Table des matières - Précédente - Suivante
Les vendeurs s'attachent à vite écouler leurs marchandises dans les jours qui suivent la réception, 2 à 4 jours généralement, une semaine au maximum. En période de faible production la vente est plus rapide.
La maturation des doigts pour les régimes les plus avancés se produit souvent 2 à 3 jours aprés leur arrivée sur 1e marché urbain. On trouve généralement plus de fruits verts que de mûrs, ces derniers ne constituent environ que 208 des lots sur les marchés en saison des pluies. Les proportions parfois plus importantes, 25 à 35% au maximum de plantains mûrs (peau jaune) pendant cette saison, sont dues surtout au fait que de nombreux vendeurs accélèrent volontairement la maturation de fractions plus ou moins importantes de leurs stocks (régimes couverts par du plastique et maintenus au chaud) pour satisfaire la demande. Les fruits trop mûrs (peau noire) sont beaucoup moins représentés, pas plus de 5% des régimes; leurs prix sont inférieurs, couramment de moitié environ, à celui des plantains verts.
Le plantain est commercialise le plus souvent au soleil, la denrée posée à même le sol. Les commerçants qui vendent sous des abris ou des hangars sont peu nombreux. Quelques vendeurs seulement possèdent des locaux de stockage de tailles restreintes (volumes intérieurs maximum de 8 à 27 m en général), mais parfois chargés à plus de la moitié de leurs capacités.
Quelque soit leur degré de maturation, les doigts de plantains sont consommés; les fruits trop ours sont récupérés pour la confection de fritures ou de beignets. On les solde à un prix très bas si nécessaires on ne Jette pas tout de suite cette qualité, exception faite des doigts écrasés ou réduits en bouilli,
En accord avec le" enquêtes réalisées sur la commercialisation des produits vivriers au Cameroun (G.F.S. MIDAS, 1986), il n'est pas aisé de trouver des plantains abandonnés, Jetés. On en chercherait presque en vain à la fermeture des marchés. En certaines places des grandes villes (marchés, rues), des ventes nocturnes C souvent en solde) peuvent continuer après l'arrêt des activités de la majorité des commerçants, offrant d'autres possibilités d'écouler les fruits trop mûrs qui ont été invendus dans la journée.
Ce né est pas toujours le cas de la banane où en période d'abondance, on peut rencontrer sur certains marchés de Douala des quantités non négligeables de fruits trop ours ou détériorés, délaissés à once le sol ou dans la boue, donc perdues.
Les attaques directes de parasites sur les fruits qui entrainent une mauvaise présentation du doigt et une dégradation évidente de l'aspect de la pulpe de nature à repousser le consommateur, constituent une cause essentielle des pertes de plantains.
Ces pertes varient selon le site où a été récolté le produit et la saison, étant donné que le développement et la propagation des agents pathogènes se produisent dans des conditions bien déterminées (pluies abondantes, forte humidité, à - coups thermiques enjuillet-août-septembre pouvant favoriser la maladie dite "du bout de cigare" dans certaines zones du Sud-Ouest situées en altitude).
Ces pertes dues aux parasites concernent donc essentiellement des fruits qui proviennent de zones bien localisées. Mais même dans ces cas, on arrache seulement les doigts visiblement qui sont visiblement défectueux quand on estime que le reste du régime peut étre encore consommé. Et sur les places de marche, tout ou partie de ces doigts jetés par les vendeurs, sont à leur tour souvent récupérés par des consommateurs (parmi les plus démunis) qui peuvent les juger encore utilisables... Globalement les dégâts restent trés limités. à
Conclusion
Aprés la récolte, les pertes physiques cumulées de bananes plantains (saison de faible plus forte production) sont raisonnablement inférieures à 5% (en équivalent régime) au cours de la commercialisation finale du produit. Il est hautement improbable de s'imaginer que pour chaque camion de 7 à 8 tonnes té 500 régimes) qui arrive au marche, 25 régimes finissent simplement aux ordures, à l'heure actuelle !
Les facteurs tels :
responsables de pertes notables des potentiels de production (rendement), ne semblent avoir en ce moment que des conséquences plutôt minimes après la récolte. Ces paramètres dont certains ont fait l'objet de diverses études dans la région (MOULIOM PEFOURA, 1984), (MOULIOM PEFOURA et FOURE, 1988), (MOULlOM PEFOURA et MOURICHON, 1990) influencent surtout la qualité du régime récolté, sa valeur comoerciale (cf. Vl).
Il est certain qu'une bonne partie des lots hétérogénes de régimes qui arrivent à Douala ou Yaoundé ont subi ces conditions, cependant pratiquement tout va à la consommation.
La notion de qualité intervient dans la formation du prix du produit à toua les niveaux du circuit quelque soit la variété de la banane plantain, Les lntermédiaires définissent grossièrement le plus souvent 3 qualités liées étroitement à l'évolution du régime vert sur le plant au moment de la récolte:
Il n'est pas aisé de déterminer une norme standard dans ce systéme:
Les deux critères de base qui font l'unanimité au niveau des acteurs sont: le niveau de remplissage et la couleur de la pulpe. La qualité augmente avec évolution.
Les proportions relatives des différentes qualités (la première et la dernière en particulier, plus facilement identifiables) varient entre les deux saisons de production et sont dues:
Entre deux niveaux de qualité, la différence de prix de vente peut varier sensiblement pendant la saison de faible production (tableau 5).
Tableau 5: prix au kg (F CFA) reflétant des différences de qualité du régime à la récolte, Mahole, Ngoussi (Sud-Ouest), Doua]a, juillet à août 1990.
Qualité |
producteur |
grossiste- |
détaillant
en |
1 |
100 |
175 |
200 |
2 |
70 |
130 |
150 |
3 |
55 |
100 |
110 |
"déchet" |
45 |
85 |
90 |
Le degré de fraîcheur constitue l'autre élément qui influence le prix du produit. La valeur commerciale de la banane plantain chute au fur et à mesure que le fruit perd de son aspect frais.
Le régime frais présente en général:
La récolte fraiche présente:
Le régime fané a:
L'aspect fané est très redoute par les vendeurs. Si ces derniers ont le choix d'acquérir les qualités de récolte qu' ils désirent dans leurs étalages, ils sont en général impuissants contre la déshydratation rapide de ces marchandises exposées au soleil. à
La plupart des commerçants tentent d'atténuer ou d. ralentir les effets de la chaleur en protégeant les plantains avec des couvertures (tissus grossiers en coton qui sert à confectionner les sacs pour le transport du café, du cacao, etc) ou des cartons. En ville, le plantain est chauffé à la fois par les rayons solaires, directement, et par le sol ou le bitume indirectement. Au niveau du producteur, les choses sont plus aisées: le produit récolté trouve facilement protection sous des feuillages, au frais, en attendant son enlèvement (cf. V.2.2).
Sur les marchés de Douala et Yaoundé, la baisse du prix des fruits verts intervient souvent 2 à 3 jours au maximum après leur arrivée, le temps que les signes de perte de leur fraicheur soient évidents. En saison séche, le phénomène est plus accéléré qu'en saison des pluies.
Plus les délais récolte - enlèvement et les durées de transport seront longs et plus vite le plantain risque d'être "fané" au cours de la vente finale.
S'il existe dans le circuit une certaine ingéniosité au cours des manutentions pour rentabiliser tout le plantain, les acteurs font tout aussi preuve d'imagination pendant les ventes pour éviter ou réduire les pertes économiques.
Le système de base constamment utilisé repose sur la compensation: les bénéfices trés élevés réalisés avec une fraction du lot. servent à annuler ce qui peut étre perdu avec l'autre fraction.
Sur le marche, les prix varient en fonction des stades de maturation, le fruit passe du stade vert à tournant (vert jaune), puis au stade mûr à point (jaune) et puis trop mûr (peau noire):
Quels choix pour le commerçant ?
1er CAS
Le revendeur ne s'approvisionne qu'après épuisement total du stock précédent ou en fin de vente de ce dernier: comme le degré de maturation des fruits évolue au cours de la commercialisation, il restera fréquemment dans l'étalage beaucoup plus de plantains mûrs si le lot n'a pas été rapidement écoulé.
Schématiquement:
Pour le même stock, les bénefices cumulés avec les fruits verts, tournants et mûrs servent à compenser la perte accusée vec ceux trop mûrs.
2éme CAS
Le détaillant s'approvisionne régulièrement en fruits verts de façon à maintenir en permanence dans son étalage tous les degrés de maturation. A partir du stade initial de la commercialisation (100% de plantains verts), il n'y aura plus de rupture entre anciens et nouveaux stocks:
nouvel arrivage: plantain vert (100%) -> ancien stock: plantain vert ----> tournant ----> mûr --à trop mûr
on a un flux continu dans lequel les bénéfices enregistrés en permanence avec les fruits verts, tournants et mûrs compensent les pertes (fruits trop mûrs).
Les contraintes liées essentiellement à la qualité du produit récolté
L'intermédiaire acheté souvent au producteur, en gros au prix P. un lot de régimes qui contient les qualités 1, 2 et 3.
F = n1p1 + n2p2 + n3p3
ni = nombre de régimes de la qualité I
pi = prix du régime de la qualité i avec (p1 > p2 > p3)
Après estimation de la valeur commerciale de chaque régime et de l'ensemble du lot, le vendeur optent pour 2 schémas généraux.
Premier schema
Il écoule à son tour intégralement en gros au prix P'.
P' = n1p1 + n2p'2 + n3p'3
tout simplement, en une seule fois.
Les meilleurs régimes servent ainsi à vendre ceux qui sont de moins bonne qualité (cf. III.3.1.) et à augmenter en conséquence fréquemment la valeur moyenne de ces derniers dans le stock.
DEUXIEME SCHEMA
Il vend une fraction du lot en gros et l'autre partie en détail :
En fait dans ce second cas, le vendeur utilise les combinaisons qui l'arrangent le mieux, il dispose de plusieurs possibilités en fonction de son expérience dans la commercialisation.
On peut représenter ci-dessous un type de figure (schéma 1) observé sur la filière.
Au niveau producteur | |||||||
n1 | + | n2 | + | n3 | Nombre de régimes achetés en gros | ||
Au niveau intermédiaire | |||||||
(1) | (n1-a-x) | + | (n2-b-y) | + | (n3-c-z) | fraction du lot revendu en gros en régimes | |
(2) | a | b | + | c | Nombre de régimes revendus en détail | ||
(3) | x | + | y | + | z | Nombre de régimes vendus en doigts | |
(4) | alfa 1 | + | alfa 2 | + | alfa 3 | Nombre de doigts vendus en tas e t à provenant des doigts arrachés volontairement aux régimes |
avec a,b,c = 0,1 .....
ni
x,y,z = 0,1 .............. ni(régimes découpés)
alfa 1, alfa 2, alfa 3 = 0 à nombre entier variable
Schéma 1 : Dispositif des possibilités de vente pour un intermédiaire dans le circuit traditionnel du plantain
Conclusion
Le prix de vente final P' reflétera cette fois bien entendu la somme des recettes (1) + (2) + (3) + (4).
Ce système contribue à éviter au commerçant de jeter rapidement (Perdre totalement) de façon spontanée un régime entier (voire plusieurs) qui se vend mal ("le marché ne passe pas"). le vendeur a la possibilité de modifier la forme, l'unité de vente du produit s'il en a l'envie.
Vis-a.-vis de ce schéma, les intermédiaires ont diverses attitudes en fonction de leurs modes et rythmes d'approvisionnement:
- ceux qui effectuent des collectes de plusieurs jours chez le producteur (exemple les grossistes-livreurs) ont plutôt le souci (même des raisons) d'écouler plus vite que les autres le produit, afin d'aller prospecter à nouveau auprès des fournisseurs (les paysans) qui les attendent pour récolter d'autres régimes. Exceptionnellement, ils peuvent découper un, deux régimes. Ils n'ont pas le temps de passer plusieurs journées sur la place du marché urbain à vendre des doigts ! On solde rapidement en cas de mévente,
- ceux qui n'effectuent pas de collecte de plusieurs jours et passent donc uniquement leurs temps sur la place du marche, ont souvent tendance à réaliser les opérations (1) à (4) de façon variable.
La filière traditionnelle donne ainsi parfois l'image de ne pas avoir de grossistes ni de détaillants au sens très stricte du terme : suivant la situation. telle catégorie de vendeur peut effectuer en partie le type d'opération d'une autre catégorie d'agent. Mais sur une même place de marche, les fonctions sont plus ou moins bien relativement définies de façon tacite par les acteurs entre eux : on ne déborde pas trop dans lé domaine de l'autre (le grossiste-livreur ne cherche pas à empiéter délibérément sur les activités de son client régulier, le détaillant).
Un régime représente une forme de gros par rapport aux tas de doigts qu'il peut donner après sa découpe. Les critères de la valeur marchande entre ces deux types d'unité de vente ne sont pas forcément les mêmes dans le circuit. Si dans le cas d'un régime on juge la taille, la grosseur, la "vigueur", la "densité" des fruits (nombre de mains et nombre de doigts par main), autant de points de repères et donc de prétextes de marchandages, I'acheteur ne pourra plus s'occuper que du nombre de doigts de chaque tas provenant du régime lorsqu'il sera découpé.
Soulignons qu'à. moins de pratiquer uniquement la vente en doigts, en mains ou en bouquets dans son étalage, l'intermédiaire ne découpe pas généralement le produit si ce dernier a une bonne présentation et. se vend trés bien ou mieux en régime entier.
Le vendeur en doigts est le détaillant final dans la chaine de commercialisation, En général, l acteur qui n écoule que sous cette forme s approvisionne en quelques régimes (la dizaine au maximum): un seul régime peut donner 4, 5, ..,7 tas, Il ne se procure pas n importe quel régime pour le découper comme nous allons l observer dans cet exemple.
Partons de 2 régimes de cultivars différents mais appréciés de façon sensiblement similaire quant à leur qualité à la récolte (couleur de la pulpe). à
Régime 1
Régime 2
Prix de vente en doigts sur la place du marché # 160 F/kg.
Régime 1
Régime 2
Si nous enlevons 1 seul doigt dans chaque tas, nous obtenons:
Dans un systéme où l instrument de pesée n existe pas' où on marchande souvent, où on offre couramment un doigt à un gros client ou au client régulier, on g aperçoit que le régime 1 parait présenter au départ relativement moins d avantages que le régime 2, vis-à-vis de la vente en tas.
L ensemble des manipulations brutales que l on rencontre sur la filière associé à la chaleur, entrainent en différé des risques potentiellement élevés de pertes de valeur marchande au cours de la vente finale (cf. VI.2), Pratiquement tous les régimes sont concernés (80 à 100% de la récolte mise en marché).
Les vendeurs essaient par conséquent d'écouler le plantain avant que ces effets ne soient trop perceptibles.
Il est en outre impératif pour l'intermédiaire de s'approvisionner, de renouveler son lot pour faire à nouveau bénéfice. Après avoir vendu la majorité du stock, on ne garde plus trop longtemps les derniers régimes qui vont de toute façon voir leur valeur marchande baisser de jour en jour... Quand on a déjà obtenu un gain intéressant avec une bonne fraction du lot, on solde, on brade le reste des fruits devenu presque encombrant.
Si les risques de pertes économiques sont importants au vu des conditions techniques mises en oeuvre, la réalité commerciale est souvent en gros bien différente:. dans un même stock, les possibilités de gains et de pertes existent (schéma 2), le vendeur essaie de moduler ces parametres de façon à se tirer d'affaire.
On tente de fixer les idées en présentant deux types fréquents de comportement au cours des ventes (VII.3.1 et VII.3.2).
Schéma de situations dans l'étalage pendant le déroulement de la vente.
Le détaillant s'est procuré 55 régimes verts chez le grossiste-livreur du marché voisin à 71 500 F (1 100 F/régime). Le coût du transport (3 voyages de pousse-pousse) est revenu à 1 400 F. le prix de revient des régimes = 72 900 francs. Son bénéficie minimum souhaité est de 200 F par régime (soit au total 13 000 F); autrement dit le stock doit étre écoulé à 85 900 F au minimum (* 1 320 F/régime). Le déroulement de la vente:
Il reste 35 régimes toujours verts que l'on tenterait de nouveau de vendre aux prix les plus forts ou à défaut au moins à 1 320 F en moyenne l'unité comme on l'envisageait au départ. Mais après 2 â 3 Jours passés à l'étalage, les fruits ne présentent plus le même aspect: perte de fraicheurs, effets très apparents des manutentions et conditions de stockage (chocs, blessures, poussière, soleil, etc...)
Il est même devenu très difficile d'écouler le régime au prix moyen de 1 320 F; on essaie quand même de vendre à ce dernier prix. Ces régimes verts se vendront encore moins chers le lendemain. Il faut solder pour s'en débarrasser. Disposant d'une réserve en bénéfice de 5 700 F. elle est mise en jeu:
A chaque étape, les gains obtenus avec la quantité de régimes déjà vendus, déterminent l'attitude de l'intermédiaire vis-a-vis du reste du stock.
En période de faible production, la banane plantain mûre à point coûte très souvent plus cher que celui qui est encore bien vert. Sur les marchés urbains (Douala, Yaoundé) beaucoup de vendeurs (surtout les détaillants sédentaires) immobilisent souvent une fraction de leur stock vert (15 à 25% du lot initial) pour les faire mûrir rapidement. Ce délai est variable et dépend:
Dans ce modèle, un exemple d'opération est décrit.
L'intermédiaire s'est approvisionné en 42 régimes verts au prix de 53 400 F (t 1 270 F/régime); 32 régimes sont exposés aux clients tandis que 10 sont immobilisés sous des couvertures.
La vente:
Le vendeur encaisserait prebablsment 60 300 à 67 700 F.
Conclusion
Ces deux opérations mettent en relief deux caractéristiques importantes de la filière traditionnelle de la banane plantain:
A la différence des pertes physiques que nous pouvons calculer de façon relativement plus; aisée sur une place de marché, la perte économique subie par les agents est plus difficile à suivre à cause de la nature multiforme des ventes (voir schéma 1 et 2) et du phénomène de marchandage. Il apparait que la saison de faible production représente la période préférée des vendeurs en raison: à
qui favorisent des marges bénéficiaires plus élevees (tableaux 6 et 7).
Dans ce contexte la suite des opérations effectuées par des grossistes-livreurs depuis la collecte chez le producteur à Ngoussi, Mahole (Tombel) dans le Sud-Ouest, jusqu'à la livraison du produit aux autres agents au "marché central" de Douala est présentée.