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1. Introduction

Table des matières - Suivante


1.1 Préface
1.2 Aperçu de la littérature spécialisée


1.1 Préface

Le bostryche Prostephanus truncatus (HORN) est originaire d'Amérique centrale. C'est au Costa Rica, où il a été trouvé sur des épis de maïs stockés dans des entrepôts ruraux, que l'on a constaté pour la première fois le caractère nuisible de cette anobie, qui vivait probablement à l'origine sur le bois. Les épis de maïs stockes présentaient des symptômes d'attaques relativement réduits (BÖYE, 1988).

Gonflement de l'abdomen dû à une infection par Mattesia chez un adulte de Prostephanus truncatus

Ce ravageur des stocks est arrive sur le continent africain au cours des années 70 après y avoir été introduit par inadvertance. Le "grand capucin du maïs" - autre nom donné a P. truncatus - a été découvert pour la première fois en Tanzanie (DUNSTAN 5 MAGAZINI, 1981; HODGES et al., 1983) puis, peu de temps après , au Togo (KRALL, 1984). Il faut noter qu'il a causé dans les entrepôts de maïs des petits agriculteurs de ces pays des dégâts beaucoup plus importants que ceux qui ont été constatés dans son pays d'origine. Depuis, cette anobie s'est largement propagée en Afrique. Face au danger que représente le coléoptère pour le stockage des denrées a l'échelon des petits paysans africains, des efforts intenses ont été déployés en vue de lutter, aussi bien par des moyens chimiques que biologiques, contre ce ravageur des stocks.

En collaboration avec le groupe de travail "protection des stocks", de l'lustitut de phytopathologie de l'Université Christian-Albrecht de Kiel, l'Office allemand de la Coopération technique (GTZ GmbH) a lancé un projet de lutte biologique intégrée. Les recherches menées ont permis d'établir que le ravageur avait en Amérique centrale, sa région d'origine, plusieurs antagonistes naturels. Parmi ces organismes, on a pu également isoler des agents pethogènes mycosiques et bactériens, de même que des protozoaires (BURDE, 1988). Les recherches destinées a découvrir des antagonistes naturels du ravageur ont été par ailleurs étendues aux pays africains dans lesquels on veut mener la lutte contre P. truncatus.

La présente étude avait pour but de recenser la présence naturelle de protozoaires sur P. truncatus au Togo. Les agents pathogènes décelés ont été dans un premier temps décrits et identifies. puis on en a examine les effets pathogènes sur P. truncatus.

En complément des essais de laboratoire, on a également étudié l'efficience des agents pathogènes en grenier expérimental. En cas de résultats prometteurs, il avait été prévu d'élaborer un procédé d'application pratique. On avait examiné à cet égard la possibilité de multiplier les protozoaires, ainsi que la problématique connexe, a savoir la confection, par les paysans eux-mêmes, d'une préparation aux spores de protozoaires. Il y avait en outre deux aspects importants à traiter ici, d'une part la persistance des spores, et d'autre part les interactions avec les pesticides. On a de plus examine le spectre des hôtes des agents pathogènes sur d'autres ravageurs des denrées stockées, ainsi que la prédisposition du prédateur, Teretriosoma nigrescens LEWIS.

1.2 Aperçu de la littérature spécialisée


1.2.1 Les agents pathogènes des insectes et leur mode d'action
1.2.2 Aspects pratiques liés à la mise en oeuvre de micro-organismes dans la protection biologique des végétaux
1.2.3 Antagonistes microbiens de Prostephanus truncatus


1.2.1 Les agents pathogènes des insectes et leur mode d'action

Les principaux agents pathogènes susceptibles d'être mis en oeuvre contre les insectes nuisibles sont des micro-organismes appartenant aux groupes des champignons, des bactéries et des protozoaires. Il existe en outre des virus pathogènes des insectes, parmi lesquels on peut distinguer ceux possédant des inclusions des Baculovirus, qui en sont dépourvus (HUBER, 1988). Selon la forme des inclusions, on distingue au-delà les virus à noyau polyédrique et les virus a granulose.

En règle générale, les virus tuent leurs hôtes par leur potentiel de multiplication énorme, laquelle est suivie d'une lyse des cellules de certains organes vitaux (HUBER, 1988), Les virus ou inclusions devant être absorbés par voie orale pour qu'il y ait infection, leur propagation va donc intervenir par l' intermédiaire d'une nourriture contaminée par des virus (KRIEG A FRANZ 1989). La dissémination du Baculovirus par inoculation a donné dans le passé d'excellents résultats dans la lutte contre l'orycte du cocotier, Oryctes rhinoceros, un ravageur du cocotier originaire du Pacifique sud (HUGER, 1978).

Parmi les espèces de champignons entomopathogènes figurent Beauveria bassiana, B. brongniartii, Metarhizium anisopliae et Verticillium lecanii, espèces qui sont considérées jusqu'à présent comme étant non pathogènes de l homme (STAIB, 1988). Dans des conditions d'humidité suffisantes, les champignons entomopatogènes provoquent une infection chez leur hôte en formant des tubes de germination de conidies. Ceux-ci pénètrent ensuite, pur le tégument, dans la cavité abdominale de l'insecte ou intervient la multiplication des champignons. L'insecte meurt d'une destruction des tissus consécutive à la mycose ou encore, ce qui se produit plus rarement, sous l'effet de mycotoxines (KRIEG & FRANZ, 1989).

Du point de vue de la protection biologique des végétaux, Bacillus thuringiensis constitue l'espèce de bactéries la plus importante. L'effet de ce pathogène repose sur la formation de l'endotoxine d. qui est fortement toxique pour les lépidoptères de nombreuses espèces A la suite de l'ingestion de la bactérie par les larves, la toxine active se forme dans le milieu basique de l'intestin. Cette toxine est capable d'attaquer les cellules intestinales (HELMUTH, 1988).

Chez les protozoaires du groupe entomopathogène, il existe un parasitage cellulaire obligatoire (GRELL, 1968; HAZARD et al., 1981). On peut distinguer ici les espèces infestant l'intestin et ceux qui infestent d'autres organes vitaux (corps adipeux, ovaires, tubes de Malpighi ou hémolymphes)(HAZARD et al., 1981; LIPA, 1974; POINAR & THOMAS, 1978; WEISER, 1961). Parmi les microsporidies, la plupart des protozoaires entomopathogènes ont déjà été décrits. Les spores de ces agents pathogènes possèdent un processus infectieux tout à fait caractéristique.

KELLEN (1962) en a fourni une description exemplaire en choisissant en l'occurrence certaines espèces du genre Thelohania. Les spores pénètrent per os dans l'appareil digestif. Dans l'intestin moyen de l'hôte, les filaments polaires, que l'on trouve enroulés en spirale dans chacune des spores, sont éjectés Le germe infectieux, appelé également "planonte", est inséré dans l'extrémité du filament polaire et se détaché de la spore au moment ou celle-ci pénètre dans la paroi intestinale. Dans le cas particulier des parasites intestinaux, le "planonte" pénètre dans les cellules épithéliales de l'intestin, dans lesquelles l'agent pathogène commence a se reproduire de menière schizogonique, c'est-à-dire asexuée, Les protozoaires ayant d'autres affinités tissulaires se répandent probablement dans l'hôte via l'hémocoele (KELLEN, 1962 MILNER, 1970; POINAR & THOMAS, 1978 WEISER, 1961).

Au contraire des bactéries les protozoaires ne tuent en général pas leur hôte immédiatement, mais provoquent des affections chroniques (ARBOGAST, 1984 KHAN & SELMAN, 1989). Les protistes peuvent donc se propager en passant d'un hôte a l'autre. Selon ANDERSON (1982), un organisme parasitaire de ce type se comporte diversement en fonction de la densité de population, ce qui peut résulter dans une capacité a se propager de façon épizootique lorsque la population de ses hôtes atteint une densité élevée. Il est par conséquent important d'examiner dans ce contexte les différents mode de transmission du protiste.

Dans le sens horizontal, autrement dit d'un individu a l'autre, la maladie se propage avant tout par la décomposition de cadavres d'animaux infestes recelant a énormes quantités de spores. Ces stades infectieux sont absorbes par leurs congénères vivants en même temps que la nourriture. On a pu par ailleurs dans de nombreux cas découvrir des spores dans les excréments d'animaux malades (FOX & WEISER, 1959; ISHIHARA & FUJIWARA, 1965; LIPA, 1974; POINAR & THOMAS, 1978; WEISER, 1961).

On a observé chez certaines microsporidies une forme de transmission particulière. Les espèces N. locustae (CHARBONNEAU, 1989), N. bombycis (LIPA, 1974) et Thelohania californica (KELLEN, 1962), par exemple, possèdent la faculté de se transmettre d'une génération a l'autre, donc dans le sens vertical, selon un processus qui leur est propre. Dans le cas de la transmission dite "transovarienne", les oeufs sont infectes par les ovaires contamines avant même d'avoir commence leur développement (CANNING, 1982: WEISER, 1961).

1.2.2 Aspects pratiques liés à la mise en oeuvre de micro-organismes dans la protection biologique des végétaux

Les multiples voies de transmission observées chez les protozoaires soulignent a autant plus l'efficacité potentielle de ces organismes dans la lutte contre les ravageurs. L'application pratique de cette méthode a effectivement déjà donne des résultats positifs. Les premiers essais de lutte ont eu lieu en 1974/75 aux USA sur Ostrinia nubilalis, une pyrale du maïs a qui l'on a oppose une microsporidie, N. pyrausta. Dans des conditions proches de la réalité, on est parvenu à réduire la population de ravageurs dans une proportion atteignant 48 % (LEWIS & LYNCH, 1978). La mise en oeuvre en 1975 aux Etats-Unis de N.locustae contre Melanoplus differentialis et M. sanguinipes. deux espèces de criquets, a été particulièrement spectaculaire. A l'époque. on avait épandu par avion sur 10.000 ha de pâturages des spores de microsporidies adsorbées dans du son. A la suite de ce traitement, le taux de fertilité des femelles survivantes du criquet accusait un recul de 80 % (HENRY & OMA, 1981). On a également procédé entre-temps aux USA à des essais de lutte biologique impliquant le genre Mattesia. La mise en oeuvre de M. trogodermae a permis de circonscrire efficacement la population du dermeste du lard, Trogoderma glabrum (SHAPAS et al., 1977). L'utilisation de M. grandis en tant qu'agent pathogène dans la lutte contre Anthonomis grandis, l'anthonome du cotonnier, a donne là encore des résultats positifs (MC LAUGHLIN, 1967).

BRAND & PINNOCK (1981) ont développé un modèle quantitatif de prévisions destiné à l'emploi pratique des préparations biologiques en général. lis sont en l'occurrence partis du cas de figure le plus élémentaire, celui où l'agent pathogène agit rapidement et n'est pas en mesure de se propager d'un hôte a l'autre, des conditions que l'on rencontre par ex. chez B. thuringiensis.

Ces caractéristiques ne sont toutefois pas applicables aux autres agents pathogènes. dont les protozoaires. Ceux-ci sont en effet capables de se propager à l'intérieur des populations d'hôtes et peuvent en outre se multiplier dans leur hôte (BRAND & PINNOCK, 1981). Dans ce cas, ce n'est donc pas seulement l'agent pathogène qui agit sur la population de l'hôte (comme chez 8. thuringiensis), mais il y a également, à l'inverse, influence de la densité de population de l'hôte sur celle de l'agent pathogène. Cette interdépendance aboutit a un modèle plus complexe, qu'il s'agira de développer dans l'avenir (BRAND & PINNOCK, 1981 PINNOCK, & BRAND, 1981).

S'agissent de l'utilisation de micro-organismes. COUCH et IGNOFFO (1981) ont propose un certain nombre de formules de préparations appropriées, dont l'emploi serait envisageable. Ils ont tenu compte dans leurs travaux du fait que le mode d'application des insecticides biologiques par le consommateur final devait être simple. A l'instar des produits chimiques a pulvériser, on a suggéré ici une suspension diluée dans de l'eau ou dans de l'huile, qui puisse être épandue uniformément dans le champ. Il faut toutefois veiller 6 ce que la capacité de survie et la virulence des stades pathogènes soient préservées.

La mise en oeuvre effective de telles préparations biologiques implique dans un premier temps qu'elles soient enregistrées. Aux USA et en Allemagne, certains produits biologiques sont déjà autorises. Les premiers enregistrements concernaient des préparations bacillaires (BURGES 1981b). Dans le but d'écarter les risques attachés a l'utilisation des micro-organismes, aussi bien pour l'homme que pour les animaux, BURGES (1981b) a établi des directives portant sur des tests de sécurité. Ces directives stipulent que l'agent pathogène doit absolument demeurer identifiable, y compris dans la préparation finie. Il faut également que l'on dispose de données expérimentales concernant l'efficacité de l'agent pathogène sur l'organisme cible, ainsi que sur sa contagiosité et toxicité pour les mammifères. Un insecticide biologique doit par ailleurs être facile à reproduire, et cela a un prix avantageux (éventuellement par culture in vitro), posséder une longue durée de conservation, même en cas de stockage prolongé de la préparation, faire preuve d'une bonne capacité de disséminantion et d'une bonne persistance après application dans les champs (BURGES, 1981a; CHARBONNEAU, 1989 et FALCON, 1985).

FALCON (1985) et WILSON (1981) ont émis un certain nombre de communications quant a l'importance des agents pathogènes naturels en tant qu'organismes performants dans la lutte antiparasitaire. Ces deux auteurs sont parvenus a la conclusion que les seuls agents pathogènes n'offraient pas une efficience suffisante, en tant qu'organismes de contrôle, dans la lutte contre les ravageurs. Ils viendront ru contraire s'insérer a l'avenir dans les programes de lutte intégrée (BURGES, 1981a; FALCON, 1985; HOFFMANN et al., 1985: KHAN & SELMAN, 1989; KRIEG & FRANZ, 1989; WILSON, 1981). La FAO a défini la lutte intégrée contre les organismes parasitaires comme "processus dans lequel on met simultanément en oeuvre des méthodes acceptables du point de vue économique, écologique et toxicologique, dans le but de maintenir les organismes parasitaires en deçà du seuil de nocivité économique, l'exploitation consciente de l'ensemble des facteurs limitatifs naturels ayant en l'occurrence un caractère prioritaire" (cf. KRIEG & FRANZ, 1989).

1.2.3 Antagonistes microbiens de Prostephanus truncatus

Outre un certain nombre de parasites, ainsi que les prédateurs p. et T. nigrescens, on a trouve sur P. truncatus au Costa Rica, son pays d'origine, des micro-organismes (BÖYE, 1988; BURDE, 1988). Comme antagonistes microbiens, on a isolé dans un premier temps sur l'anobie 23 champignons différents. On a relevé la présence fréquente de nombreuses espèces d'Aspergillus, dont A. flavus, ainsi que celle de Penicillium verrucosum. Paecilomyces lilacinus 'est révélé très efficace contre P. truncatus (BOEYE et a/., 1989). Aucun de ces champignons ne peut cependant être utilisé pour la lutte du fait qu'ils forment tous des toxines. On a isolé par ailleurs sur d'autres insectes plusieurs champignons entomophages dans le but d'en examiner les effets sur P. truncatus (BURDE, 1988). Parmi ces champignons, seuls M. anisopliae et B. bassiana, que l'on rencontre souvent sur les insectes, présentaient une certaine efficacité.

S'agissent des bactéries, on en a isolé sur l'anoblie 53 souches, dont 14 ont pu être identifiées jusqu'au genre ou A l'espèce (BURDE, 1988). Cinq espèces seulement avaient des effets mortels sur P. truncatus, mais ces effets ont rarement été observes dans plus de 5O % des cas (BÖYE et al., 1989). On a par conséquent renoncé à poursuivre les recherches sur les bactéries.

On a trouvé par ailleurs sur l'anobie plusieurs protozoaires. Au Costa Rica, une espèce Mattesia, une espèce Nosema et une espèce Pleistophora ont été observées sur P. truncatus (BURDE, 1988). PURRINI (communication interne) a présenté des rapports concernant la Tanzanie et décrivant un certain nombre de protozoaires rencontrés sur le ravageur des denrées stockées. PURRINI a décelé trois types de spores de microsporidies, qui ne constituent toutefois que des isolats. Afin de pouvoir les distinguer dans la suite, on a désigné ces isolats par "I.1" , "I.2" et "I.3".

Dans les régions d'Arusha et de Tabora, en Tanzanie, on a trouve en outre des coléoptères infestes par une espèce Mattésia et une espèce Farinocystis. PURRINI et KEIL (1989) décrivent par ailleurs une eugrégarine rencontrée en Tanzanie, "Ascogregarina bostrichidorum n.sp.". On a également identifié au Togo sur des populations naturelles de P. truncatus une espèce Mattesia (LELIVELDT et al., 1988; LIPA & WOHLGEMUTH, 1986).

Parmi tous les agents pathogènes identifies au cours des recherches intenses dont le ravageur a fait l'objet, seuls les protozoaires entrent en ligne de compte pour la lutte, puisque aussi bien les champignons et les bactéries ont été éliminés pour les raisons mentionnées plus haut. Nous allons examiner dans la suite l'efficience contre P. truncatus de deux espèces de protozoaires mises en évidence au Togo.


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