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Le bro de maïs: la panification artisanale de farine composée à 60 % de maïs et 40 % de blé
Raymond TIEKOURA
Comité international des femmes africaines pour le
développement (CIFAD), Projet Bro, Abidjan, Côte-d'Ivoire
Résumé. Le bro est un pain de farine composée à fort pourcentage de céréales tropicales (50 % au moins), cuit dans un four de type traditionnel en briques réfractaires. Le bois est la source de chaleur. Cette fabrication peut se faire aussi bien en ville que dans les villages. Une farine de blé de force n'est pas obligatoire. Un certain nombre d'ingrédients comme la margarine ou toute autre matière grasse solide et la poudre levante sont toutefois nécessaires. Les bros peuvent se conserver durant quatre jours. Le caractère «lourd» et le manque de tenue de la mie (friabilité) ne sont pas forcément des défauts. Cette démarche, qui sort des circuits officiels, tend àmontrer que les pains de farines composées peuvent avoir plus de succès auprès des consommateurs si l'on pense produit nouveau plutôt que produit de substitution.
Le projet de panification des céréales tropicales lancé en 1964 par la FAO dans son programme de farine composée avait une visée noble: limiter la dépendance des pays d'Afrique noire vis-à-vis des pays producteurs de blé et trouver des débouchés aux céréales locales (SAUTIER et O' DÉYÉ, 1989).
Malgré l'ampleur des moyens mis en jeu (participation de plusieurs organismes de recherche et pays), les résultats sont décevants. Aucun succès véritable de commercialisation ne peut être signalé sauf le pamiblé au Sénégal avec une production à petite échelle.
Les principales causes de cet échec sont: les lacunes dans les systèmes d'approvisionnement (irrégularité des quantités, qualités et prix des céréales locales), l'opposition des meuniers (matériels inadéquats et baisse de profits), la mauvaise volonté des boulangers (travail difficile des farines composées), le rejet du produit par les consommateurs (pains moins blancs et denses) et l'absence de volonté politique des dirigeants africains.
Le projet BROCI (bro-Côte-d'Ivoire), actuellement mené à Abidjan, suit une démarche qui s'écarte des circuits officiels et se base sur le dynamisme des femmes du milieu informel. Il n'est plus question de pain mais de «bro». Ce terme qui a une consonance africaine a été inventé par J. Berthelot (1993) pour éviter la comparaison systématique avec le pain blanc. La production et la commercialisation du bro sont calquées sur l'exemple de la boulangère artisanale qui produit le «pain ghana» ou «pain sucré» très connu en Afrique occidentale.
Deux céréales locales, le mil et surtout le maïs, sont utilisées dans la fabrication des bros.
La fabrication des bros
Le matériel
Le maïs blanc utilisé est un «tout-venant» acheté sur les marchés d'Abidjan. La teneur en eau varie de 8 à 11 %. La farine de blé est celle vendue par les grands moulins d'Abidjan pour la fabrication de la baguette. Cette farine de taux d'extraction élevé (type 80 sans doute) a une qualité boulangère moyenne (150-170 de W) 1.
Un améliorant de panification sous forme de farine à20 % de lécithine de soja et de poudre levante (pyrophosphate et bicarbonate de soude) sont nécessaires.
La décortication et la mouture du maïs
Les grains sont d'abord nettoyés à sec puis sont trempés (NDJOUENKEN et al., 1 989) et lavés dans l'eau. On se débarrasse ainsi de la latérite et des mauvais grains. Le maïs lavé est laissé à sécher superficiellement pendant une heure puis il est décortiqué et dégermé dans une décortiqueuse de type Engelberg. Le taux d'humidité des grains avant traitement est de l'ordre de 16-18 %. Le son résiduel est éliminé par vannage et le maïs décortiqué est broyé dans un moulin à meules. Le taux d'extraction d'une farine 0,4 mm (maille du tamis) est de l'ordre de 55 %.
La formation de la pâte de farine composée
Les farines de maïs et de blé ne sont pas mélangées au départ (TRÉHOURA, 1990). Dans un premier temps, le maïs est mélangé aux ingrédients en poudre (sel, sucre, lécithine et poudre levante) puis l'on ajoute la solution de levure (levure sèche dans un peu d'eau) et les trois quarts de l'eau d'hydratation (tableau 1).
La lécithine n'est pas obligatoire, mais son addition est souhaitée dans la mesure où elle améliore l'extensibilité et la souplesse de la pâte grâce à son action dans la cohésion des grains d'amidon. Une plus grande extensibilité de la pâte augmente le volume des bros.
A cette première pâte de maïs, plus ou moins liquide, la farine de blé est ajoutée et le mélange est pétri à la main pendant 15 à 20 min (pâte de 5 à 10 kg). Lorsque la pâte est trop dure, le reste de l'eau est rajouté de manière à avoir une consistance ferme. Ensuite, la matière grasse est introduite dans la pâte, qui ramollit pendant un second pétrissage qui dure de 5 à 8 min.
La matière grasse devra être de préférence à l'état solide et molle au moment de son utilisation. A défaut de beurre ou de margarine, les huiles concrètes peuvent faire l'affaire. La matière grasse et le sucre permettent aussi un gain d'extensibilité de la pâte, mais induisent en même temps une perte de ténacité (CTU).
La quantité d'eau ajoutée pendant le pétrissage est fonction du taux d'humidité et de la qualité granulométrique de la farine. Plus la farine est fine, plus elle absorbe de l'eau.
Dans le cas d'un pétrissage mécanique, la pâte est travaillée à grande vitesse pendant 10 min et de à 8 min après l'incorporation de la matière grasse.
La première fermentation dure 60-75 min; ensuite des pâtons de 50, 100, 200 et 500 g sont découpés, façonnés et placés dans des moules pour une seconde fermentation d'environ 120 min.
Tableau I. Recette des bros de maïs.
Désignation | Quantité (g) |
Farine de maïs | 60 |
Farine de blé | 40 |
Sucre | 10 |
Matière grasse | 5 |
Sel | 2 |
Levure biologique | 2 |
Farine lécithinée à 20 % | 0,2 |
Poudre levante | 0,2 |
Eau (mi) | 40-50 |
Tableau II. Composition chimique des bros de maïs.
Désignation | Matières organiques | Protéines (N x 6,25) | Extrait éthéré | Fibres |
Bro salé* | 97,9 | 9,8 | 1,6 | 5,8 |
Bro salé + MG** | 98 | 9,2 | 9,3 | 5,6 |
Bro sucré + MG** | 97,9 | 8,9 | 9,5 | 6 |
Baguette ivoirienne | 97,5 | 12,6 | 0,3 | 9,3 |
Maïs grain | - | 10,9 | 3,9 | - |
*Moule non graissé.
**Moule graissé. (Louis-ALLEXANDRE, 1992).
Figure 1.Mie d'un bro de 500 g.
Figure 2.Vue générale d'un bro de 500 g.
La cuisson
Une heure avant la fin de la seconde fermentation, il est procédé au chauffage du four traditionnel. De 25 à 30 kg de bois sont nécessaires pour chauffer un enceinte d'environ 2 m³ et une surface de cuisson d'a peu près 2 m².
Lorsque le bois a complètement brûlé, la braise es étalée afin de permettre une répartition homogène de la chaleur dans la chambre de cuisson. La braise es retirée 15 min plus tard, avant qu'elle ne produise trop de cendres. La sole du four est alors nettoyée à l'aide d'un sac de jute humide, ce qui permet la formation de vapeur d'eau dans l'enceinte et une légère baisse de la température.
Une bonne cuisson des bros nécessite une température de 220-230 °C pendant 20-25 min pour la première fournée et de 35-40 min pour la seconde.
Les bros gonflent peu ou pas pendant la cuisson. Il est donc très important de bien apprécier le développement optimal des pâtons à la fin de l'apprêt et d'enfourner aussitôt. A attendre trop longtemps, la pâte risque de s'affaisser compte tenu de la faible ténacité du réseau glutineux.
La pâte étant poreuse, l'action combinée du dégagement gazeux microbien (jusqu'à 50 °C) et de la poudre levante (CONN, 1981) sont nécessaires lors de la cuisson pour limiter les risques d'affaissement avant la gélification de la mie.
Les caractéristiques des bros
La composition chimique
La teneur en protéine est de 9 %. Compte tenu de la qualité médiocre de ces protéines (effet limitant de la lysine), l'addition de 5 à 10 % de farine de soja décortiqué dans la farine composée permet d'équilibrer l'apport protéique. La farine de soja grillé apporte en plus un très bon goût au bro (BERTHELOT et TiÉKOURA, 1990).
Le taux de fibres des bros, qui se situe au niveau de 5,8 %, est nettement inférieur à celui de la baguette ivoirienne (9,3 %). Avec une incorporation de 5 % de margarine dans la formule de départ, les bros de 50-100 g ont un taux de 9 % de matière grasse à la sortie du four. Les boulangères ont tendance à trop graisser leurs moules cannelés, ce qui, pour ces bros de petite taille (50-100 g) élève considérablement le taux de matière grasse (tableau 11).
Les caractéristiques physiques
La mie est assez dense, peu élastique, sans toutefois être compacte et collante sous la dent. La densité des bros (poids/volume) varie entre 0,40 et 0,45, valeurs identiques à celles d'un pain de cam pagne français (TIÉKOURA, 1990), mais nettement supérieures à celles de la baguette (0,25-0,30). Le caractère pesant des bros n'est pas un défaut comme l'a montré de son côté une étude d'acceptabilité de pains à base de farines composées au Cameroun (IMBS et al., 1989). A volume égal, le bro est plus efficace contre la faim que le pain ordinaire. A ce titre, l'un des messages publicitaires est: «Le bro, un poids sûr contre la dalle (faim)».
Les bros se conservent plutôt bien. Leur fraîcheur est relativement intacte le lendemain de la fabrication. Certains consommateurs préfèrent même les bros vieux de deux jours. Ce qui montre bien que la friabilité très accentuée de la mie à ce stade n'est pas forcément gênante.
Conclusion
Les bros peuvent être fabriqués en tout milieu, urbain ou rural, pourvu que la ménagère dispose d'un four traditionnel et des farines nécessaires. La mouture au mortier donne un taux d'extraction d'environ 50 % (farine 0,4 mm), mais le taux d'humidité élevé (18-20 %), qui limite le temps de conservation, impose l'utilisation rapide de cette farine.
Sa bonne conservation fait du bro un type de pain tout à fait indiqué pour les zones rurales.
Les petits bros sucrés, très prisés par les enfants, sont encore meilleurs lorsqu'ils comportent de 5 à 10 % de farine de soja.
Le bro et sa fabrication artisanale sont les choix opérés par le projet BROCI pour réussir l'introduction des pains de farines composées en Côte-dIvoire (CIFAD-INTER, 1993).
Remerciements
A Mlle Bayourte, de l'ENSA à Toulouse, pour les analyses chimiques des bros et à M.). Berthelot pour son concours très apprécié.
Références bibliographiques
BERTFIELOT J., 1993. Une innovation atypique et risquée en passe de réussir: la diffusion des bros à Abidjan. Colloque international de sociologie: Innovation et société, université de Toulouse Le Mirail, 7-9 avril 1993, p.5
BERTHELOT J., TIÉKOURA R., 1990. Mise au point de recettes de bros à dominance de maïs et de mil aisément transférables en Afrique noire. INP-ENSAT, 64 p.
CENTRE TECHNIQUE DES UNIONS. Corps gras n°4, Cours privé par correspondance. Nogent-sur-Marne, CTU, p. 1 -20.
CIFAD-INTER, 1993. Projet BROCI. Abidjan, CIFADINTER, 28 p.
CONN J.F., 1981. Chemical leavening systems in flour products. Cereal Foods World, 26(3): 119-123.
ImBs G. et al., (1989). Etude d'acceptabilité de pains à base de farines composées dans le Nord-Cameroun. In Céréales en régions chaudes. Paris, AUPELF-UREF, John Libbey Eurotext, p 327-336.
Louis-ALLEXANDRE A., 1992. La texture des grains africains: détermination de la vitrosité et de la dureté, relation avec les propriétés physico-chimiques et avec l'obtention de produits de transformation. Thèse de doctorat, INP, Toulouse.
NDJOUENKEN R.L., MBOFUNG C.M.F., ETOA F.X., 1989. Etude comparative de quelques techniques de transformation de maïs en farine dans l'Adamaoua. In: Céréales en régions chaudes. Paris, AUPELF-UREF, John Libbey Euro
SAUTIER D., ODÉYÉ M., 1989. Mil, maïs, sorgho. Techniques et alimentation au Sahel. Paris, L'Harmattan, p. 77-88.
TIÉKOURA R., 1990. La panification des céréales tropicales: analyses des paramètres biologiques et technologiques. DEA, INP-ENSC, 115 p.
La technologie appropriée en agroalimentaire au Bénin: expériences dans la filière maïs
Germain HOUNDEKPONDII
Centre de formation technique Mgr Steinmetz, Ouidah, Bénin
Le Centre de formation technique Mgr Steinmetz (CFTS) de Ouidah est un centre de formation technique ouvert aux jeunes du niveau de la classe de 3e des lycées et collèges, par S.E. Monseigneur Isidore de Souza, archevêque de Cotonou.
Ce centre se veut un interlocuteur permanent du monde agricole, en particulier à travers la conception et la réalisation de machines de transformation de produits agricoles. En dehors des matériels conçus pour la transformation du manioc, du coco, des noix de palme, des palmistes et autres, nous voulons nous intéresser particulièrement au cas du maïs dans ce document.
Le maïs est une céréale cultivée dans tout le Bénin; il constitue l'aliment de base dans le sud du pays. Notons qu'il ne fait pas l'objet d'exportation, ce qui fait que sa culture n'a pas connu l'essor d'autres produits.
Si, pour la culture de cette céréale, les paysans n'exigent pas de grands moyens, on sent tout de même que, pour la transformation, il est nécessaire de recourir à des équipements adéquats en tenant compte du milieu; d'où l'idée d'une technologie appropriée.
Les besoins en matière de transformation
Lorsque nous prenons le maïs après la récolte, il faut avant tout usage égrener les produits issus de cette récolte. Après avoir égrené et vanné au besoin, il faut envisager la transformation des graines en farine, en une bouillie appelé akloui ou ablé, spêcialité des femmes de Comé (une ville du Mono).
Les difficultés des fabricants
D'une manière générale, pour aboutir aux différentes transformations d'un produit, il faut mettre en jeu divers équipements. Le maïs ne fait pas exception à la règle. Seulement, pour mettre au point les matériels de transformation, il est nécessaire de recueillir un certain nombre d'informations, ce qui fait défaut dans le cas du maïs; l'expérience du CFTS en la matière nous permet de dire que, par rapport à d'autres produits, les paysans béninois n'expriment pas trop de besoins pour la transformation du maïs. Mais il y a aussi une raison économique à cette situation, car jusqu'à une période récente tout le matériel dans ce domaine a fait l'objet d'importations, et vu leur pouvoir d'achat relativement bas, les paysans préfèrent conserver leurs techniques traditionnelles.
Par ailleurs, le facteur temps compte très peu pour la plupart des paysans, et de ce fait ils ne trouvent pas l'utilité d'une mécanisation quelle qu'elle soit. Aussi, pour quelques matériels mis au point par notre centre, la vulgarisation n'est pas évidente même si le matériel répond à un besoin réel, car nos prix de revient sont tributaires de ceux de la matière d'oeuvre importée.
Ce qui est fait
Toutefois, au CFTS de Ouidah, nous avons enregistré la demande de matériels pouvant servir à égrener le maïs après la récolte. Nous avons étudié et réalisé trois types d'égreneuse de maïs. Une égreneuse à main traite épi par épi; le deuxième modèle est d'usage mixte, et traite aussi épi par épi tout en offrant l'avantage de séparer les épis des graines; le troisième modèle est aussi mixte et traite un volume important d'épis à la fois, mais une opération de vannage est nécessaire après l'usage de ce modèle.
Ce qui reste à faire
Pour les autres transformations du maïs, rien n'est encore fait chez nous, mais cela est dû au manque de besoins réellement exprimés en la matière.
La technologie appropriée en agroalimentaire, en ce qui concerne le maïs, a encore du chemin à faire lorsqu'on sait que l'obtention de certains dérivés du maïs nécessitent des matériels adéquats, adaptés au milieu.
Le Centre de formation technique Mgr Steinmetz de Ouidah reste disponible pour la conception et la réalisation d'équipements en agroalimentaire, si nous pouvons compter sur la collaboration de tous ceux qui interviennent dans le domaine précité. Pour d'autres produits tels que le manioc, le coco, les noix de palme, les palmistes, nous avons mis au point des matériels qui donnent leurs preuves sur le terrain et qu'il serait utile que vous découvriez, chers conférenciers
Les objectifs du Centre
Frais de scolarité par an et avant la dévaluation du FCFA. 80 000 FCFA.
Durée de la formation pour le premier cycle: trois ans. profil de la formation: mécanique générale construction métallique, maintenance.
Formation des jeunes d'un niveau minimum de la classe de troisième des lycées et collèges de l'enseignement général.
Conception et réalisation des machines de transfor mation des produits agricoles et des mobiliers d'équipement tels que:
Notre centre est disponible pour toute autre étude et mise au point de matériels et d'équipements selon le besoin et le goût du consommateur.