur la matière grasse (figure 12).
Dénaturation de la matière azotée
Effets des procédés technologiques La chaleur modifie la configuration spatiale des protéines, sans léser la séquence polypeptidique (structure primaire). Cette dénaturation débute à des températures de 80 °C, et est partiellement réversible.
TABLEAU 47 Teneurs en vitamines de différents types de lait (par litre)
Vitamines | Lait pasteurisé |
Lait UHT |
Lait stérilisé |
|||||
Entier | Demi-écrémé | Ecrémé | Entier | Demi-écrémé | Ecrémé | Entier | Demi-écrémé | |
A (mg) | 0,55 | 0,25 | Traces | 0,55 | 0,25 | Traces | 0,55 | Traces |
D (µg) | 0,30 | 0,01 | Traces | 0,30 | 0,10 | Traces | 0,30 | Traces |
C (mg) | 8 | 8 | 8 | 1 | 1 | 1 | 0,8 | 0,8 |
B1 (mg) | 0,40 | 0,35 | 0,40 | 0,1 | 0,39 | 0,40 | 0,30 | 0,31 |
B2 (mg) | 1,67 | 1,83 | 1,83 | 1,83 | 1,85 | 1,77 | 1,48 | 1,48 |
B6 (mg) | 0,60 | 0,61 | 0,65 | 0,44 | 0,49 | 0,47 | 0,39 | 0,41 |
B12 (µg) | 3,60 | 3,90 | 3,80 | 2 | 2 | 2,3 | 1 | 0,90 |
Acide pento thénique (mg) | 3,60 | 3,14 | 3,20 | 3,26 | 3,38 | 3,28 | 2,94 | 3,33 |
Acide nicobnique (mg) | 0.83 | 0,89 | 0,89 | 0,91 | 0,97 | 0,98 | 0,95 | 1,2 |
Biotine (mg) | 20 | 21 | 23 | 19 | 19 | 17 | 19 | 21 |
Folates (µg) | 57 | 58 | 53 | 8 | 19 | 12 | 2 | 3 |
Source: Renner, 1989.
La caséine résiste aux effets thermiques: elle coagule seulement après un chauffage d'une heure à 125 °C. Des chauffages moins intenses et couramment pratiqués peuvent ouvrir et littéralement déplier l'arrangement spatial des chaînes peptidiques.
Les protéines solubles sont très altérées par la chaleur (figures 12 et 13 et tableau 48). La pasteurisation dénature de 10 à 20 pour cent des protéines du lactosérum, le processus UHT direct de 40 à 60 pour cent et le processus indirect de 60 à 80 pour cent. Enfin, la stérilisation classique les dénature, mais pas totalement. La sensibilité à la chaleur va décroissant, des immunoglobulines (extrêment altérables) aux sérum-albumine et ß-lactoglobuline, puis à l'alfalactalbumine (la protéine sérique la plus stable). Le degré de dénaturation de la lactoferrine varie avec son taux de saturation en fer. La fraction protéosepeptone résiste très fortement à la chaleur.
La qualité des protéines sériques varie donc en fonction du traitement thermique subi, et les laits pasteurisés, UHT et stérilisés ne sont pas équivalents à cet égard.
Nature des modifications biochimiques. A des températures supérieures à 75 °C, les acides aminés soufrés libèrent des groupements sulfhydryl volatiles qui donnent au lait chauffé son goût cuit très caractéristique, en quantités dépendant de l'intensité du chauffage (elles sont déjà maximales à 90°C).
A température plus élevée (lait stérilisé), les quantités de ces groupements diminuent. Dans certains laits, de la cystine est ajoutée pour améliorer leur qualité nutritionnelle, notamment dans les laits destinés aux nourrissons. D'autre part, les pertes en composés thermosensibles (acides aminés branchés et histidine) méritent aussi d'être surveillées après un chauffage intense
Les produits laitiers et les aliments lactés pour nourrissons ne contiennent pas de complexes Iysine-alanine La présence de ce composé est un indicateur de dénaturation protéique, également corrélé à la perte de cystine et de sérine.
Interactions entre protéines suite au chauffage. Les réactions de dénaturation protéique du lait peuvent être caractérisées comme suit: les protéines s'agrègent soit en formant entre elles des ponts disulfites, soit en reliant entre elles les micelles de caséine par l'entremise des protéines solubles dénaturces.
TABLEAU 48 Dénaturation complète par la chaleur des diverses fractions protéiques du lait de vache
Protéines | Dénaturation |
|
Température °(C) | Durée | |
Immunoglobulines | 74 | 1 5 secondes |
Sérum-albumine | 84 | 15 secondes |
ß-lactoglobuline | 86 | 15 secondes |
a-lactalbumine | 100 | 5 minutes |
Caséine | 125 | >60 minutes |
Lorsque la caséine précipite, elle entraîne la fraction des protéines solubles complexées. Cette coprécipitation entraîne non plus seulement 80 pour cent de l'azote protéique total, mais plus de 95 pour cent de la fraction azotée protéique du lactosérum, tandis que la teneur de la phase soluble en azote non protéique (NPN) demeure inchangée. La coprécipitation par la chaleur est avantageuse en fromagerie, puisqu'elle augmente les rendements en favorisant l'incorporation des protéines solubles dénaturées au coagulum constitué par les caséines.
Les laits de chèvre et de brebis présentent des courbes de stabilité à la chaleur semblables à celles du lait de vache. Dans le cas du lait de chèvre, une variation individuelle considérable du temps de coagulation par la chaleur a été démontrée.
Conséquences nutritionnelles du chauffage des protéines. La digestibilité des protéines dénaturées à la chaleur est supérieure à celle des protéines natives. Les protéines chauffées précipitent dans le milieu acide de l'estomac en particules plus fines et donc plus dispersées. Elles sont ainsi plus accessibles aux enzymes hydrolytiques qui agissent plus facilement sur une protéine ouverte. Le meilleur coefficient d'utilisation digestive des laits pasteurisés et UHT comparés au lait cru est le témoin de cette différence. Le traitement à la chaleur permettrait aussi de neutraliser certains inhibiteurs naturels du lait, des anti-trypsines notamment.
Interactions du composant glucidique.
Réaction de Maillard. A haute température et/ou lors de très longues périodes de stockage, il apparaît dans le lait des aldéhydes, des cétones et des substances réductrices. Elles interagissent avec certains acides aminés, amines et protéines. Cette réaction (dite de Maillard) intervient principalement entre le lactose et la ß-lactoglobuline, mais aussi avec les caséines. Les produits de Maillard peuvent prendre une teinte brune (surtout dans les laits stérilisés et évaporés). L'un de ces produits qui sert d'indicateur est le hydroxyméthylfurfural. Ce composé n'existe pas dans le lait cru et sa teneur augmente du lait pasteurisé au lait UHT direct et indirect pour être encore plus élevée dans le lait stérilisé. Les produits de la réaction de Maillard donnent au lait une odeur et une saveur agréables.
Les aldéhydes et certains sous-produits présentent une forte affinité pour la Iysine et forment, lors de la réaction, des dérivés résistant à l'hydrolyse enzymatique. La Iysine piégée dans ces composés n'est plus biodisponible. On peut estimer la «perte» de Iysine à 1-2 pour cent dans le lait pasteurisé, à 2-4 pour cent dans le lait UHT, à 5 pour cent dans le lait bouilli, à 5-10 pour cent dans le lait stérilisé et à 20 pour cent dans le lait évaporé. Cette réaction se poursuit au cours du stockage du lait et son intensité dépend fortement du degré d'humidité du milieu de conservation, mais aussi de la forme physique du lactose.
En raison de la teneur initiale élevée en Iysine, la perte peut être considérée comme négligeable au cours du processus industriel classique (Adrian et Lepen, 1987), et donc les répercussions nutritionnelles pour l'adulte sont le plus souvent faibles. Par contre, chez le nourrisson recevant une alimentation essentiellement lactée, ces modifications doivent être prises en considération (tableau 49).
La plupart des auteurs estiment les produits de la réaction de Maillard inoffensifs pour le foetus et le nouveau-né, mais certains d'entre eux ont évoqué un risque néphrotoxique.
Complexes avec les minéraux. Le lactose donne des complexes avec certains hydroxyles et notamment avec l'hydroxyde de calcium. La concentration en calcium, mais surtout en lactose, augmente la solubilité de ce complexe qui demeure dispersible en milieu faiblement alcalin.
TABLEAU 49 Effets d'une perte de 40 pour cent de Iysine due au traitement thermique sur la quantité de protéines fournies au nourrisson
Laits | Teneur initiale en protéines | Perte de lysine | Teneur protéines utilisables |
(g/litre) | (g/litre) | (g/litre) | |
Lait maternel | 12 | - | 12 |
Lait demi-écrémé acidifié | 30 | 12 | 18 |
Lait demi-écrémé doux | 26 | 11 | 15 |
Lait adapté de 1er âge | 16 | 6,4 | 9,6 |
Source: Adrian et Lepen,1987.
De la même manière, l'absorption intestinale (passive) du magnésium, du zinc, du fer réduit et du manganèse se trouve renforcée. Ces propriétés du lactose sur la biodisponibilité des minéraux s'estompent lorsque le chauffage du lactose est poussé fort loin.
Impact sur les constituants lipidiques. Le chauffage ne semble pas modifier la qualité des graisses quand la technique appliquée au lait est la pasteurisation courte, instantanée, la stérilisation ou le processus UHT. Lors du chauffage du lait, les acides cétoniques et hydroxylés naturels sont convertis respectivement en méthyl-cétones et en lactones, qui modifient les propriétés organoleptiques du lait. Tous les laits chauffés contiennent de tels dérivés carboxydes, mais à des degrés divers et parfois en quantités insuffisantes pour altérer sensiblement le goût et l'arôme, le lait UHT en contenant plus qu'un lait pasteurisé.
La pasteurisation n'altère pas les graisses polyinsaturées et donc les acides gras essentiels; l'acide linoléique est stable à haute température et sa décomposition ne survient qu'après un chauffage d'une heure à 180 °C. Par contre, les laits stérilisés et UHT subiraient au cours du traitement thermique une réduction légère de leur teneur en acides gras essentiels.
TABLEAU 50 Effets de divers traitements thermiques sur la perte vitaminique
Procédés | Perles (%) | ||||
Thiamine | Pyridoxine | Cobalamine | Acide folique | Acide ascorbique | |
Pasteurisation | 1 0 | 0-8 | 1 0 | 1 0 | 1 0-25 |
UHT | 0-20 | 1 0 | 5-20 | 5-20 | 5-30 |
Ebullition | 1 0-20 | 1 0 | 20 | 1 5 | 1 5-30 |
Stérilisation | 20-50 | 20-50 | 20-100 | 30-50 | 3-100 |
Source: Renner, 1989.
Impact du traitement thermique sur les minéraux. Le chauffage du lait diminue la fraction de calcium et de phosphore solubles, mais a des conséquences limitées pour l'être humain en raison des quantités initiales très élevées de ces minéraux. Le fluor ionisé diminue également sous l'effet de la chaleur.
Effet de la chaleur sur les vitamines. Seuls la thiamine, la cyano cobalamine et l'acide ascorbique sont réellement très thermosensibles. La pyridoxine et les folates subissent aussi l'effet de la chaleur (tableau 50). Les autres vitamines sont peu ou ne sont même pas détruites lorsque l'exposition à la chaleur survient à l'abri de l'air (oxygène) et de la lumière.
Les techniques actuelles de pasteurisation et UHT ne modifient que peu la teneur vitaminique du lait (<20 pour cent), pour autant que les procédés soient correctement appliqués (sans exposition prolongée à haute température). Le même principe vaut lors du processus de séchage par pulvérisation.
Les techniques anciennes (stérilisation en bouteille ou concentration sans addition de sucre) et le séchage sur cylindre entraînent des pertes considérables de folates, de thiamine et de vitamine B 12 ainsi qu'une nonbiodisponibilité de la vitamine B6. L'ébullition domestique (souvent à haute température et prolongée) diminue fortement la valeur vitaminique du lait (tableau 50). Cette baisse de valeur nutritive est d'autant plus importante que le lait (écrémé) est mal conservé. La destruction des vitamines se poursuit lors du stockage, surtout en ambiance humide.
La perte de vitamine C est plus imputable à l'oxydation qu'à l'exposition à la chaleur. La forme dé-hydroascorbique est nettement plus sensible à la chaleur que l'acide ascorbique lui-même. La destruction des vitamines peut étre réduite par dégazage du lait, c'est-à-dire en diminuant fortement la teneur en oxygène ambiant.
Effet du traitement thermique sur les enzymes. Les enzymes endogènes (phosphatages alcalines, peroxydase) sont très thermosensibles. Leur disparition sert d'indice d'efficacité de la méthode thermique appliquée: la xanthine-oxydase n'est détruite qu'à des températures supérieures à 85 °C et les phosphatases acides supportent la pasteurisation, mais pas le traitement UHT (figure 14). En établissant le profil enzymatique d'un lait, on peut ainsi établir le traitement qu'il a subi et donc son origine.
Les souches de Pseudomonas psychrotrophe produisent des lipases et des protéases thermostables. Le chauffage long à des températures élevées nécessaire à la destruction de ces enzymes exogènes, abîme aussi le lait. Leur persistance favorise l'apparition dans le lait (UHT) d'acides gras, cause d'acidité et de rancissement.
Un chauffage préalable et modéré du lait (I heure à 55 °C pour les protéinases, 10 secondes à 74 °C pour les lipases) permet de se débarasser, en partie au moins, de ces enzymes gênantes.
Chauffage des laits destinés à l'alimentation infantile. Des nourrissons alimentés au lait humain, cru, pasteurisé ou bouilli ne se développent pas de la même façon. Les rétentions azotée, calcique, phosphorée et sadique sont comparables, mais les prises pondérales diffèrent: le gain de poids d'un nouveauné recevant du lait de femme chauffé est d'un tiers plus bas en raison notamment de l'inactivation par la chaleur des lipases naturelles du lait humain. D'autres modifications entrent très vraisemblablement en ligne de compte (voir chapitre 1 ).
Les aliments lactés pour nourrissons sont fabriqués avec du lait de vache qui a été au préalable chauffé. De tous les traitements thermiques, c'est le processus UHT qui abîme le moins le lait tout en lui conférant des propriétés alimentaires et nutritives satisfaisantes et des qualités d'hygiène suffisantes.
FIGURE 14 Inactivation des enzymes du lait selon l'intensité du chauffage
La stérilisation est à ce dernier égard supérieure, mais détériore trop les caractéristiques nutritionnelles de la matière première. En conséquence, un lait stérilisé ne devrait pas être utilisé pour préparer des produits diététiques spécialement destinés aux nourrissons (tableau 51).
TABLEAU 51 Effets de divers traitements thermiques sur la qualité du lait
Procédés | Effets sur la qualité du lait |
Pasteurisation basse et stérilisation UHT | Pas de modification nutritionnelle ou organoleptique |
Stérilisation classique | Apparition du goût cuit |
Brunissement du lait | |
Pertes notables de thiamine | |
Pertes élevées de vitamine B12 | |
Ebullition domestique | Destruction de la vitamine C |
Diminution de la digestibilité | |
(modification des protéines solubles) | |
Pasteurisation haute, non à l'abri de l'air | Altération de l'équilibre minéral |
Dégagement de CO2 |
Homogénéisation
L'homogénéisation a pour but de réduire la dimension des globules gras de 3 à 6 µm à 1 µm environ et d'augmenter les surfaces d'échange avec le milieu environnant. Elle provoque la formation de complexes lipides-protéines.
Ces modifications présentent un intérêt nutritionnel: les globules gras offrent davantage de sites à l'action des lipases et la digestion est facilitée, notamment chez le nourrisson prématuré. La digestion protéique est aussi améliorée: l'acidification gastrique permet d'obtenir un caillé plus doux et plus finement dispersé.
Condensation
L'évaporation se faisant sous basse pression, des températures peu élevées (5565 °C) c'est-à-dire moins délétères pour le composant nutritionnel, suffisent à réduire l'eau du lait.
Le préchauffage (100-120 °C pendant 1 à 3 minutes) stabilise les protéines et l'homogénéisation disperse les globules gras, empêchant la coagulation des premières et la coalescence des seconds lors de la stérilisation ultérieure éventuelle.
TABLEAU 52 Teneurs en minéraux des laits concentrés comparées au lait entier pasteurisé (mg/100 g)
Minéraux | Lait entier |
Lait écrémé séché | ||
Pasteurisé | Evaporé | Condensé | ||
Calcium | 110 | 292 | 286 | 1280 |
Magnésium | 11 | 31 | 29 | 127 |
Sodium | 58 | 1 88 | 132 | 555 |
Potassium | 126 | 354 | 389 | 1 588 |
Phosphore | 90 | 253 | 233 | 968 |
Fer | 0,04 | 0,26 | 0,23 | 0,27 |
Zinc | 0,36 | 0,95 | 1,03 | 0,27 |
Cuivre | <0,01 | 0,02 | <0,01 | <0,01 |
La fabrication du lait concentré sucré n'exige justement pas le passage par une stérilisation puisque le sucre ajouté sert de conservant. De ce fait, les détériorations d'ordre nutritionnel sont évitées. Par contre, le procédé implique un bon contrôle de la cristallisation du lactose (procédé de refroidissement après évaporation) qui favorise, en présence d'eau, la réaction de Maillard (voir plus haut). La réaction du blocage de la Iysine dépend donc moins du degré d'humidité d'une poudre que de l'état physique du lactose. La fabrication du lait condensé non sucré additionne les risques nutritionnels de la condensation et de la stérilisation qui reste nécessaire.
La valeur biologique des protéines des laits condensés est finalement peu altérée et la composition aminée proche de celle du lait initia]; la teneur en Iysine est néanmoins réduite de 20 pour cent environ. Le tableau 52 donne la teneur des principaux minéraux; leur biodisponibilité n'est pas altérée par la condensation.
Les quantités vitaminiques sont dans l'ensemble très proches des valeurs initiales: seuls la thiamine, la pyridoxine, les folates et la vitamine B 12 voient respectivement leurs taux réduits à 65, 48, 77 et 17 pour cent dans le lait entier condensé. Dans le lait entier concentré sucré, seule la pyridoxine est réduite à 45 pour cent de sa quantité initiale, parce que ce lait échappe à la stérilisation (tableau 53).
TABLEAU 53 Teneurs en vitamines des laits concentrés comparées au lait entier pasteurisé (par kg de produit)
Vitamines | Lait entier |
Lait écrémé séché | ||
Pasteurisé | Evaporé | Condensé | ||
A (mg) | 0,55 | 1 ,08 | 1 ,11 | 4,04 (S) |
D (µg) | 0,30 | 40 (S) | 54 (S) | 21 (S) |
C (mg) | 8 | 15 | 41 | 132 |
B1 (mg) | 0,40 | 0,65 | 0,85 | 3,80 |
B2 (mg) | 1,67 | 4,20 | 4,60 | 16,30 |
B6 (mg) | 0,60 | 0,72 | 0,68 | 6 |
B.12 (µg) | 3,60 | 1,40 | 7,30 | 26 |
Acide pantothénique (mg) | 3,8 | 7,50 | 8,50 | 33,3 |
Acide nicotinique (mg) | 0,83 | 2,40 | 2,90 | 10,2 |
Biotine (µg) | 20 | 40 | 39 | 200 |
Folates (µg) | 57 | 110 | 150 | 510 |
E (mg) | 0,9 | 2 | 2 | 2 |
Note: (s) = supplémenté.
Dessiccation (séchage)
Les modifications nutritionnelles consécutives à ce procédé sont celles du traitement thermique: le séchage sur cylindre est donc plus «agressif» que le séchage par pulvérisation. Le premier procédé provoque presque immanquablement une dénaturation des protéines solubles et un brunissement. Avec du lait entier, les globules gras s'agrègent. Le second procédé ne permet pas d'éviter la coalescence partielle des particules lipidiques. Au cours de l'évaporation les globules gras se divisent et se couvrent de micelles de caséine et de protéines sériques. Le taux de Iysine diminue environ de 5 pour cent ou de 15 pour cent lors de la pulvérisation ou du passage sur cylindre, respectivement. Une perte de certains autres acides aminés peut survenir. On considère, cependant, que la valeur biologique des protéines du lait en poudre est proche de celle du lait initial pour peu qu'il n'y ait pas eu de chauffage intense.
TABLEAU 54 Biodisponibilité de la lysine après 20 mois de conservation de poudre de lait à des humidités relatives différentes
Humidité relative de conservation |
|||||
Fraîche (>80% ) | 31% | 37% | 42% | 56% | |
Humidité de la poudre (eau en g pour 100 g de poudre) | 2,6 | 5,0 | 4,95 | 5,3 | 6,4 |
Forme physique cristallisée du lactose | A | A | A | C | C |
Biodisponibilité de la lysine (%) | 100 | 92,4 | 91,5 | 84,4 | 68,1 |
Source: Adrian et Lepen 1987.
Par contre, le lait dont le lactose a été hydrolysé avant séchage possède une valeur biologique moindre (taux réduit de Iysine), le blocage de la Iysine par les monosaccharides (glucose) étant intense. La dessiccation par pulvérisation ne semble pas modifier les taux de vitamines, alors que le passage sur cylindre est moins inoffensif.
Stockage
Effet de l'humidité. Les laits en poudre y sont particulièrement vulnérables car au cours de la conservation le lactose amorphe, très hygroscopique, fixe progressivement de l'eau, ce qui provoque sa cristallisation sous forme monohydratée. Cette cristallisation se produit de manière intense lorsque l'humidité relative dans la poudre atteint ou dépasse 40 pour cent (soit une teneur absolue en eau de l'ordre de 5 g/ 100 g de poudre). Les conséquences nutritionnelles de cette humidification de la poudre sont importantes car l'eau absorbée sur le lactose amorphe excède la quantité nécessaire à la cristallisation. Lorsque celle-ci se produit, il apparaît dans le milieu une eau métaboliquement très active qui déclenche notamment la réaction de Maillard. Il en résulte que la réaction de blocage de la Iysine est à la fois tributaire du degré d'humidité et de l'état physique du lactose (tableau 543.
A 37 °C et un degré d'humidité de 4 pour cent, la teneur des vitamines décroît aussi progressivement. Après 30 jours, les folates ont baissé de 72 pour cent, l'ascorbate de 91 pour cent; après 60 jours, la vitamine B 1 n'a plus que 12 pour cent de sa teneur initiale. Lorsque le degré d'humidité atteint 10 pour cent, après 15 jours, les folates et la vitamine C ne sont plus dosables alors que la thiamine maintient 40 pour cent de son taux initial après un mois dans ces conditions.
Effet de l'oxygène. Les folates et la vitamine C sont particulièrement oxygénosensibles (figure 15); les vitamines B12, A, E et la choline le sont moins; les vitamines B1 , B6 et D le sont modérément; les autres ne le sont pas. En réfrigérateur, des pertes vitaminiques ont lieu également, mais à vitesse réduite. Une conservation en emballage imperméable à l'(oxygène de 1') air est donc recommandée après dégazage pour éliminer l'air et son oxygène (poudre désaérée). Le type d'emballage choisi joue à cet égard aussi un rôle qu'il convient de garder à l'esprit (figure 16). Dans les laits entiers en poudre, c'est l'oxydation des graisses au cours de la conservation qui est susceptible d'induire une odeur et un goût désagréable du produit.
Conséquences des rayonnements. La lumière solaire et le rayonnement UV provoquent la destruction partielle ou totale des vitamines A, B2, B6 et C. Les taux de riboflavine et d'acide folique diminuent de 10 à 30 pour cent par heure d'exposition au soleil (figure 16). Les radiations ionisantes, capables d'assainir le lait, ont des effets similaires, mais induisent de plus des saveurs désagréables: celles-ci sont dues à l'oxydation des matières grasses (figure 17). La présence d'oxygène ambiant accélère certaines réactions, comme la destruction de l'acide ascorbique. Les autres substances, notamment vitaminiques, ne sont pas sensibles aux rayonnements. Leurs effets sont cependant suffisamment importants pour qu'on recommande de conditionner et de conserver le lait en récipients opaques (feuille d'aluminium) ou en verre teinté. Le rayonnement UV offre la propriété intéressante de transformer certains stérols du lait en vitamine D3. Le phénomène est difficile à contrôler et son application n'est pas autorisée dans tous les pays.
Impact nutritionnel de la conservation chimique. La conservation du lait en présence d'eau oxygénée est interdite dans la plupart des pays, mais autorisée dans certaines régions tropicales. Une addition de 0,5 à 0,8 pour cent d'H2O2 préserve le lait des développements bactériens, notamment coliformes. De la catalase ajoutée ensuite au milieu permet d'éliminer l'eau oxygénée. Le lait ainsi traité conserve ses qualités nutritionnelles, mais subit une dénaturation de ses protéines solubles. La méthionine et la cystine sont partiellement oxydées, mais les métabolites obtenus semblent biologiquement utilisables et interchangeables. Les vitamines B1, B6, C et la niacine sont faiblement oxydées.