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Utilisation des racines dans l'alimentation animale

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Un facteur limitant le développement des productions animales dans de nombreux pays en développement est le coût de l'importation des aliments pour animaux, qui augmente considérablement à cause des variations dans les taux de change des monnaies locales par rapport aux marchés internationaux. Les coûts de ces aliments ayant augmenté, les produits d'origine animale sont devenus très chers. S'il était possible de remplacer une partie des aliments par des racines comme le manioc, une partie de la ration de mais pourrait servir à l'alimentation humaine. Le tableau 8.1 compare la valeur nutritive de différents produits dérivés du manioc avec le sorgho et le mais, comme composants d'aliments pour animaux. La racine de manioc se caractérise par une faible teneur en protéines et en fibres et une forte teneur en glucides solubles (grande digestibilité). Les bouts, les tiges et les feuilles du manioc peuvent aussi servir pour l'alimentation animale et sont relativement riches en protéines utilisables.

Au Canada, le Centre de recherches pour le développement international a financé une série d'études sur l'emploi du manioc comme aliment pour animaux. Sur la base des résultats obtenus, il est recommandé de remplacer le mais par du manioc dans les rations équilibrées données aux porcs, dans des proportions allant jusqu'à 40 pour cent, sans effet nuisible, et dans la proportion de 30 pour cent dans les rations des volailles.

Tableau 8.1 Comparaison de la valeur nutritive de différents produits à base de racines de manioc avec celle du sorgho et du mals (en pourcentage)

  Cossettes
de
manioc
Farine
de
manioc
Résidus
de
manioc
(frais)
Fécule
de
manioc
Sorgho Maïs
(moulu)
A I'état frais
Humidité 11,7 11,2 80,0 14,9 11,9 18,4
Protéines brutes 1,9 2,6 0,4 0,3 7,8 9,4
Fibres brutes 8,0 8,6 1,6 0,1 2,0 1,9
Glucides solubles 80,5 78,9 17,6 84,4 74,6 70,1
Extrait d'éther 0,72 0,55 0,10 0,10 2,32 8,e4
Cendres 2,17 6,10 0,30 0,20 1,65 1,62
Séchés
Total matière sèche 88,3 88,6 20,0 85,1 88,1 86,6
(rapporté à la madère séche) 2,1 2,9 2,0 0,4 8,5 10,0
Eléments nutritifs digestibles
Protéines brutes 1,8 1,7 0,1 0,2 89,0 7,4
Fibres brutes 2,8 4,8 1,8 0,1 1,1 0,7
Glucides solubles 78,9 72,4 9,9 86,3 48,5 64,5
Extrait d'éther 0,36 0,28 0,10 0,10 1,35 2,18
Coefficient de digestibilité utilisé.
Protéines brutes - - - 66 52 -
Fibres brutes - - - 100 87 -
Glucides solubles - - - 99 65 -
Extrait d'éther - - - 100 58 -
Equivalent en fécule 83,2 78,7 11,8 84,1 89,5 78,2
Valeur nutritive 63,1 45,5 114,3 419,6 1,4 8,9

Source: H.K. Lim, 1967.

Tableau 8.2 Rendement des poulets de chair avec les rations les moins chères contenant différentes quantités de farine de manioc

  Farine de manioc dans les rations (%)
  0 20 30 Ecart type1
Poulets à la fin de l'essai (nombre) 141 140 137  
Mortalité1 4.7 5.4 7,4  
Poids corporel moyen/poulet (kg)        
à 7 semaines 1,69 1,75 1,63 0,05
à 8 semaines 2,01 2,08 1,97 0,08
Aliments consommés/poulet (kg)        
0-7 semaines 3,64 3,69 3,58 0,13
0-8 semaines 4,61 4,74 4,57 0,18
Conversion alimentaire3        
0-7 semaines 2,20 2,15 2,24 0,04
0-8 semaines 2,34 2,33 2,36 0,04

1Ecart type moyen = variance de l'erreur.
2Nombre initial de poules par traitement: 148 avec un poids corporel moyen de 36,3 +(-) 5 g.
3Unités d'aliments consommées par unité de gain de poids corporel.
Source: Gómez et al.,1984.

En Colombie, Gómez et al. (1984) ont signalé que lorsqu'on a remplacé 0 à 30 pour cent du maïs par du manioc dans la ration des poulets de chair, il n'y a eu de différence sensible à aucun niveau du rendement, mais la substitution à 20 pour cent a été la plus économique. Il a fallu 215 kg d'aliments pour produire 100 kg de poids vif avec une substitution à 20 pour cent, contre respectivement 200 kg et 224 kg pour l'aliment au mais et la substitution à 30 pour cent comme le montre le tableau 8.2. Les rations riches en manioc conviennent mieux à la production de poulets de chair qu'à celle de poules pondeuses. La production et la qualité des œuts peuvent être affectées négativement par les déséquilibres nutritionnels associés aux rations contenant beaucoup de manioc.

Tableau 8.3 Rendement des porcs en fin de croissance nourris avec les rations les moins chères contenant des quantités variables de farine de manioc1

  Farine de manioc dans les rations (%)
  0 20 30 Ecart type2
Porcs/groupe (nombre) 113 12 12  
Poids final moyen/porc (kg) 89,9 94,7 91,1 2,20
Gain journalier moyen (kg) 0,77 0,82 0,78 0,02
Ration journalière moyenne (kg) 2,55 2,77 2,54 0,06
Conversion alimentaire 3,39 3,37 3,31 0,10

1Poids initial moyen:20,0 +(-) 1 3 kg. Durée de l'essait 91 jours.
2Ecart type moyen = variance de l'erreur.
3Un porc x été éliminé au coure dan deux premières semaines de l'essai.
Source: Gómez et al., 1984.

Pour ce qui concerne les porcs (tableau 8.3), le rendement s'est progressivement amélioré à mesure que la portion de manioc dans la ration alimentaire augmentait. Ainsi, il a fallu 339 kg d'aliments pour produire 100 kg de poids avec du maïs seulement, mais il a fallu respectivement 337 kg et 331 kg avec 20 et 30 pour cent de manioc donné en remplacement du mais. Dans l'appréciation économique des rations, celles des poulets de chair les moins coûteuses contenant 20 pour cent de farine de manioc ont donné les meilleurs rendements, alors que la rentabilité a augmenté avec le pourcentage de farine de manioc dans les essais sur les porcs (tableau 8.4), et que ceux qui comprenaient une substitution de manioc à 20 pour cent se sont révélés les plus économiques.

Etant donné la valeur potentielle du manioc comme fournisseur d'énergie aux bovins laitiers, il a été utilisé dans un grand nombre d'expériences comme la principale source d'énergie, avec pour résultats des rendements de lait et de matières grasses plus élevés, et des gains de poids vif (Pineda et Rubio, 1972). Des résultats semblables ont été obtenus avec de jeunes bovins de boucherie auxquels on a donné des aliments concentrés du commerce et des rations à base de manioc: leur croissance a été beaucoup plus rapide que celle des sujets nourris de son ou de mais et d'épis de mais.

Tableau 8.4 Appréciation économique des essais des volailles et des porcs1

  Farine de manioc dans les rations (%)
  0 20 30
Essal sur les volailles - lot de 1 000 poulets de 7 semaines
Poulets et coûts fixes2 48 600 48 600 48 600
Coût des aliments 74 310 77 060 74 580
Intérêt sur le tonds de roulement3 9 218 9 425 9 239
Dépenses totales 132 128 135 085 132 419
Poules vivants à $Col 100/kg      
+ litière ($Col 220) 161 770 167 470 152 810
Profit net 29 642 32 385 20 391
Profit, en pourcentage des dépenses 22,4 24,0 15,4
Essai sur 1 les porcs - lot de 10 porcs
Porcs sevrés à $Col 170/kg 33 830 34 170 34 000
Coûts fixes (estimation) 7 550 7 550 7 550
Coût des aliments 42 270 44 239 39 983
Intérét sur le fonds de roulement 8 365 8 596 8 153
Dépenses totales 92 015 94 555 89 686
Porcs vivants à $Col 120/kg 108000 114000 109200
Profit net 15 985 19 445 19 514
Profit, en pourcentage des dépenses 17,4 20,6 21,8

1On a utilisé dans ces calculs les résultats des évaluations biologiques. Les chiffres sont donnés en pesos colombiens.
2Dont $ Col 28 800 et 5 Col I 9 800 respectivement pour le coût de 1000 poussins d'un jour et 1« coûts fixes pour les élever.
3Voir les explications dans le texte.
Source: Gómez et al., 1984.

Montilla et al. (1975) ont fait état des meilleurs rendements obtenus avec des taureaux auxquels on a donné des rations contenant 40 pour cent de manioc au lieu des rations de farine de mais. Devendra (1977) a présenté des résultats similaires pour les caprins et les ovins, le manioc renforçant l'utilisation de l'azote et donc sa conservation.

Mattei (1984) a conçu une machine pour la fabrication de cossettes de manioc pour animaux. Un des modèles est actionné par un moteur électrique et l'autre par un moteur à essence à deux ou quatre temps, chacun pouvant produire une tonne de cossettes de manioc par heure. On fait sécher les cossettes sur des moustiquaires d'aluminium soutenues par un grillage tendu sur un cadre de bois solide. On les entrepose ensuite dans un endroit bien ventilé pour éviter la formation de moisissures. L'aspect économique du procédé est positif. On trouvera une bonne analyse des techniques simples de transformation des plantes-racines dans une publication du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) intitulée Root crop processing, 1989.

Certains travaux ont aussi fait état de l'utilisation de la patate pour l'alimentation animale. Yang (1982) l'a jugée satisfaisante comme aliment pour les chevaux, les mulets et les porcs, ainsi que pour les vaches en lactation, associée à de la farine de mais, et pour les volailles en remplacement du mais dans la proportion de 25 pour cent. Yeh et al. (1978) ont remarqué que l'énergie digestible et l'énergie métabolisable représentent 91 pour cent de celles du mais, et l'énergie nette environ 79 pour cent de celle du mais comme aliment pour les porcs. La patate n'est pas de valeur égale au mais en ce qui concerne la quantité ou la qualité des protéines ou de l'énergie digestibles. Les résultats figurant au tableau 8.5 montrent que la patate comme produit de remplacement dans des proportions inférieures à 25 pour cent donnera un meilleur résultat que le mais seul, mais que dans des proportions voisines de 25 pour cent, le gain de poids et le rendement seront analogues à ceux du mais. La digestibilité de l'amidon et de l'azote a été améliorée par le soufflage des cossettes et par l'élimination de l'inhibiteur de trypsine qui aurait pu contribuer à une réduction de la valeur alimentaire, mais cela a entraîné aussi une diminution de l'assimilation de la lysine. Une amélioration sensible a été constatée dans le rendement du porc nourri avec l'aliment soufflé par rapport au rendement avec des chips de patate non traitée. Le résultat est comparable à la ration de mais, qui a amélioré la qualité et le pourcentage des morceaux maigres, en particulier avec une substitution dans la proportion de 50 pour cent.

Tableau 8.5 Rendement des porcs engraissés avec des rations contenant des proportions différentes mals et de chips de patate

Régime alimentaire

 
Maïs dans
les rations (%)
Chips de patate
dans les
rations (kg)
Gain par jour
(kg)
Aliment1 gain
(kg/kg)
Source
65 - 83 0 0,53 3.93 Koh et al, 1960
0 56 - 72 0,37 4,79  
30 - 39 30 - 39 0,48 3,83  
63 - 81 0 0,65 ab 3,38 Tai & Lei,1970
45 - 58 15 - 20 0,66 a 3,37  
29 - 37 29 - 37 0,62 b 3,54  
14-18 42-54 0,58 c 3,74  
0 54 - 68 0,56 d 3,81  
72 - 84 0 0,60 a 3,08 b Yeh et al, 1979
35 - 41 35 - 41 0,48 c 3,84 b  
0 69 - 81 0,44 e 4,08 a  
69 - 75 0 0,69 a 2,95 b Yeh et al, 1980
0 63 - 68 0,60 c 3,37 a  
33 - 36 33 - 36 0,66 b 3,13 b  
72 - 84 0 0,56 3,14 Lee &Lee,1979
35 - 41 35 - 41 0,49 3,71  
0 69 - 81 0,48 3,80  

1Les valeurs dans une même colonne suivies par différentes lettres présentent de très grand" différences (P<0,01 ou P<0,05 Source: Yeh, 1982.

Chen et al. (1979) ont évalué l'efficacité de la gélification de la fécule de patate enrichie d'urée et ont constaté que les bovins nourris de tourteaux de soja donnaient un meilleur rendement que ceux nourris avec de la fécule de patate enrichie d'urée ou d'urée seulement. Pour ce qui est de la digestibilité de la matière sèche, des protéines brutes, des fibres brutes et de la conservationde l'azote, elles étaient les mêmes dans la fécule de patate enrichie d'urée et dans le tourteau de soja. Le tableau 8.6 résume les différents résultats obtenus en utilisant la patate pour différents bovins; ces résultats indiquent que le remplacement du maïs par des patates déshydratées dans les aliments des vaches laitières peut donner autant de lait (91-100 pour cent) que le maïs seul (Mather et al., 1948; Frye et al., 1948). Quandon utilise la variété à chair orange, le lait contient davantage de vitamine A et 30 pour cent de plus de bêta-carotène que le lait produit en utilisant seulement du mais, ce qui est un avantage supplémentaire. Southwell et Black (1948) ont observé que les bovins nourris avec des rations normales ont gagné 1,07 kg par jour contre 1,17 kg et 0,98 kg par jour quand la moitié ou la totalité du maïs ont été remplacées par des patates. Le rapport aliment/gain de poids était de 9,51, 9,31 et 9,22 respectivement. Massey (1943) a constaté au cours d'un essai sur trois ans que le remplacement du mais par des patates a conduit à une augmentation de la production de viande chez l'agneau. Lee et Young (1979) ont signalé que des poulets nourris avec des rations dans lesquelles24 pour cent du mais étaient remplacés par des patates prenaient autant de poids qu'avec des rations composées uniquement de mais, sans différence importante dans la qualité de la carcasse, et que le jaune d'oeuf contenait plus de vitamine A.

Tableau 8.6 Comparaison valeur des patates avec celle du mais dans différents essais d'alimentation

Animal Remplacement
du maïs
Comparaison
des valeurs
Paramètre
comparé
Poussins (sous éleveuse) Jusqu' à 60% p.d.s. Gain de poids
Bovins 100% racines, parures 80% Gain de poids
Bovins 50% p.d.s. Gain de poids
Bovins laitiers 100% p.d.s. Production de lait
Bovins laitiers   91% Production de lait
Bovins laibers   88% Production de lait
Bovins laitiers 50% 97% Production de lait
Agneaux, jeunes boeufs 100% 92% Digestibilité
Poussins 10 ou 20% p.d.s. Gain de poids
Bovins laitiers 100% p.d.s. Production de lait

p.d.s. - pas de différence substantielle

Source: Yeh & Bouwkamp, 1985.

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