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4 L'igname

Table des matières - Précédente - Suivante

4.1 Ecologie de l'igname
4.2 Le tubercule d'igname
4.3 Aspects économiques de la production des ignames
4.4 Récolte des ignames
4.5 Causes des pertes de stockage des ignames
4.6 Systèmes traditionnels de stockage des tubercules d'igname frais
4.7 Mesures destinées à améliorer le stockage traditionnel des ignames

Répandu dans les zones tropicales humides du monde entier, l'igname présente une grande diversité d'espaces. espaces les plus importantes du point de vue économique sont: l'igname blanc (Dioscorea rotundata Poir), l'igname aimée Dioscorea alata L.), l'igname jaune (Dioscorea cayenensis Lam.) et Dioscorea esculenta (Chinese yam) (Lour.) Burk.).

L'igname blanc est originaire d'Afrique occidentale, bien que l'on n'en connaisse aucune forme sauvage. Il s'agit de la plus importante des espèces d'igname cultivées pour l'alimentation humaine, non seulement dans cette région mais également dans le monde entier.

Si elle constitue l'espace la plus répandue, l'igname aimée n'est toutefois pas la principale espèce du point de vue économique. Cette espéce, implantée dans le Sud-Est asiatique, est vraisemblablement originaire de Birmanie, l'actuelle Myanmar. A côté de l'igname blanc, l'igname aimée est la plus importante espèce d'igname cultivée en Afrique occidentale.

L'igname jaune est par son aspect très proche de l'igname blanc, ce qui explique que beaucoup d'auteurs les considèrent comme une même sous-espèce (ONWUEME, 1978). Outre un certain nombre de différences morphologiques, l'igname jaune se distingue de l'igname blanc par une période de végétation plus longue et une dormance plus brève. L'igname jaune est originaire de l'Afrique occidentale, où l'on en rencontre également des formes sauvages. En-dehors de son habitat d'origine, les îles antillaises sont la seule région dans laquelle la culture de l'igname jaune revête une importance économique notable.

D. esculenta (Lour.) Burk.) est originaire d'Indochine. Il est aujourd'hui principalement cultivé dans le Sud-Est asiatique, ainsi que dans les îles du Pacifique sud et aux Antilles. D. esculenta n'a été importé en Afrique que très récemment et n'a joué jusqu'à présent qu'un rôle plutôt modeste.

L'igname amer (Dioscorea dumetorum (Kunth) Pax) se distingue par le goût amer de ses tubercules. Certaines variétés sont fortement toxiques. La culture de l'igname amer est limitée pour l'essentiel à l'Afrique occidentale, où l'on en rencontre également des formes sauvages.

Les nombreuses espèces d'igname connues par ailleurs ne présentant qu'une signification régionale et n'étant pas cultivées en Afrique, nous renoncerons à en donner ici une description plus précise

4.1 Ecologie de l'igname

L'igname est une plante des climats tropicaux qui ne supporte pas le gel. Les es inférieures à 20°C ont des effets négatifs sur la croissance de cette plante, qui demande pour un développement normal des températures de 25 à 30°C.

Chez la plupart des espèces d'ignames, la période de croissance jusqu'à maturité est de 7 à 9 mois à compter de la plantation. Pour pouvoir épuiser le potentiel de production des ignames, il faudrait avoir des précipitations annuelles de plus de 1 500 mm, qui soient réparties aussi uniformément que possible sur toute la période de végétation. Ceci explique qu'une longue saison des pluies au cours de cette période de croissance aura des effets positifs sur le rendement des ignames. Si la plante est capable de survivre à des périodes de sécheresse prolongées, celles-ci entraînent toutefois une baisse de rendement considérable.

La culture des ignames demande des sols très fertiles. Les sols les plus favorables sont ceux qui possèdent une part d'humus élevée. Dans les sols pauvres en substances nutritives, comme le sont la plupart des sols dans les régions tropicales humides, on place en général l'igname en tête d'assolement, de manière à satisfaire à ses importants besoins en éléments nutritifs. Outre une haute concentration en substances nutritives, les sols doivent être bien drainés, car l'igname ne supporte pas l'humidité de stagnation. L'igname exige par ailleurs un soI profond et non pierreux. Les sols plats ou pierreux entravent le développement des tubercules et/ou provoquent des malformations.

Bien que ce point n'ait pas encore fait l'objet d'analyses approfondies, de nombreux indices permettent de penser que l'intensité lumineuse exerce une certaine influence sur la croissance, en particulier celle du tubercule. Le rendement est meilleur lorsque les rangées d'igname sont soutenues par un système de tuteurs. Le demi-ombrage causé par la culture en serre ou sous arbres entraîne au contraire une perte de rendement sensible (ONWUEME, 1978).

4.2 Le tubercule d'igname

Le tubercule est la partie la plus importante de l'igname du point de vue économique. Le tubercule peut être de forme et de taille très varices, ce qui rend la récolte manuelle difficile et a empêché jusqu'ici la mécanisation de la récolte. Pour ce qui est des formes cultivées de l'igname, les tubercules sont en général de forme cylindrique, mais peuvent varier énormément en poids et en taille.

La partie extérieure du tubercule forme une couche subéreuse de plusieurs épaisseurs. Cette couche offre une protection efficace contre les blessures, les pertes d'humidité et la pénétration des pathogènes après la récolte, aussi bien dans le sol que dans le grenier. L'intérieur du tubercule forme un tissu, parcouru de fins canaux vasculaires. C'est dans ce tissu que la plante emmagasine des glucides, principalement sous forme d'amidon. Outre l'eau et les glucides, qui sont ses composantes les plus importantes, le tubercule contient des protéines, graisses et vitamines en faible quantité. Comme on le verra au tableau 6, la composition relative des tubercules diffère selon les espèces d'ignames.

Tableau 6: Composition des tubercules d'ignames de différentes espèces

Espèces Humidité Glucides Graisses Brutes
D. alata 65 - 73 22 - 29 0,1 - 0,3 1,1 - 2,8
D. rotundata 58 - 80 15 - 23 0,1 - 0,2 1,1 - 2,0
D. esculenta 67 - 81 17 - 25 0,1 - 0,3 1,3 - 1,9
D. bulbifera 63 - 67 27 - 33 0,1 1,1 - 1,5

N.B. . Les chiffres ont été arrondis. Les valeurs de D. rotundata sont les mêmes que celles de D. cayenensis, qui ne figure pas dans ce tableau.

Source: Coursey, 1967 (modifié)

La fonction essentielle du tubercule d'igname est d'assurer la multiplication végétative. Si l'on utilise des tubercules intacts pour la multiplication, les germes vont se former uniquement dans la partie supérieure du tubercule. A noter toutefois que certains segments du tubercule sont également capables de germer dans la mesure où ils entourent une partie de sa surface. La "méthode de multiplication Miniset" exploite la propriété qu'ont les tubercules de former des germes sur toute leur surface (INPT, 1988). Cette méthode de muliplication permet de réduire les besoins en plants à l'hectare de quelque deux tonnes à env. 400 kg.

4.3 Aspects économiques de la production des ignames

L'igname est une plante très exigeante à tout point de vue. Le fait qu'elle demande des sols fertiles contraint en général l'exploitant à lui réserver la priorité dans le processus de rotation des cultures.

Préparation des sols, aménagement des buttes, multiplication végétative, couverture du sol de débris organiques ("mulching"), lune contre les mauvaises herbes et récolte exigent une main-d'oeuvre très importante. Il faut compter environ 500 journées de travail par hectare pour récolter 10 tonnes de tubercules (COURSEY, 1966). La mécanisation même limitée à des activités partielles, ne semble pas en outre offrir de perspectives d'allégement du travail (ONWUME 1978).

Suivant l'espèce et la variété, l'igname possède un potentiel de production de 20 à50 tonnes par hectare. Le rendement moyen en Afrique n'est toutefois que de 10 tonnes par hectare (FAO, 1985). Etant donné que sur ce rendement de 10 tonnes par hectare, on réserve 2 tonnes pour la multiplication traditionnelle, il ne reste plus que 8 tonnes pour la consommation.

La productivité de l'igname par unité de superficie est relativement haute. Il faut néanmoins tenir compte de ce que l'igname ne peut être cultivé que sur des sites sélectionnés. Le rendement du travail est en revanche minime, ce qui pourrait expliquer que la production des ignames stagne dans beaucoup de régions, ou qu'elle y est même en régression. Au Togo, la production d'ignames est tombée de 807 000 à 409 000 tonnes entre 1971 et 1986 (INPT, 1988). Ceci est dû avant tout à une pénurie de main-d'oeuvre dans les zones rurales. Il faut cependant voir également dans cette stagnation de la production les conséquences d'une concentration démographique de plus en plus nette, qui se traduit par un index d'exploitation des terres cultivées en progression constante et la culture de sites limites. Ces deux facteurs restreignent la culture des ignames tout en favorisant celle du manioc (cf. section 5.3), laquelle est en train de supplanter dans de nombreux endroits la culture de l'igname (HAHN, 1987).

4.4 Récolte des ignames

On peut distinguer deux méthodes de récolte des ignames:

- la récolte simple et
-la double récolte.

Dans le cas de la récolte simple, tous les tubercules d'une plante sont récoltés au cours d'un même cycle de travail. Le moment de la récolte ne constitue pas en l'occurrence une donnée critique, étant donné que le tubercule a pratiquement achevé sa croissance un mois avant la flétrissure de la feuille (signe de la maturité physiologique du tubercule). La récolte doit toutefois être achevée dans un délai de 1 à 2 mois après la flétrissure des feuilles si l'on veut éviter les pertes de rendement entraînées par la pourriture des tubercules (ONWUEME, 1978).

La double récolte comprend deux phases. Suivant les espéces d'igname, la première récolte a lieu de 4 à 5 mois environ après l'émergence des plantes. Pour récolter, on dégage prudemment les tubercules et on les sépare de la plante sans abîmer celle-ci. Après la récolte, les buttes d'où l'on a déterré les tubercules sont reconstituées. La plante réagit à cette intervention par une tubérisation accrue, ce qui permet de procèder à une seconde récolte après la flétrissure des feuilles.

La double récolte influe sur les propriétés des tubercules. Les tubercules issus de la deuxième récolte possèdent d'excellentes propriétés en tant que plants, et sont en revanche moins propres à la consommation. C'est la raison pour laquelle le processus de la double récolte, qui demande un travail intense, vise avant tout à assurer la production des plants qui serviront à la multiplication végétative de l'igname.

Les tubercules issus de la première récolte, qui sont par conséquent disponibles plus rapidement, sont fort recherchés et atteignent sur les marchés des prix d'autant plus élevés.

La double récolte est un processus qui exige énormément de travail. Etant donné qu'une mécanisation de ce travail s'avère très difficile, il n'existe pratiquement aucune possibilité de recourir au progrès technique afin de réduire la somme de travail nécessaire (ONWUEME, 1978).

4.5 Causes des pertes de stockage des ignames

4.5.1 Dormance
4.5.2 Transpiration
4.5.3 Respiration
4.5.4 Germination
4.5.5 Pourritures dues à la formation de moisissures et aux bactérioses
4.5.6 Nématodes
4.5.7 Insectes
4.5.8 Mammifères

Les pertes susceptibles de survenir au cours du stockage des ignames frais sont imputables à des causes très diverses. Il s'agit d'une part de facteurs endogènes, c'est-à-dire inhérents à la physiologie de la plante, à savoir la transpiration, la respiration et la germination. Ces pertes sont dues d'autre part à des facteurs exogènes: insectes nuisibles, nématodes, rongeurs, bactéries saprogènes et champignons, lesquels agissent sur la marchandise stockée.

4.5.1 Dormance

L'aptitude au stockage des tubercules d'igname frais dépend pour une bonne part de la dormance La dormance intervient peu après la maturité physiologique du tubercule (flétrissure de la feuille). Pendant la dormance, les fonctions métaboliques du tubercule sont réduites à un minimum La dormance a de toute évidence pour fonction de faciliter au tubercule, en tant qu'organe de la multiplication végétative, la transition vers des conditions climatiques plus favorables. C'est ainsi que la dormance est plus longue chez les espèces d'igname originaires de régions aux périodes de sécheresse prolongées que chez les espèces provenant de régions dont les saisons sèches sont plus courtes. La durée de la dormance naturelle varie entre 4 et 18 semaines suivant les espèces (cf. tableau 7).

Tableau 7: Comparaison de la durée de la dormance naturelle de diverses espèces d'ignames sur des sites sélectionnés

Espèces Site Dormances (en semaines)
D. alata Antilles 14 -16
Afrique occidentale 14 - 18
D. rotundata Afrique occidentale 12 - 14
D. cavenensis Afrique occidentale 4-8
D. esculenta Afrique occidentale 12 - 18
Antilles 4 - 8

Source: PASSAM, 1982 (données provenant de sources diverses etcompilées par l'auteur)

Dû au fait que les diverses espèces d'igname ont une dormance plus ou moins longue, leur aptitude naturelle au stockage est également variable. La durée de la dormance ne dépend cependant pas uniquement de la plante, maïs peut être influencée par des facteurs physiques. Une baisse de température, ne serait-ce que de quelques degrés centigrades, prolonge la durée de la dormance. A l'inverse, une élévation de la température a pour effet d'abréger la période de dormance (PASSAM, 1982). L'humidité relative a des effets analogues. Une humidité relative élevée, comme par exemple au début de la saison des pluies, favorise la germination. Une faible humidité prolonge au contraire la dormance (WICKHAM, 1984)

4.5.2 Transpiration

Les tubercules d'igname ont une teneur en eau qui varie entre 60 et 80 % selon les espèces La teneur en eau des tubercules frais diminue en permanence durant le stockage. La perte d'humidité est plus ou moins importante suivant la phase de stockage considérée. La diminution de teneur en eau du tubercule est pratiquement imperceptible pendant les premières semaines qui suivent la récolte. Il arrive même que la teneur en eau augmente légèrement au cours de cette phase (COURSEY, 1961).

Durant un stockage de cinq mois, le tubercule perd jusqu'à 20 % de son poids par transpiration (COURSEY et WALKER, 1960). Les données concernant les pertes de poids dues à la transpiration divergent, ce qui tient au fait que l'intensité de la transpiration varie fortement en fonction des conditions climatiques locales (température et humidité relative).

Les pertes de poids dues à la transpiration n'ont aucune incidence sur la teneur en substances nutritives des tubercules, laquelle peut même augmenter relativement du fait de la transpiration. Il n'en demeure pas moins qu'une baisse de poids accentuée liée à la transpiration est un phénomène indésirable, qui amoindrit la viabilité des tubercules (germination), provoque leur flétrissure, leur confère un aspect inesthétique et, dans bien des cas, une altération indésirable de la saveur (ONWUEME, 1978). Etant donné que l'igname est en général vendu sur la base de son poids frais et en fonction de son aspect, il est de l'intérêt des paysans de préserver au maximum la teneur en eau du tubercule frais (ONWUEME, 1978).

4.5.3 Respiration

Le tubercule d'igname étant un organisme vivant, le métabolisme continue également de fonctionner pendant la dormance afin de maintenir la viabilité. C'est dans ses réserves glucidiques que le tubercule puise l'énergie nécessaire. Cette énergie est produite par combustion des glucides. Ce processus donne naissance àdu CO2 et de l'H2O, qui se dégagent dans l'atmosphère sous forme gazeuse.

Au contraire de la transpiration, qui entraîne uniquement une perte d'humidité dans les tubercules, la respiration provoque une consommation de l'énergie emmagasinée, ce qui se traduit par une perte de cette même énergie pour l'alimentation humaine. Au cours de la dormance, un kilogramme de tubercules stockées à 25° C perd l'équivalent de 3 ml de CO2 par heure (PASSAM et NOON, 1977).

Tableau 8: Part de la respiration dans les pertes de poids globales consécutives au stockage sur D. rotundata

Ages des tubercules Pertes de poids journalières en % Part de la respiration dans les pertes de poids en %
  25°C 35°C 25°C 35°C
Après la récolte 0,22 0,36 27 30
Pendant la 0,15 0,28 7 10
dormance        
Pendant la germination 0,21 0,34 35 20

Source: PASSAM, 1982 (modifié)

On trouvera au tableau suivant à la fois une présentation des pertes de poids causées par la respiration au cours du stockage et des pertes de poids globales. Comme on le voit clairement, les pertes de poids diffèrent en fonction de la phase de stockage et de la température. Ce tableau met par ailleurs nettement en évidence le fait que les pertes causées par la respiration ne dépendent pas aussi étroitement de la température que celles occasionnées par la transpiration.

4.5.4 Germination

La germination marque la fin de la période de dormance du tubercule d'igname Les tubereules d'une même variété stockés ensemble ne germent pas simultanément La germination étant en effet un processus dynamique, elle intervient en permanence, mais par vagues successives au cours d'une période donnée.

L'environnement, notamment l'hygrométrie et la température, agissent sur la germination. C'est ainsi que PASSAM ( 1977) a constaté que les tubercules de Dioscorea rotundata exposés à une humidité atmosphérique de 100 % pour une température de 25° C germaient déjà au bout de 20 jours. A une température identique et une humidité atmosphérique relative de 60 à 70 %, la germination a commencé au bout de 40 jours, tandis qu'à 17° C de température et une humidité atmosphérique relative de 100 %, il s'est écoulé de 30 à 40 jours avant la germination (ibid.).

On ignore encore à l'heure actuelle si d'autres facteurs que l'hygrométrie et la température, par exemple l'exposition directe aux rayonnements solaires, exercent également une certaine influence sur le déclenchement de la germination. On ne sait pas davantage si la plante possède des hormones de croissance propres qui stimuleraient la germination.

La formation du germe requiert de l'énergie. Cette énergie, le tubercule la puise dans ses réserves glucidiques. Au fur et à mesure de la germination, le tubercule perd rapidement ses substances nutritives. Il se dessèche, tandis que les saprogènes y pénètrent, rendant impossible toute prolongation du stockage (PASSAM et NOON, 1 977).

4.5.5 Pourritures dues à la formation de moisissures et aux bactérioses

Les pourritures occasionnées par divers pathogènes comptent parmi les principales causes de pertes de stockage des tubercules d'igname frais.

Les champignons saprogènes sont en règle générale des pathogènes qui s'introduisent dans le tubercule par des blessures. Ils ne deviennent actifs que s'ils peuvent effectivement s'introduire dans le tubercule au niveau de plaies, de coupures, de trous de forage causés par les nématodes, ou encore de morsures de rongeurs (COURSEY, 1967). Il arrive fréquemment qu'une première espèce de champignons pénètre tout d'abord dans le tubercule, pour y être suivie par d'autres.

On peut distinguer sur le tubercule d'igname différentes espèces de pourritures. En fonction de leur consistance, on les classe en pourritures "sèche", "aqueuse" et "molle" (CENTRE FOR OVERSEAS PEST RESEARCH, 197X). La pourriture peut affecter, soit certaines parties du tubercule seulement, soit le tubercule dans son entier. La pourriture "sèche" est souvent indécelable extérieurement. La pourriture entraîne une altération de la consistance et de la saveur, ce qui fait que dans bien des cas, les tubercules ne sont plus comestibles ou leur valeur marchande diminue sensiblement. Si les bactéries peuvent également causer des pourritures, elles sont cependant moins agressives que les champignons saprogènes.

Les champignons infestant les tubercules d'igname appartiennent à des espèces très diverses, mais n'ont souvent qu'une importance régionale. Les principales espèces sont:

- Botryodiplodia theobromae,
- Penicillium spp.,
- Aspergillus spp.,
- Fusarium bulbigenum (COURSEY, 1982).

4.5.6 Nématodes

Les nématodes parasitent à la fois les racines et le tubercule de l'igname. Infestant en général les parties de plantes citées durant la période de végétation, ils demeurent également dans les tubercules après la récolte. Les nématodes n'endommagent pas les tubercules par leur seule action, mais pratiquent également des orifices qui vont permettre à d'autres parasites, notamment aux champignons saprogènes, de pénétrer dans le tubercule. C'est la raison pour laquelle les infestations de nématodes s'accompagnent fréquemment d'une pourriture du tubercule, en général plus dommageable du point de vue économique que ne le sont les infestations de nématodes en soi.

Le nématode de l'igname (Scutellonema bradys), est le principal nématode parasite du tubercule d'igname. Le nématode de l'igname endommage notamment le périderme et le sous-périderme, les couches de cellules situées sous la peau subérisée. Le début de l'infection se manifeste par de petites plaies jaunes apparaissant directement sous la peau. Ces plaies virent au brun avec le temps. Extérieurement, l'infection provoque des craquelures profondes dans la peau. En l'absence d'autres pathogènes, le nématode de l'igname est susceptible de provoquer les symptômes de la pourriture sèche (CENTRE FOR OVERSEAS PEST RESEARCH, 1978). Du fait que le nématode de l'igname détruit le méristème, il est fréquent que le tubercule perde son pouvoir germinatif à la suite de l'infection (ibidem).

L'anguillule des racines (Meloidogyne spp.) est un parasite largement répandu dans les régions tropicales. Les racines et les tubercules d'igname sont attaqués par plusieurs parasites de cette espèce. L'anguillule des racines, qui vit directement dans le sol, est capable de s'introduire dans les parties tendres du tubercule. Ses larves se développent rapidement. Seules les femelles sont parasites dans la phase adulte. Elles pondent leurs oeufs indifféremment dans le tubercule ou dans la terre environnante. Les larves et les oeufs se maintinnent également dans le tubercule après la récolte. L'anguillule des racines provoque une altération du tubercule d'igname, qui devient alors noueux et se rabougrit fréquemment (CENTRE FOR OVERSEAS PEST RESEARCH. 1978).

Le nématode des lésions des racines (Pratylenchus spp.) attaque le tubercule au stade larvaire ou à l'état de ver adulte. Il est à l'origine d'une pourriture sèche de couleur brun foncé, qui pénètre irrégulièrement dans le corps du tubercule. Il arrive que la peau du tubercule se déchire à la suite de l'infestation, ouvrant ainsi la voie à des infections secondaires (CENTRE FOR OVERSEAS PEST RESEARCH, 1978).

Outre les nématodes des espèces précédemment citées, il en existe encore d'autres, qui parasitent également les tubercules d'igname, bien que leur rôle demeure secondaire.

4.5.7 Insectes

Les ouvrages spécialisés fournissent des données divergentes quant aux dégâts causés par les insectes au cours du stockage des tubercules d'igname (citons entre autres COURSEY, 1967; ONWUEME, 1978). Au vu des enquêtes menées par SAUPHANOR et RATNADASS (1985), on peut toutefois estimer que la pression consécutive à l'apparition de nouveaux ravageurs va s'accentuer sur le plan régional.

Les insectes endommagent les tubercules d'ignames à deux niveaux: leur activité alimentaire occasionne d'une part des pertes de substance, et ils sont en outre capables d'amoindrir le pouvoir germinatif du tubercule. Ils endommagent d'autre part l'épiderme du tubercule ce qui permet notamment à des saprogènes de s'y introduire et de causer des dommages secondaires.

Selon ONWUEME (1978), le ver blanc de l'igname (Heteroliaus spp.) est le principal insecte parasite de l'igname dans l'Ouest africain. Le ver blanc de l'igname entame le tubercule dès la phase de croissance, ce qui n'entraîne toutefois que rarement son flétrissement intégral. L'activité alimentaire a pour effet de détruire l'épiderme, ouvrant ainsi la voie à des infections secondaires, lesquelles résultent à leur tour dans des moisissures susceptibles d'occasionner des pertes de stockage considérables.

Certaines espèces de cochenilles (Aspidiella hartii et Planococcus dioscorea) sont également des parasites largement répandus sur les tubercules d'igname stockés. Les cochenilles forment des colonnes blanchâtres recouvrant parfois l'ensemble du tubercule. Ces insectes suceurs se nourrissent du jus des tubercules, ce qui peut entraîner une certaine perte de poids. Fait beaucoup plus grave: les tubercules infestés sont difficilement vendables et les cochenilles amoindrissent le pouvoir germinatif (SAUPHANOR et RATNADASS, 1985).

Quant aux principaux insectes parasites des tubercules d'igname stockés, il s'agit d'une pyrale (Euzonherodes vapidella), ainsi que d'une teigne (Tineidae sp.). La pyrale attaque en général le tubercule après la récolte. Si elle pond ses oeufs dans des plaies préexistantes, elle peut également s'introduire pour cela à travers l'épiderme. Cette pyrale privilégie les variétés D. alata, dont la teneur en eau est supérieure à celle des autres espèces. L'infestation est cause d'une perte de substance du tubercule.

La teigne préfère les variétés D. cayenensis, qui contiennent davantage d'amidon. Cette teigne apparaît par ailleurs fréquemment comme ravageur secondaire à la suite de la pyrale, après que la teneur en humidité du tubercule ait déjà baissé suite à l'activité parasitaire de la pyrale. Les larves de la teigne sont capables de dévorer tout l'intérieur des tubercules infestés pour ne laisser subsister que l'épiderme subérisé. Il semble que les deux espèces citées se répandent de plus en plus en Afrique occidentale. C'est ainsi que la distribution de la pyrale, qui était limitée dans le passé au Nigeria, s'est étendue depuis les années soixante dix à la Côte d'Ivoire (SAUPHANOR et RATNADASS, 1985).

Autre groupe de ravageurs, les termites, qui sont elles aussi susceptibles de s'introduire dans les greniers. Ces insectes voraces pénètrent dans l'épiderme et creusent des galeries à l'intérieur du tubercule. Les termites sont capables de vider entièrement des tubercules d'igname en l'espace de quelques semaines.

Il est très difficile de quantifier les pertes de stockage des ignames dues aux insectes. Les enquêtes réalisées en Côte d'Ivoire ont permis de déterminer que 25 % des pertes enregistrées à l'issue d'une période de stockage de quatre mois étaient imputables aux insectes. Les calculs ne tiennent pas compte des infections secondaires (SAUPHANOR et RATNADASS, 1985).

4.5.8 Mammifères

Parmi les mammifères, les rongeurs sont les principaux ravageurs des tubercules d'igname stockées. En Afrique occidentale, ce sont surtout les espèces Cricetomys et le rat commun (Rattus) qui se montrent les plus nuisibles (ONWUEME, 1978). Les singes et les phacochères, de même que certains animaux domestiques (chèvres et moutons), sont eux aussi friands de tubercules d'igname.

Les pertes occasionnées par les mammifères sont avant tout d'ordre alimentaire, bien qu'ils souillent également la marchandise stockée par leurs excréments. Dû à leur activité alimentaire, les mammifères endommagent l'épiderme des tubercules d'igname, ce qui favorise l'apparition de pourritures. Les tubercules ne présentant que des dégâts alimentaires superficiels sont ainsi exposés à une destruction totale consécutive à l'infection par des saprogénes.

Si les mammiferes infestent toutes les structures de stockage ouvertes, c'est cependant dans les structures où l'on conserve les tubercules à même le sol que les marchandises sont les plus menacées.

4.6 Systèmes traditionnels de stockage des tubercules d'igname frais

4.6.1 Conservation des tubercules d'igname dans les buttes après maturité
4.6.2 Conservation des tubercules d'ignames dans des silos-fosses
4.6.3 Conservation des tubercules d'igname en tes sur le sol
4.6.4 Conservation des tubercules d'igname en silos-meules
4.6.5 Conservation des tubercules d'igname sous un abri conique fait de tiges de malts ou de sorgho
4.6.6 Stockage des tubercules d'igname dans des cabanes d'argile
4.6.7 Conservation des tubercules d'igname sur tresse verticale

Les conditions climatiques rencontrées dans les régions tropicales humides ou sémiarides encouragent la production permanente. L'igname étant toutefois une culture saisonnière, les récoltes sont limitées à certaines périodes de l'année. Même en intégrant à la rotation des cultures différentes variétés d'igname, il n'est pas possible d'assurer tout au long de l'année l'approvisionnement en tubercules frais. Afin de compenser les goulots d'étranglement, il faut donc recourir au stockage, lequel s'avère par ailleurs indispensable pour conserver les plants destinés à la multiplication végétative.

De manière à répondre aux exigences posées par le stockage, on a développé en Afrique occidentale, centre de la culture des ignames, des systèmes de stockage très divers. Ces systèmes, dont l'origine remonte souvent à des temps immémoriaux et qui sont demeurés pratiquement inchangés depuis, se caractérisent en général par la simplicité des solutions techniques employées.

La spécificité des structures de stockage dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels on trouve le climat, l'utilisation ultérieure des tubercules d'igname stockés, ainsi que certains aspects socio-culturels du stockage (symboles d'aisance, usage cultuel). Le choix des structures de stockage dépend par ailleurs de la nature des matériaux de construction disponibles, ainsi que des ressources dont disposent les paysans, notamment au niveau de la main-d'oeuvre et du capital (FAO, 1990).

Les systèmes de stockage autochtones d'Afrique occidentale n'ont été jusqu'à présent que brièvement abordés dans la littérature-spécialisée. Déterminants et interactions de ces systèmes sont à considérer comme étant inconnus (CHINSMAN et FIAGAN, 1987). Les systèmes devront tous faire l'objet d'analyses plus précises destinées à déterminer leurs propriétés essentielles du point de vue du stockage. On trouvera dans les sections suivantes une description de quelques systèmes de stockage largement répandus en Afrique occidentale. Dû au manque d'ouvrages spécialisés sur ce sujet, nous ne pouvons cependant pas prétendre ici à une description exhaustive.

Les données concernant les délais de stockage possibles et les pertes de stockage sont fortement divergentes (COURSEY; 1967) NKPENU et TOUGNON, 1991). En outre, il n'existe pas jusqu'à présent de méthode standardisée qui permette de déterminer les pertes de stockage. Ceci veut dire que l'analyse et la définition des pertes font appel à des méthodes différentes, ce qui amène forcément à des résultats divergents. Il faut par ailleurs tenir compte de ce que les paysans ont parfois une toute autre perception que nous au niveau des pertes, lesquelles représentent avant tout pour eux une grandeur quantitative. Au vu de ces éléments d'incertitude, nous avons préféré renoncer ici à présenter les rares données décrivant les temps et les pertes.

4.6.1 Conservation des tubercules d'igname dans les buttes après maturité

Les tubercules d'igname sont suffisamment mûrs pour être récoltés lorsque les feuilles sont flétries. Même quand c'est déjà le cas, on peut également attendre encore quelque temps avant de récolter sans avoir à craindre de pertes de rendement sensibles. On laisse alors tout simplement les tubercules dans les buttes. La durée de cette forme de stockage, laquelle dépend de la variété considérée, se situe entre 1 et 4 mois (COURSEY, 1983).

Cette méthode de stockage est tout à fait fiable du point de vue économique dans la mesure où elle n'entraîne pas de frais de construction d'un grenier. Elle implique en revanche des frais d'exploitation du fait que le champ, étant occupé par les tubercules d'igname, ne peut pas être utilisé à d'autres fins et que l'exploitation d'autres cultures y est également limitée. Cette méthode de stockage n'offre en outre aucune protection contre les ravageurs (insectes, nématodes et rongeurs), ni contre la pourriture (COURSEY, 1967). Elle ne permet pas davantage de procéder à des contrôles périodiques de l'état de la marchandise. Durant la saison sèche, lorsque le sol se dessèche tellement qu'il devient souvent dur comme de la pierre, il est pratiquement impossible de récolter les tubercules sans être confronté à des pertes sensibles (NWANKITI et MAKURDI, 1989).


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