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5.2 Systèmes de transformation du manioc

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94. Le manioc est la principale source de glucides dans l'alimentation de nombreuses populations africaines. Les racines sont transformées de diverses façons en produits secs dans différentes régions du monde tropical, notamment en Afrique. Certains de ces produits secs sont connus sous les termes de cossettes (chips), de farine de manioc, de gari. (un produit fermenté et grillé), d'attiéké (pulpe de manioc fermentée, cuite à la vapeur et séchée), de fécule et de tapioca, etc. Tous ces produits peuvent être conservés pendant quelques mois à condition qu'ils soient suffisamment secs, qu'ils ne contiennent pas de microorganismes et qu'ils soient bien emballés.

95. Deux raisons essentielles militent en faveur d'une localisation voisine des lieux de production pour un atelier de transformation du manioc. Les racines contiennent 65-70 p. 100 d'humidité et sont encombrantes: la localisation d'un atelier à proximité des champs réduit les coûts de transport. En second lieu, on ne peut pas stocker des racines de manioc, même pour quelques jours, sans qu'elles subis sent de sérieuses détériorations; la proximité des lieux de récolte réduit la durée entre la récolte et la transformation. Il est conseillé de ne pas dissocier un atelier de transformation du manioc d'un groupement de producteurs et d'une plantation industrielle capables d'assurer au moins 50 p. 100 des approvisionnements en racines.

96. Il faut rappeler que le choix d'un système quelconque de production doit tenir compte des réalités et des conditions locales existantes. Seuls devraient être pris en considération les systèmes susceptibles de bénéficier pleinement des resources locales en capitaux, en matières premières, en main-d'oeuvre, en énergie et en eau.

5.2.1 Procédé de fabrication du gari

5.2.1.1 Technologie et installations

La Fig. 20 montre les différentes étapes de la fabrication du gari.

Fig. 20 Fabrication industrielle du gari

97. Les racines de manioc sont débarrassées de leur fine pellicule externe et de l'écorce interne, constituée du phelloderme, par épluchage manuel. L'épluchage mécanique s'est révélé moins efficace que le pelage à la main, que l'on recommande d'utiliser dans ce cas.

98. Les racines épluchées sont pesées puis dirigées vers un lavoir où les particules de terre et autres impuretés sont enlevées avec de l'eau. Ensuite de quoi les racines sont réduites en purée un moulin à marteaux.

99. Cette purée est abandonnée pendant 3-5 jours pour fermentation à température ambiante. Les acides organiques engendrés par la fermentation provoquent la décomposition des composés cyanurés toxiques en acide cyanhydrique gazeux. Les aldéhydes et les esters produits en fin de fermentation contribuent à engendrer le goût et l'arôme caractéristique du gari.

100. L'humidité de la purée fermentée est réduite de 70 à 50 p. 100 environ à l'aide d'une presse hydraulique. Le gâteau pressé est ensuite broyé dans un broyeur à marteaux puis calibré par tamisage. Les particules fibreuses refusées au tamis peuvent être utilisées en alimentation animale.

101. L'appareil de garification, un cylindre rotatif entouré d'une double enveloppe chauffante, transforme le gâteau tamisé en gari par gélatinisation partielle de l'amidon. Ces granules partiellement gelatinisés sont séchés jusqu'à 8-10 p. 100 d'humidité dans un séchoir du type conventionnel en cascade, en faisant passer de l'air chaud à travers un flot tombant du produit garifié. Les restes d'acide cyanhydrique sont éliminés en même temps.

102. Après refroidissement à la température ambiante, le gari sec est moulu à la granulométrie désirée, pesé et emballé dans des sacs de jute ou en polyéthylène.

5.2.1.2 Analyse des coûts de fabrication du gari

Capacité: 2240 kg/h de racines donnant 440 kg/h de gari.

103. Coût des investissements d'une fabrique de gari $ US
- achat de matériel 392.500
- transports des équipements 45.76
- coût de montage 144.710
- prestations de service 332.420
- 2 camions (de 5 to chacun) 31.430
- terrain (environ 2000 m2) 2.730
- bâtiments(782m2) 334.250
- imprévus (10 p. 100 des frais fixes) 127.680
Total: 1.411.480

104. Frais de fcabrication du gari

(i) Coûts directs de production du gari:    
- matière première (13.440 to de racines)   600.000
- emballages (62.800 sacs; 25 p. 100 matière première)   150.000
- main-d'oeuvre directe   150.000
- fluides:    
huile diesel (753.690 litres) 225.000  
eau(4.125.0001itres) 1.500 226.500
- entretien (10 p. 100 achats de matériel)   40.000
(ii) Coûts directs de fabrication:    
- main-d'oeuvre indirecte   94.455
- frais généraux (20 p. 100 coûts   36.000
de main-d'oeuvre)    
(iii) Coûts indirects de fabrication:    
- amortissement:    
bâtiments (4 p. 100) 7 000  
équipements (10 p. 100) 91.000  
camions (25 p. 100) 8.000 106.000
- intérêts des emprunts    
(14p. 100 de 3.071.749 $ US)   430.045
(iv) Coût total de fabrication de 2640 to de gari.   1.833.000
Prix de revient de 1 kg de gari: 0.7 $ US.    

5.2.2 Fécule de manioc: féculerie industrielle

5.2.2.1 Technologie et installations

La Fig. 21 illustre les différentes étapes de fabrication de la fécule de manioc.

Fig. 21: Production industrielle de fécule de manioc

105. Les extrémités ligneuses des racines sont coupées à la main à l'aide de couteaux tranchants afin d'éviter d'endommager les râpes. Les racines sont lavées dans un lavoir puis dirigées vers une machine à éplucher qui élimine la fine pellicule externe. La plus grande partie du phelloderme, qui contient un peu d'amidon, est maintenue.

106. Les racines épluchées sont coupées en morceaux puis réduites en pulpe fine. On ajoute à cette pulpe une concentration de 0,05 p. 100 de dioxyde de soufre obtenu par combustion de soufre, ceci dans le but d'empêcher une contamination par des microorganismes. L'acide sulfureux est ultérieurement éliminé par des lavages à l'eau effectués au cours de la purification.

107. Pour extraire la fécule, la pulpe est lavée dans une série de tamis de plus en plus fins qui sont vaporisés avec un jet d'eau. La pulpe résiduelle refusée par les tamis est pressée, séchée et vendue comme fourrage.

108. Le lait d'amidon passe dans des hydrocyclones où le sable et les autres impuretés sont éliminés. Il passe ensuite dans deux séparateurs centrifuges ayant pour fonction de séparer la fécule pure des contaminants solubles.

109. La fécule humide est filtrée dans des filtres rotatifs sous vide ou essorée dans des centrifugeuses verticales. Elle ne contient plus alors que 40-45 p. 100 d'eau, puis elle est séchée à 50°C dans des séchoirs à détente jusqu'à une teneur en humidité finale de 10 p. 100. La fécule en poudre est blutée puis emballée dans des sacs en jute de 50 kg.

5.2.2.2 Analyse du coût de production de la fécule de manioc

110. La ventilation des coûts donnés ci-après est basée sur des études antérieures et des informations obtenues auprès de transformateurs traditionnels et de fabricants de matériel.

111. On suppose que:

- le matériel est acheté hors taxe et rendu sur place;
- l'usine travaille 24 h/jour pendant 250 jours par an;
- 90 p. 100 du capital (y compris les fonds de roulement) est emprunté à une banque.

La capacité nominale de l'usine est de 2 to/h de racines et de 400 kg/h de t'écule sèche.

112. Capital d'investissement d'une féculerie $ US
- achats de matériels 539.200
- transport du matériel 64.700
- montage 211.460
- prestations de service 455.380
- 1 camion (7 tonnes) 21.430
- terrain (un acre) 5.460
- bâtiments (1260 m2 couverts) 549.820
- imprévus (10 p. 100 des frais fixes) 184.750
Total 2.032.200

113. Frais de fabricution de la fécule de manioc

(i) Frais directs de production:    
- matières premières:    
racines de manioc (12.000 to) 537.000  
soufre (13,2 to) 23.000 560.000
- emballages (48.000 sacs,    
25 p. 100 matière première)   140.000
- main-d'oeuvre directe   12.000
- fluides:    
électricité (718.390 kWh) 60.000  
eau (960.000 mi) 31.000  
huile diesel, séchage et camions    
(204.2921) 61.000 152.000
- entretien (10 p. 100 prix du matériel)   54.000
bâtiments (2 p. l 00)    
matériel (5 p. 100)    
camion (15 p. 100)    
(ii) Coûts directs de fabrication:    
- main-d'oeuvre indirecte   36.000
- frais généraux (20 p. 100 main-d'oeuvre)   7.000
(iii) Coûts indirects de fabrication:    
- amortissements:    
bâtiments (4 p. 100) 10.000  
équipements (10 p. 100) 127.000  
camions (25 p. 100) 5.000 142.000
- intérêts des emprunts    
(14 p. 100 de 3.305.061 $ US)   462.708
(iv) Coût total de fabrication de 2.400 to de fécule   1.565.708
arrondi à   1.566.000
Prix de revient de I kg de fécule: 0,65 $ US    

5.2.3 Farine de manioc: production industrielle par mouture sèche: usine pilote de TOUMODI (Côte d'Ivoire)

5.2.3.1 Technologie et installations

114. Dans la méthode traditionelle, les cossettes de manioc (chips) séchées au soleil sont réduites en farine par pilonnage ou par mouture dans des moulins à marteaux ou à meules. Cette façon de faire est très connue en Afrique, tandis que la fabrication industrielle de farine de manioc est relativement récente. En Côte d'Ivoire, la "Société Bertin" a fourni le matériel installé en 1980 à Toumodi, à 150 km d'Abidjan. Le diagramme de fabrication est donné Fig. 22.

115. L'opération la plus difficile à réaliser industriellement est l'épluchage des racines de manioc; la technique d'épluchage appliquée à la chaîne de fabrication Bertin ne donne pas entière satisfaction, car elle engendre des pertes de matière première de 30 p. 100. En fait, aucun pays n'a encore réussi à mettre au point un procédé industriel d'épluchage de racines de manioc donnant satisfaction au plan économique; la technologie développée au Brésil ne peut être appliquée qu'aux variétés de manioc brésiliennes, à tel point qu'une usine de gari. montée au Nigeria par un constructeur brésilien est contrainte d'éplucher les racines de manioc à la main.

Fig.22: Dagramme de fabrication de gari, d'attiéké et de farine de manioc à l'usine Toumodi, Côte d'Ivoire

116. Durant trois années de recherche et de développement (1981-1983), la "Société Ivoirienne de Technologie Tropicale, 12T" a mis au point une technologie nouvelle et parfaitement fiable d'épluchage industriel du manioc. Des essais réalisés sur plus de 20 variétés de racines ont été couronnés de succès, car il est possible d'ajuster mécaniquement le procédé pour l'adapter aux caractéristiques physiques particulières de chaque variété. L'efficacité du système d'épluchage industriel 12T est égale sinon supérieure à celle d'un épluchage manuel.

117. A la suite de ces résultats, l'installation originale "BERTIN" a été supprimée et remplacée par un broyage différentiel et une station d'affinage conçus et construits sur place par 12T qui a acquis ainsi une grande expérience dans le domaine des contraintes de transformation. L'Institut est capable d'agir en tant qu'Ingénieur Conseil pour les études de faisabilité de complexes agro-industriels intégrés.

118. Il est recommandé qu'une coopération technique fondée sur des échanges d'information s'instaure entre les différents pays africains producteurs de manioc, de façon à ce que chacun puisse profiter des informations disponibles chez 12T. En effet, 12T a développé, en plus de l'épluchage industriel, des méthodes originales et rentables de fabrication de farine, d'attiéké et de gari de manioc.

119. A noter que les activités de recherche et développement conduites par 12T ont permis d'améliorer les caractéristiques agronomiques des variétés de manioc sélectionnées pour leur aptitude à la transformation industrielle. Certaines variétés à haut rendement peuvent contenir jusqu'à 40 p. 100 de matière sèche et donner 50-60 tonnes de racines à l'hectare dans des conditions favorables.

5.2.3.2 Analyse du coût de production de la farine de manioc

120. L'usine de Toumodi comporte deux lignes de fabrication: la ligne de production de farine, d'une capacité de 2 to/h de racines, et la ligne attiéké/gari d'une capacité de I to/h de racines. Le taux d'extraction dépend de la teneur en matière sèche des racines et des variétés travaillées. A partir de racines contenant 35 p. 100 de matières sèches, on peut obtenir un rendement de 22-23 p. 100 de gari, d'attiéké ou de farine, ce qui implique une efficacité de 65 p. 100. En ce qui concerne la production de farine, la Recherche et Développement de I2T a montré qu'il était possible d'accroître de 22-23 à 30 p. 1001e rendement, ce qui corres pond à une efficacité technique de 86 p. 100.

121 . Investissements en capital ( 1980) M illions F CFA
- matériel d'usine 143.5
- matériel de laboratoire  
- montage 28.6
- véhicules 14.5
- bâtiments (y compris forage d'un puits, logements des travailleurs,  
installations électriques et terrain) 103.0
- divers et imprévus 14.4
  304.0

122. Frais de fabrication (1983)

(i) Frais fixes  
- intérêts du capital emprunté et assurances 6. 6
- amortissements (machines, équipements, bâtiments) 17.0
- entretien (matériel, bâtiments) 2.7
- main-d'oeuvre (indirecte) 5.3
  31.6
(ii) Frais variables  
- racines de manioc ( 10 F C F A/kg) 43.5
- emballages 4 5
- combustibles (fuel) 30.0
- électricité 1().0
- main-d'oeuvre (directe) 6.0
- divers 6.8
  100.8
Moins. ventes de sous-produits 7. 8
  93.0
(iii) Frais totaux (i) + (ii) = 124,6 F CFA/kg de farine (équivalent à 0,3 $ US fin 1 983).  

123. Les coûts de production du gari et de l'attiéké s'élèvent à 154 F CFA/kg (0,38 $ US). On peut obtenir une réduction de 20 p. 100 de ces coûts en remplaçant l'énergie fossile par du biogaz obtenu à partir des parties aériennes du manioc (tiges et feuilles). De plus, le développement de nouveaux produits prévu par le ``PIan Manioc Ivoirien" (Fig. 23) pourrait engendrer de nouveaux profits et concourir à la réduction des coûts de production de la farine et du gari.


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