3.2 Le système de post-récolte dans l'exploitation agricole
Table des matières - Précédente - Suivante
3.2.1 Exploitations et ménages considérés en
tant que systèmes
3.2.2 Aperçu du système de post-récolte sur
l'exploitation
3.2.3 Besoins en mais et utilisation du maïs
3.2.4 Méthodes de stockage du maïs
3.2.5 Causes des pertes de maïs au cours du
stockage
3.2.6 Mesures de protection des stocks de maïs
3.2.1 Exploitations et ménages considérés en tant que systèmes
L'exploitation agricole familiale se définit comme une unité de production à caractère local, technique et organisationnel, dans laquelle les facteurs de production sont combinés par une action planifiée, en fonction d'objectifs définis, et cela en vue de produire des marchandises (STEINHAUSER et al. 1978, p. 15). Si l'on élargit le champ d'observation de l'exploitation agricole en y incluant le ménage, on a alors une vue d'ensemble de l'espace global dans lequel s'inscrit la vie de la famille (DOPPLER 1991, p. 7).
Parallèlement aux rapports externes entre l'exploitation et l'environnement représenté par le système, il existe une relation étroite producteur-consommateur entre l'exploitation et le ménage, laquelle exerce une influence considérable sur le choix des objectifs (stocker par exemple du maïs pour garantir l'existence de la famille), et par là-même sur la prise de décisions (par exemple sur l'espèce de maïs et les quantités à stocker). Le stockage constitue en l'occurrence le lien élémentaire entre l'exploitation (production) et le ménage (utilisation).
Dans les conditions rencontrées au Togo, l'exploitation agricole et le ménage peuvent être considérés comme étant à la fois une communauté sociale et un collectif de travail, dont les membres de la famille forment le centre. Les personnes vivant en dehors de cette communauté, mais recevant régulièrement une aide financière et/ou matérielle de l'exploitation, doivent également être considérées comme des membres de cette même exploitation. La famille se compose en général de l'homme, de son (ou ses) épouse(s), et de leurs enfants, ainsi que des enfants de son (ses) épouse(s) actuelle(s) issus d'une précédente union. Il arrive également que des amis, des enfants adoptifs ou d'autres parents (frères et soeurs, grands-parents) vivent eux aussi sur l'exploitation. Lorsqu'un homme vit avec plusieurs femmes, chacune de ces femmes forme avec ses enfants un sous-ménage. La préparation des repas, l'exploitation de surfaces lui appartenant, de même que le fait de stocker du maïs constituent les caractéristiques typiques d'un ménage indépendant.
Les valeurs d'identification socio-économiques des entreprises analysées figurant aux tableaux 3.4 et 3.5 reposent sur les résultats de l'enquête 2. On trouvera chez ALBERT (1991) une description exhaustive des systèmes d'exploitation.
La dotation en capital des exploitations, qui sont pour la plupart orientées vers la subsistance, est en général très faible. Etant donné que les agriculteurs ne se livrent ni à une intensification progressive des cultures par l'utilisation de machines, ni à l'élevage sédentaire intensif, le capital immobilisé sous forme de machines et de bâtiments demeure réduit. L'immobilisation de capital n'a d'importance que pour quelques entreprises seulement, qui se sont spécialisées dans l'élevage (porcs) et ont donc investi leur capital dans des animaux. L'élevage de bovins et de moutons demeure dans cette région l'exception, alors que l'élevage extensif de chèvres et de volaille destinées à lautoconsommation y est au contraire tout à fait répandu.
Cultures mixtes et mode d'exploitation nécessitant un travail manuel intense, telles sont les deux caractéristiques de la production végétale. Les cultures de plein champ les plus répandues sont le maïs et le manioc, que l'on rencontre la plupart du temps sous forme de cultures mixtes. Les cultures telles que l'arachide, les haricots, Ligname, la patate douce ou le taro sont en général limitées à de petites surfaces ou ne possèdent en tant que cultures mixtes qu'une importance secondaire. Sur certaines exploitations de la Préfecture de Zio, on cultive également le riz sur une échelle relativement importante. Toutes les exploitations pratiquent la rotation des cultures, bien qu'une faible minorité d'entre elles seulement se conforment ici à un plan rigide d'alternance des cultures en ce qui concerne la chronologie des plantes cultivées au cours des années d'exploitation. Il est fréquent que l'on cultive entre des palmiers à huile plantés à intervalles irréguliers jusqu'à cinq variétés différentes de plantes utiles. A la suite du défrichement des surfaces en jachère, les premières cultures installées sont des plantes qui exigent du sol un degré de fertilité relativement élevé maïs igname). Le manioc, dont la période de végétation dure plus d'une année, est en général la dernière plante cultivée avant l'assolement.
Tabl. 3.4: Valeurs d'identification socio-économiques des exploitations analysées (valeurs moyennes et répartition en pourcentage de n = 179 exploitations)
Répartition ethnique (en % des exploitations) | |||
Ewé | (%) | 49 | |
Ouatschi | (%) | 33 | |
Autres | (%) | 18 | |
Chefs d'exploitation | |||
Hommes | (%) | 85 | |
Femmes | (%) | 15 | |
Age | (ans) | 54 | |
Epouses/chefs d'exploitations de sexe masculin | (nombre) | 1,8 | |
Structure familiale | |||
Personnes vivant sur l'exploitation | (nombre) | 8,2 | |
dont | hommes | (nombre) | 4,0 |
femmes | (nombre) | 4,2 | |
Personnes vivant en dehors de l'exploitation | (nombre) | 0,6 | |
Ménages/exploitation | (nombre) | 1,5 | |
Main d'oeuvre | |||
Main d'oeuvre familiale | (nombre) | 3,5 | |
Personnes travaillant en dehors de l'exploitation | (nombre) | 1,5 | |
Main d'oeuvre extérieure (% des exploitations) | (%) | 78 | |
dont | main d'oeuvre saisonnière | (%) | 76 |
main d'oeuvre permanente | (%) | 2 | |
Surfaces disponibles | |||
Surfaces physiques cultivées/exploitation | (ha) | 1,39 | |
Surfaces cultivées | (ha) | 1,91 | |
Taille des exploitations (% des exploitations)*) | |||
< 0,5 ha | 24,5 | ||
0,5 à 1,0ha | (%) | 24,7 | |
1,0 à 2,0 ha | (%) | 27,5 | |
2,0 à 3,0 ha | (%) | 12,9 | |
> 3,0 ha | 10,4 | ||
Mode d'exploitation (% de la surface)**) | |||
Faire-valoir direct | (%) | 63 | |
Exploitation collective | (%) | 4 | |
Exploitation pour compte de tiers | (%) | 33 | |
dont | garantie | (%) | 13 |
fermage en espèces | (%) | 10 | |
fermage salarié | (%) | 7 | |
fermage en nature | (%) | 3 |
*) DESA (1984)
**) DESA (1989)
Tabl. 3.5: Dépenses annuelles d'un ménage (valeurs moyennes de n = 179 exploita" tions)
Structure des dépenses | Personnes (nombre) | Dépenses annuelles (FCFA) |
Dépenses régulières occasionnés par les articles de première nécessité pour: | ||
- les personnes vivant au ménage | 8 | 157 680 |
- les personnes ne vivant pas au ménage | 1 | 16 425 |
Total des dépenses régulières | 174 105 | |
Dépenses irrégulières pour: | 9 | |
- fêtes de famille | 28 686 | |
- habillement | 24 505 | |
- bâtiments | 23 459 | |
- soins médicaux | 18 930 | |
- articles ménagers et mobilier | 8 246 | |
- frais scolaires et frais de formation | 3 948 | |
- autres | 8 362 | |
Total des dépenses irrégulières | 116 136 | |
Total des dépenses | 290 241 |
Les dépenses totales de l'exploitation figurant dans ce tableau englobent les coûts de production agricole et les dépenses du ménage. Les dépenses consenties par l'exploitation pour les achats complémentaires de moyens de production destinées aux cultures de labours et à l'élevage, ainsi que les frais de fermage, de prestations de services et d'amortissements n'ont pas été saisis dans le cadre de cette étude. Eu égard aux formes d'exploitation simples, qui font dans la plupart des cas appel au travail manuel, et à l'importance réduite de la production animale, on peut néanmoins penser que ces frais sont très limités. Les dépenses du ménage (voir tableau 3.5) se composent des frais occasionnés par les articles de première nécessité (produits alimentaires de base, charbon de bois, savon, bougies, etc.), et des dépenses survenant occasionnellement dans le courant de l'année et motivées par des événements familiaux (enterrements, mariages), les soins médicaux, les dépenses scolaires, etc. Il existe par ailleurs des besoins en argent liquide, qui sont destinés à assurer l'entretien financier des membres de la famille ne vivant pas sur l'exploitation.
La vente de produits issus de la production végétale constitue pour 73 % des exploitations analysées la principale source de revenus en espèces. Près de 40 % des exploitations couvrent leurs besoins en liquidités par la vente de maïs Dans une étude similaire réalisée par LESPINOIS et al. (1981, p. 50), ce chiffre était même supérieur à 50 %. Bien que les trois quarts des exploitations pratiquent l'élevage, ce secteur ne représente que pour 5 % d'entre elles une source de revenus importante. Dans 63 % des exploitations, les intéressés complètent leurs revenus en exerçant des activités qui se situent en dehors du secteur agricole, mais qui ne constituent toutefois que pour 22 % d'entre elles une importante source de revenus. Dans l'étude de LESPINOIS et al.(1981, p. 51), cette part ne représentait que 10 % à peine. 1 à 2 personnes en moyenne exercent régulièrement une activité professionnelle en dehors du secteur agricole.
3.2.2 Aperçu du système de post-récolte sur l'exploitation
Le maïs occupe au sein de l'exploitation agricole une place prépondérante. Il est le principal aliment de base de la famille, en même temps qu'une importante source de revenus pour de nombreuses exploitations. Sa signification toute particulière est encore soulignée par le fait qu'il est au centre de bon nombre d'activités quotidiennes. Travaux des champs, préparation des repas, activités liées à la vente, fêtes religieuses, cérémonies, ne sont que quelques exemples parmi d'autres du rôle central joué par le maïs.
D'un point de vue directement axé sur le système, l'ensemble du système maïs vient s'insérer dans le système exploitation-ménage/famille. A l'instar du système régional, le système de post-récolte paysan est en l'occurrence limité par des secteurs/phases antérieurs et postérieurs. Au centre de ce système, deux éléments: les méthodes de stockage et les mesures de protection des stocks. Ce qui caractérise le système de postrécolte, c'est son interdépendance avec l'extérieur, qui permet de le considérer comme un système ouvert par rapport à l'environnement.
Pour mieux faire comprendre les changements dynamiques intervenant au sein du système, on peut assimiler le "flux de maïs à l'intérieur de l'exploitation agricole, à un système de canaux. Dans le système global maïs représenté à la figure 3.3 sous une forme schématique. le sens de circulation du "flux de maïs à l'intérieur de l'exploitation est indiqué par des flèches.
Le mais injecté dans le système provient pour l'essentiel de surfaces exploitées en faire-valoir direct. La production de maïs frais n'occupe en l'occurrence qu'une place secondaire. La vente sur pied n'intervient qu'en cas de besoin pressant de liquidités. Lorsque la quantité récoltée ne suffit pas. on achète ou on emprunte du mais.
Après la moisson, une partie du maïs est vendue pour couvrir les besoins du moment en liquidités. tandis qu'une autre partie de la récolte sert à la rémunération (en nature) de la main doeuvre extérieure. Entre parents, amis ou voisins, il est également courant que l'on se fasse cadeau de mais. La quantité de mais restante est ensuite stockée dans différents systèmes de greniers. En ce qui concerne la destination des quantités emmagasinées, il faut noter qu'une partie du maïs est consommée par la famille au cours de la période qui s'étend entre la moisson et la mise en magasin (1 à 4 semaines).
Le mais prélevé dans l'entrepôt à intervalles (ir)réguliers pendant la période de stockage sert à assurer la subsistance de la famille et, dans la mesure où la vente de maïs représente une source de revenus importante pour l'exploitation, il va également servir à couvrir les besoins en liquidités. Parmi les problèmes que pose la mise en magasin, l'apparition de ravageurs des denrées stockées constitue le plus grave. Il s'agit surtout en l'occurrence de coléoptères, qui endommagent le mais entreposé par leur activité alimentaire. Une infestation de ravageurs des stocks entraîne dans la plupart des cas une augmentation des pertes, ce qui signifie pour l'agriculteur une baisse de la quantité de maïs disponible. Depuis l'introduction du Grand Capucin des Grains, on a enregistré une hausse des pertes de stockage.
Pour se protéger contre les ravageurs des stocks, les paysans mettent en oeuvre diverses mesures de protection. Il s'agit en l'occurrence de méthodes traditionnelles ou chimiques de protection des stocks, ou encore de rites de protection de nature culturelle et religieuse.
Fig. 3.3: Système de post-récolte du maïs, sur les petites exploitations agricoles
3.2.3 Besoins en mais et utilisation du maïs
Besoins en maïs
Les besoins en maïs d'une famille sont fonction du nombre de personnes vivant sur l'exploitation, ainsi que des personnes qui vivent en dehors de l'exploitation mais sont approvisionnées par elle en maïs.
Sur les exploitations analysées, la consommation de maïs. était à peu près deux fois supérieure à la consommation nationale. L'enquête a révélé que la consommation moyenne quotidienne était de 343 9 de mais par personne, ce qui correspond à une consommation annuelle par tête de 125 kg. Les personnes vivant en dehors de l'exploitation recevaient en moyenne 6,7 kg de mais par mois, ce qui se traduit par des besoins complémentaires en maïs. de 80 kg par an.
Utilisation du maïs
Outre les grains, la plante fournit également toute une série de produits annexes qui trouvent leur utilisation au sein de l'exploitation agricole (cf. tableau 3.6). Du fait de son caractère polyvalent, le mais connaît des utilisations très diverses. Il convient de faire ici la distinction entre la destination du mais et son emploi.
Pour ce qui est de l'emploi du mais, ce sont les critères de qualité qui sont déterminants (cf. tableau 3.2). Dans les conditions rencontrées au Togo, le mais sert principalement à l'alimentation et, dans une faible mesure, de moyen de production. On l'utilise par ailleurs comme médicament dans la médecine traditionnelle, et également comme élément magique dans le cadre des cérémonies animistes.
Au niveau de la destination du mais, c'est le comportement du paysan en matière de décision qui domine l'analyse. Le mais peut être utilisé soit au sein de l'exploitation agricole, soit à l'extérieur. Au sein de l'exploitation, il va servir à l'auto-approvisionnement de la famille, à l'extérieur de l'exploitation comme moyen d'échange. Le mais remplit plusieurs fonctions en tant que moyen d'échange. Par la vente (échange contre de l'argent), il est transformé en liquidités et devient pour lexploitation une importante source de revenus. A l'échelon du village, il sert à rémunérer certains travaux agricoles (échange de mais contre du travail), constitue un moyen d'échange pour se procurer des produits, alimentaires ou autres (troc en nature), mais il sert également de cadeau ou de sacrifice (échange dans le cadre d'obligations sociales ou de coutumes).
Plus de 70 % des personnes interrogées vendent une partie du mais produit. Près de 20 % des hommes et un tiers des femmes produisent exclusivement pour leurs propres besoins. Au niveau des petits agriculteurs, la commercialisation du mais présente certaines différences suivant les sexes (cf. tableau 3.7).
Tabl. 3.6: Processus de traitement et utilisation du maïs dans la Région Maritime
Le maïs est vendu la plupart du temps sous forme de grains. Seule une faible minorité d'agriculteurs vendent leur maïs en épis. Plus de 60 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles ne vendaient pas de mais à intervalles réguliers. 68 % d'entre elles ont nommé le besoin d'argent liquide comme étant le principal motif de vente. L'augmentation du prix du maïs ne constituait que pour 22 % des personnes interrogées le principal motif de vente. Le marché qui se trouve à l'intérieur du village est considéré comme le principal lieu de vente. Pour ce qui est de la commercialisation du maïs. les femmes sont beaucoup plus mobiles que les hommes. La vente sur place, à la ferme, est plus couramment répandue chez les hommes (18 %) que chez les femmes (10 %). Au sein de ces deux groupes de personnes, les principaux acheteurs sont des commerçants (89 % des personnes interrogées). Aucun agriculteur n'a déclaré vendre de maïs à la société nationale de commercialisation TOGOGRAIN.
Tabl. 3.7: Commercialisation paysanne du maïs. dans de la Région Maritime (résultats d'interviews répartis en fonction des différents groupes de personnes; réponses en %)
Commercialisation du maïs. | Total (n = 318) |
Hommes (n = 136) |
Femmes (n = 182) |
Maïs vendu sous forme de | |||
- épis | 2 | 3 | 1 |
- grains | 98 | 97 | 99 |
Intervalles de vente | |||
- réguliers | 39 | 37 | 40 |
- irréguliers | 61 | 63 | 60 |
Motifs de vente | |||
- besoin d'argent | 68 | 65 | 70 |
- hausse du prix du mais | 22 | 23 | 21 |
- bonne récolte | 10 | 12 | 9 |
Lieu de vente | |||
- ferme | 14 | 18 | 10 |
- marché à l'intérieur du village | 57 | 52 | 61 |
- marché à l'extérieur du village | 29 | 30 | 29 |
Acheteurs | |||
- consommateurs | 11 | 12 | 10 |
- commerçants | 89 | 88 | 90 |
TOGOGRAIN | 0 | 0 | 0 |
3.2.4 Méthodes de stockage du maïs
Après la récolte, une partie du maïs. est mise en magasin. On trouve dans la Région Maritime quatre méthodes de stockage différentes. Outre le stockage en grenier et le stockage en vrac, qui sont les deux méthodes les plus courantes, on rencontre également le stockage en sacs et la conservation de réserves dans des magasins fumigables. Les méthodes de stockage diffèrent par le mode de construction des entrepôts, la forme de stockage du maïs. les besoins en matériel, les besoins en main d'oeuvre, ainsi que les dépenses nécessaires pour l'achat des matériaux.
Stockage en greniers
Le type de grenier est particulier à chaque ethnie. Dans les régions septentrionales du Togo, les céréales sont entreposées dans des greniers en argile fermés, dans le sud du pays dans des greniers en bois ouverts. Dans la Région Maritime, on trouve surtout les deux types de greniers 'Ebli-Va. et "Kédélin'', qui diffèrent par leur mode de construction. Dans ces deux types de greniers, les épis de mais sont empilés, avec les spathes, sur un échafaudage de bois, et abrités par un toit de paille. Pour la construction des greniers, on utilise uniquement des matériaux disponibles sur place.
Le nom d' "Ebli-Va" vient de l'Ewé et veut dire à peu près maison du maïs C'est le type de grenier le plus répandu dans la région. Le socle est formé de 8 à 12 pieux en bois, sur lesquels repose à environ 50 cm du sol un échafaudage en bois de forme circulaire, concave en son milieu. C'est sur cette construction de bois, qui a la forme d'un cône renversé, que l'on stocke les épis de mais en spathes. Pour former les couches extérieures, on empile les gros épis de mais, tour à tour avec la base ou avec la pointe dirigée vers l'extérieur, en les disposant en rangées circulaires. On déverse ensuite dans l'espace ainsi ménagé les épis de petite ou de moyenne dimension. De manière à empêcher le grenier de s'effondrer, on tend une liane ou une corde autour de la circonférence du grenier, et cela toutes les 5 couches d'épis. Pour terminer, l'ensemble est coiffé d'un toit de paille destiné à protéger le maïs contre les intempéries. Le grenier ainsi confectionné, qui est donc de forme cylindrique, a en général un diamètre de 2 m et mesure de 1 à 2 m de haut. Le diamètre des greniers collectifs peut cependant dépasser les 6 m. Les greniers ouverts permettent un séchage rapide du mais, qui est souvent encore humide au moment de sa mise en stocks. Les bonnes conditions de ventilation empêchent par ailleurs dans une large mesure la formation de moisissures.
Le type de grenier "Kédélin" est originaire de la Région des Plateaux. Le mais est stocké de la même façon que dans les greniers du type "Ebli-Va" La plate-forme repose sur des pieux de bois, à environ 1,5 m de hauteur. Ce type de construction permet l'aménagement d'un foyer ("Kédélin") au-dessous de la plate-forme. Le mais stocké est fumigé lorsqu'on allume un feu dans le foyer. La de chaleur et la fumée dégagés par le feu entraînent un séchage ultérieur rapide du maïs entreposé et protègent les épis contre les ravageurs des stocks.
On utilise dans la Région Maritime plus de 20 espèces de bois différentes pour construire les greniers. Le choix de l'espèce de bois appropriée est d'une extrême importance, car certains ravageurs des denrées stockées parviennent à survivre dans le bois entre deux périodes de stockage. DETMERS (1987) a examiné l'importance que revêt le bois pour le Grand Capucin des Grains. Il a constaté que c'était surtout le bois tendre à surface rugueuse qui exerçait une influence positive sur ce coléoptère au niveau du forage et, par conséquent, sur sa longévité à l'intérieur du bois.
Stockage en vrac
Dans le cas du stockage en vrac, on déverse le mais, entassé de manière ordonnée ou non, dans un coin de la pièce d'habitation ou sur un échafaudage de bois situé sous le toit. Si l'on dispose d'un foyer sous l'échafaudage de bois, on peut alors fumiger le maïs Lorsqu'il s'agit de quantités limitées, il est d'usage de conserver les épis de maïs dans des paniers, des plats ou des sacs. Ce sont surtout les femmes qui pratiquent le stockage en vrac.
Stockage en sacs
Cette méthode de stockage consiste à placer le mais (en grains) dans des sacs de jute, qui sont entreposés dans l'habitation. Depuis l'apparition du Grand Capucin des Grains, cette méthode est tout particulièrement recommandée par le Service National de la Protection des Végétaux.
Comparé aux méthodes de stockage traditionnelles, le stockage en sacs permet de réduire considérablement les pertes de stockage, même si l'on ne traite pas le maïs COWLEY et al. (1980) ont montré dans une étude que Prostephanus truncatus se reproduisait plus facilement dans les épis de maïs que sur le maïs en grains. Cette méthode comporte un autre avantage, à savoir qu'elle permet une plus grande efficacité dans l'application des moyens de protection des stocks. Le maïs en grains répond en outre aux modalités de la commercialisation.
Magasin fumigable
Le magasin fumigable se compose d'un fondement en béton, de murs en maçonnerie et d'un toit reposant sur des poutres métalliques. Pour l'aération, des fenêtres garnies de treillis métalliques ont été ménagées dans deux murs latéraux situés l'un en face de l'autre. Lors des fumigations, ces fenêtres peuvent être fermées par des plaques métalliques. On trouvera chez HARNISCH et KRALL (1986) des instructions détaillées pour la construction de ces entrepôts.
Les entrepôts de ce type, qui ont une capacité de 25 tonnes, sont d'une construction hermétique, ce qui les rend adaptés à la fumigation. L'hydrogène phosphoré est le seul fumigant utilisé au Togo. Le mais (en grains) entreposé et fumigé comme il faut peut être conservé plusieurs mois durant sans pertes.
Les magasins construits jusqu'à présent sont uniquement exploités par des collectifs de production ("groupements"). La répartition des travaux de construction fait l'objet d'un contrat entre les agriculteurs et le National Service de la Protection des Végétaux. Les paysans fournissent le terrain, l'eau nécessaire aux travaux de construction, ainsi que leur force de travail, tandis que le Service National de la Protection des Végétaux met à disposition les matériaux de construction et le maçon chargé de construire le toit.
L'un des aspects importants de cette méthode de stockage consiste dans le fait qu'elle encourage une approche collective des questions touchant à l'amélioration des conditions de stockage chez les paysans. En partant d'une utilisation optimale, on peut postuler que le maïs mis en magasin en octobre est vendu au bout de 6 à 8 mois de stockage. Selon HARNISCH et KRALL (1986, p. 31), les investissements sont couverts dès après la première période de stockage par le rendement de l'entrepôt.
On s'est livré dans le cadre de cette étude à une évaluation des entrepôts de la Région Maritime et de la Région des Plateaux (n = 11). Il s'est avéré qu'en dépit d'exigences minimes au niveau administratif, les groupements se trouvaient dans l'incapacité d'assurer la gestion des entrepôts. Quelques-uns d'entre eux avaient besoin d'être rénovés. Dans certains cas, on y conservait à la fois du mais en épis, des engrais et d'autres produits agricoles (haricots, arachides). Depuis, les réparations nécessaires ont été effectuées et les paysans formés aux techniques de gestion. On a par ailleurs mis en place dans l'ensemble des entrepôts un système de suivi et d'évaluation (système S/E).
Distribution des méthodes de stockage
Les deux modes de stockage les plus usités dans la région d'enquête sont, à peu près à parts égales, le stockage en épis en grenier ou dans l'habitation. Le stockage du mais en grains demeure en revanche une pratique marginale, en usage chez 1 % seulement des paysans. Aucun des paysans interrogés n'a déclaré stocker son maïs dans un magasin fumigable.
La moitié environ des personnes interrogées (51 %) stockent leur maïs dans un grenier. Le stockage en grenier dans la cour de l'exploitation agricole (30 %) est plus répandu que le stockage dans des greniers en plein champ (20 %). Il est exceptionnel que le grenier soit installé à l'intérieur de l'habitation. Les femmes préfèrent la méthode de stockage en vrac (59 %), tandis que les hommes accordent la préférence au stockage en grenier (65 %).
Il semble que les hommes soient davantage ouverts aux innovations dans la mesure où ils pratiquent plus fréquemment que les femmes le stockage du maïs en grains. Le stockage dans des greniers en plein champ est également plus populaire parmi les hommes, d'où l'on peut déduire que les champs des femmes sont situés plus près de l'exploitation que ceux des hommes.
Tabl. 3.8: Distribution des méthodes de stockage du maïs chez les petits exploitants de la Région Maritime (résultats d'interviews répartis en fonction des différents groupes de personnes; réponses en %)
Forme de stockage | Méthodes de stockage | Total | Hommes | Femmes | |
(n = 406) | (n = 166) | (n = 240) | |||
Epis avec | Maison (en vrac) | 48 | 33 | 59 | |
spathes | Grenier | 51 | 65 | 41 | |
dont: | - dans la cour | 30 | 37 | 25 | |
- dans les champs | 20 | 27 | 16 | ||
- dans la maison | 1 | 1 | 0 | ||
Grains | Maison | 1 | 2 | < 1 | |
Magasin fumigable | 0 | 0 | 0 |