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La production d'ignames dans un village bariba du Bénin septentrional

Introduction
Le matériel végétal
Principales caractéristiques des ignames D. cayenensis-rotundata cultivée dans le village
La production
Conclusion
Résumé

Roland Dumont

Pays bariba

Introduction

L'igname est une culture vivrière essentielle Pour l'ethnie bariba.

En 1994, cette culture a fait l'objet d'une collecte d'informations concernant le matériel végétal utilisé, les contraintes culturales existantes et les motivations des producteurs.

Le travail a été réalisé dans le village de Sonoumon qui se trouve à 65 km de l'Ouest de N'Dali sur l'axe routier reliant cette localité à la ville de Djougou. Le village étudié marque la limite occidentale du territoire occupé par l'ethnie bariba. Pendant longtemps, une endémie d'onchocercose l'a maintenu séparé de l'ethnie Kpila-Kpila vivant à l'Ouest du fleuve Ouémé et l'impraticabilité chronique de la route l'a isolé des circuits commerciaux.

Au cours des 30 dernières années, plusieurs événements sont venus modifier la vie du village. Le coton et la culture attelée ont été introduits à la fin des années soixante. Dans un passé beaucoup plus récent, la liaison routière a été rétablie entre N'Dali et Djougou et l'onchocercose a été éliminée de la zone comprise entre les rivières Alpouro et Ouémé. Ces événements ont déterminé deux séries de conséquences.

D'une part, une économie de marché est apparue. Elle a entraîné un développement spectaculaire de la culture attelée. Ce phénomène a soustrait le bétail à l'ethnie Peulh. Celle-ci a été contrainte de se tourner vers l'agriculture en donnant une grande importance à l'igname. D'autre part, l'ethnie kpila-kpila a colonisé la zone débarrassée de l'onchocercose en apportant son matériel végétal dont des variétés d'ignames.

METHODE

Une enquête a été réalisée, d'octobre à décembre 1994, sur 16 exploitations agricoles du village.

Elle compte trois volets principaux

ANALYSE

Le matériel végétal est étudié à partir de son inventaire, de ses caractéristiques biologiques, de ses contraintes culturales et de ses utilisations (cuisine et commerce) et à partir des différents aspects de la production; les interactions existant entre l'igname, le coton et la culture attelée sont précisées.

Le matériel végétal

Quarante deux variétés, rattachées à quatre espèces d'ignames ont été recensées: soit 36 variétés de D. cayenensis-rotundata, quatre de D. alata, et une de D. dumetorum et de D. bulbifera. L'espèce D. cayenensis-rotundata est, de très loin, la plus riche sur le plan de la biodiversité. Elle est séparée en deux groupes variétaux par le cultivateur bariba. Ce sont Tam dwé et Yassounou. Ces deux groupes correspondent à des formes d'exploitation différentes mais complémentaires en matière d'approvisionnement vivrier. Les Tam dwé réunissent les variétés exploitées en double récolte (fin juin à mi-octobre). Ce groupe compte 16 variétés. Les Yassounou recouvrent les ignames exploitées en récolte unique (décembre à janvier). On a ici 20 variétés. Il n'y a pas toujours une limite rigoureuse entre ces deux groupes variétaux. Les variétés Boni Wouré, Singou et Sayiya peuvent passer d'un groupe à l'autre selon les conditions de culture qui prévalent ou encore selon les techniques culturales mises en oeuvre. D'un autre côté, dans une population de Tam dwé, il y a toujours des individus traités en récolte unique parce que le développement du tubercule a été insuffisamment rapide pour permettre une récolte précoce.

Les différentes composantes du matériel végétal se distribuent de la façon suivante à l'intérieur de la surface cultivée en ignames par l'ensemble des 16 exploitations étudiées.

Tableau 1 - Importance relative des différentes espèces d'ignames dans l'agriculture du village étudié.

Espèce Partie corespondante (%) de la surface cultivée
D. alata 7,40
D. dumetorum 0,06
D. bulbifera 0,04
D. cayenensis-rotundata  
variétés à 2 récoltes 35,40
variétés à 1 récolte 57,10

Les D. cayenensis-rotundata couvrent donc 92,5% de la surface cultivée en ignames. En descendant au niveau du groupe variétal, on observe que la plus grande partie de la production est assurée par un faible nombre de variétés. Les variétés Morokoru, Kokouma, Kpouna, Douroubayésirou et Guirissi couvrent 78% de la surface cultivée avec les ignames à deux récoltes et l'une ou l'autre des deux premières variétés se rencontre dans toutes les exploitations. Quatre variétés correspondent à 56,8% de la surface occupée par les ignames à une récolte. Ce sont Boni Wouré, Kpila-Kpila, Kouri-Kouri et Singo, mais seule la première de ces variétés est utilisée par toutes les exploitations.

Il faut remarquer que des variétés rarement cultivées peuvent parfois prendre une grande importance dans l'exploitation. Ceci prévaut pour Ahimon dans les variétés à deux récoltes mais concerne aussi Singou, Taba Ndé, Gambari Yinnon, Kagourou, Ayé et Yo Tassou parmi les variétés à une récolte. Elle s'applique aussi à D. alata dans une des exploitations étudiées. Pour le moment, on ne possède aucune information permettant d'expliquer pourquoi l'intérêt du cultivateur se trouve parfois fortement dirigé vers du matériel végétal peu communément exploité par l'agriculture.

En prenant comme critère l'ancienneté de la culture dans le village exception faite pour la variété Wamé à propos de laquelle aucune information n'a été obtenue ainsi que les variétés Guirissi et Danni faisant l'objet d'une controverse, les 33 variétés restantes se répartissent bien en fonction de leur ancienneté. Dix neuf variétés sont cultivées depuis une époque indiquée comme très ancienne tandis que 14 variétés correspondent à des introductions dans un passé récent (moins de 25 ans).

Si on traduit en terme de superficie les différentes combinaisons entre le critère d'ancienneté et la catégorie d'ignames, on observe que les variétés introduites occupent la surface cultivée à concurrence de 12,9% pour les ignames à deux récoltes et de 29,6% pour les ignames à une récolte. Dans le second cas, le phénomène a certainement une dimension significative. Il montre que du matériel végétal étranger a été préféré et donc qu'il a apporté un avantage particulier à l'agriculture locale.

Principales caractéristiques des ignames D. cayenensis-rotundata cultivée dans le village

Le nombre de tubercules par plante

Les variétés à deux récoltes fournissent peu de tubercules. C'est l'inverse pour les variétés à une récolte. A l'intérieur de cette seconde catégorie d'ignames, il existe toutefois quatre variétés qui s'écartent du comportement général (Boni Wouré, Yassou Koukounou, Singo et Taba Ndé).

L'aptitude semencière

Pour reproduire les D. cayenensis-rotundata, le cultivateur dispose de une à trois solutions selon le type de matériel variétal.

Figure

• Le tubercule de seconde récolte fourni par le matériel végétal exploité selon la technique de la double récolte. Le volume de la production semencière est subordonné à la précocité de la première récolte. Cette contrainte a une dimension variétale. Celle-ci peut être très étroite ou relativement large. Dans tous les cas, elle présente cependant l'inconvénient de concentrer la majeure partie de la première récolte sur une période de 3 mois (juillet à septembre) tout en fournissant des tubercules n'ayant pas atteint l'étape physiologique nécessaire pour permettre leur conservation.

• Les tubercules de récolte unique peuvent être fractionnés pour obtenir les boutures nécessaires à la plantation. Cette solution est coûteuse car elle prive l'alimentation (ou le commerce) d'une partie de la production. L'enquête montre que les tubercules de récolte unique représentent le matériel de multiplication le plus communément disponible pour les ignames tardives tout en étant rarement la seule possibilité de reproduction qui leur est applicable. En revanche, pour plus de la moitié des variétés à deux récoltes dont notamment Morokourou, Kokouma et Kpouna qui sont les plus largement cultivées, le paysan n'utilise pas cette voie de reproduction car elle conduit toujours à une chute importante de productivité principalement liée à un retard ou (et) à un déficit dans la levée. En marge de la situation d'ensemble venant d'être présentée, il reste que le paysan utilise le tubercule de récolte unique pour multiplier six variétés à deux récoltes. On peut supposer que l'inconvénient évoqué précédemment n'existe pas pour ces variétés.

• Le petit tubercule entier obtenu en récolte unique est utilisé comme matériel de reproduction chez la moitié des variétés à récolte tardive rencontrées par l'inventaire. Cette technique est, à la fois, la plus simple et la moins coûteuse.

La diversité des possibilités de reproduction de l'igname ne semble pas avoir une influence déterminante dans les choix variétaux opérés par les paysans. Parmi les ignames à deux récoltes, les variétés Morokorou, Kokouma et Kpouna représentent 55% des surfaces cultivées alors que leur reproduction est strictement inféodée à la double récolte. Parmi les ignames à une récolte, beaucoup de variétés sont peu cultivées bien qu'elles présentent un avantage semencier mais il est vrai aussi que les variétés les mieux distribuées dans l'agriculture font partie de celles qui offrent une solution facile au problème semencier.

Les contraintes culturales

Les informations fournies par le paysan sont représentées de façon schématique. Elles associent les contraintes culturales identifiées avec l'inventaire variétal correspondant à chacune d'elles.

Tableau 3 - Les contraintes culturales des différentes variétés d'ignames

Contraintes identifiées Variétés concernées
Fertilité du sol Kpouna, Morokorou, Kokouma, Douroubayésirou, Danni, Ahimon, Soussou, Ayé, Wamé
Labour avant buttage Kpouna, Morokorou, Kokouma, Ourou Yinsingué, Fagona, Soussou
Précocité plantation Kpouna, Ourou Yinsingué, Fagona, Danni, Ayé, Boni Yakpa, Yan Bouanri, Gambari Yinnon, Kagourou
Bouture volumineuse Kpouna, Morokorou, Kokourna, Danni
Absence de stress Kpouna,
Enherbement Kpouna, Tarn Saan
Précocité récolte
• Problème semencier
Kpouna, Ourou Yinsingué, Fagona, Guirissi, Soussou, Ahimon
• Dégâts d'Heteroligus Kpouna, Kpakara, Guirissi, Danni, Adosika, Tarn Saan, Taba Ndé, Konkounou
• Sensibilité à la chaleur Kpila-Kpila, Morokorou, Kokourna, Guirissi
Défaut dans les caractéristiques du tubercule Guirissi, Douroubayésirou, Soussou, Ayé, Wamé, Agogo, Yassou, Konkounou, Yakara Ngo, Tarn Saan

Le critère fertilité marque la subordination des variétés concernées à l'agriculture itinérante qui concentre préférentiellement les défrichements effectués sur les peuplements arborés associant Isoberlinia doka (Césalpinée) avec Uapaca togoensis (Euphorbiacée). Cette contrainte détermine une forte dispersion spatiale dans l'agriculture de l'igname et des productions, dont le coton, qui se succèdent dans le même système de culture. Elle éloigne l'agriculture du village au point de nécessiter la création de campements et de stocks de nourriture pour permettre le maintien de la main-d'oeuvre sur les champs à l'époque où les besoins en travail sont élevés.

Le labour avant buttage est une exigence particulière aux variétés qui développent de longs tubercules afin d'éviter la déformation du tubercule en lui aménageant un espace meuble en profondeur.

La précocité de la plantation influence différents aspects de la production. Chez les ignames à deux récoltes, elle conditionne trois cas (Fagona, Ourou Yinsingué, Kpouna). Elle se répercute également sur la production semencière. Chez certaines variétés à récolte unique, c'est la productivité du matériel végétal qui apparaît parfois fortement tributaire de la précocité de la plantation.

L'utilisation de boutures volumineuses (± 400 g) est une pratique indispensable pour Morokorou, Kokouma et Kpouna qui sont les plus cultivées dans la catégorie des ignames à deux récoltes. Le calibre important de la bouture induit un démarrage rapide et vigoureux de la plante. Ce sont des avantages qui favorisent soit la précocité de la première récolte, soit le développement volumique du tubercule (ce second point est très important sur le plan socio-culturel).

L'effet de stress est une notion étroitement associée aux variétés Kpouna et Danni. Le problème possède plusieurs dimensions. D'abord, il implique de grandes précautions dans la conservation des boutures pendant la période séparant la récolte de la plantation. Ces précautions font intervenir les techniques de stockage et la protection contre les insectes (cochenilles notamment). Faute de les respecter, on aboutit à une mauvaise levée et à une diminution de la productivité. Dans un autre ordre d'idée, l'absence de stress signifie, à la fois, une excellente fertilité chimique et physique, une température modérée à l'époque de la levée, une pluviosité suffisante, un bon drainage du sol et une maîtrise parfaite de l'enherbement.

La sensibilité de l'enherbement concerne les variétés Kpouna et Tain Saan. La seconde de ces ignames est fortement handicapée par le faible développement de son appareil végétatif s'opposant mal à la prolifération des mauvaises herbes. Dans le sens contraire, on indiquera que les variétés Singo, Taba Ndé et surtout Yakara Ngo se singularisent par un développement végétatif exubérant. Dans une agriculture ne pratiquant pas le tuteurage, ce caractère permet une forte couverture du sol avec un allégement correspondant des besoins en sarclage.

La précocité de récolte apparaît comme une contrainte importante: elle peut conditionner fortement le succès de la production semencière chez les ignames à deux récoltes. Elle est aussi une nécessité quand la vulnérabilité variétale vis-à-vis de l'échauffement du sol interdit la conservation en buttes. Elle est enfin un moyen pour soustraire les tubercules au danger que représentent Heteroligus sp. En effet la larve de ce Coléoptère (appelée «kouba»en dialecte bariba) creuse des galeries dans le tubercule mettant en péril la valeur qualitative du tubercule et son potentiel reproductif. La variété Kpouna est la plus concernée par ce problème. Le paysan lie l'importance des dégâts affectant cette variété avec l'abondance de Prosopis africana (Mimosée) et Pterocarpus erinaceus (Papillionacée) dans certains des peuplements arborés qu'il met en culture. Il évite, en tout cas, de planter Kpouna dans l'environnement immédiat de chacun de ces deux arbres.

Les défauts qui affectent le tubercule sont souvent l'expression de facteurs défavorables à la culture. Ainsi l'insuffisance de fertilité provoque-t-elle l'apparition de crevasses profondes dans la peau du tubercule chez Wamé et Ayé, une grande abondance de fibres dans la chair de Soussou et une coloration brunâtre de la chair chez Douroubayésirou. Le laxisme au niveau des techniques culturales peut aussi devenir une cause de défaut pour le tubercule. Retarder exagérément la récolte de Guirissi fait jaunir la chair de cette igname, dissocier la culture de Tam Saan des sols gravillonnaires diminue considérablement la qualité culinaire de cette variété tandis que placer Agogo dans des conditions de fertilité élevée provoque la formation d'une cavité à l'intérieur du tubercule.

Les maladies de l'igname ne figurent pas parmi les contraintes identifiées par les paysans ce qui signifie probablement l'inexistence d'événements pathologiques graves capables de compromettre fortement le production. Les pertes liées aux maladies ne sont pas dissociées de l'effet des autres facteurs qui interviennent souvent de façon antérieure, dans la diminution de rendement (stress hydrique notamment).

Par contre les difficultés culturales semblent bien orienter le choix variétal parmi les ignames à une récolte. Les variétés Boni Wouré, Kpila-Kpila et Singo qui bénéficient d'une grande indépendance vis-à-vis des contraintes agronomiques sont, en même temps, celles qui sont les mieux représentées dans l'agriculture. Cette relation de cause à effet ne se retrouve pas chez les ignames à deux récoltes. Les variétés les plus cultivées sont accompagnées de contraintes diverses. Kpouna qui est l'une de ces variétés, apparaît même comme l'igname dont le production est la plus délicate. En revanche, s'agissant de Morokorou et Kokouma, on remarquera qu'elles sont concernées de façon plus partielle par les contraintes culturales. Cette situation de relative liberté contribue probablement à la large utilisation de ces variétés dans l'agriculture locale.

L'aptitude à la conservation

L'aptitude à la conservation relève de deux aspects principaux: la résistance aux pourritures et aux insectes qui détériorent les tubercules et la capacité de maintenir durablement la qualité culinaire. Cette seconde condition implique une activité catabolique fonctionnant au ralenti pour économiser les réserves amylacées stockées par les tubercules.

Dans l'ensemble la meilleure aptitude à la conservation se rencontre parmi le matériel végétal habituellement exploité en récolte unique Cette idée générale recouvre cependant une large diversité de comportements. Il existe pourtant six variétés d'ignames à deux récoltes qui peuvent être conservées jusqu'à la fin décembre (c'est à dire pendant 2 mois). Trois d'entre elles (Morokorou, Kokouma et Guirissi) sont largement cultivées.

Parmi les variétés à une récolte, l'aptitude à la conservation possède une amplitude très vaste. Si sept variétés ne se conservent pas, cinq variétés peuvent facilement être conservées pendant six mois. Ce sont Adosika, Taba Ndé, Kagourou, Ayé et Boni Wouré. La dernière d'entre elles est réputée pour avoir un excellent comportement en conservation de longue durée, c'est une des raisons expliquant sa grande importance dans l'agriculture.

Utilisation culinaire

Les ignames sont pilées ou bouillies ou encore cuites dans la braise. La première technique implique que les ignames soient transportées au village et elle est exigeante en travail. Ces inconvénients sont réduits ou disparaissent dans les deux autres cas. On a, en tout cas, une diversité de solutions que le paysan gère de façon circonstancielle. L'igname pilée est indiscutablement la plus appréciée et la préparation culinaire la plus courante. Cette forme de cuisine s'efface toutefois devant les techniques moins contraignantes à l'époque où la main-d'oeuvre familiale (et parfois salariée) est fortement sollicitée par le travail. Cette conversion de la technique culinaire permet le stockage des ignames et la préparation des repas sur le lieu de travail éloigné de l'habitat. C'est un avantage qui se répercute positivement sur les activités agricoles.

Des divergences apparaissent en ce qui concerne le degré d'adéquation des diverses variétés d'ignames aux différentes techniques culinaires utilisées par la population étudiée. Le patrimoine variétal est fortement orienté vers la cuisine de l'igname pilée. En marge de cette situation générale, il existe cependant quatre exceptions dont l'une est absolument remarquable. Seule la variété Boni Wouré apparaît fortement appréciée sous forme bouillie qui est la préparation culinaire la mieux appropriée à la cuisine rapide nécessaire pendant la période de mai à juillet, fortement chargée en travaux culturaux. On a ici un second argument expliquant pourquoi la variété Boni Wouré se rencontre dans toutes les exploitations.

La demande commerciale

Le village étudié reste à l'écart des circuits commerciaux importants. Il existe néanmoins une demande commerciale pour les ignames sous forme de tubercules frais ou de cossettes.

La demande commerciale en tubercules frais est principalement dirigée vers les ignames à deux récoltes. Parmi celles-ci, la variété Kpouna est la plus recherchée. Ceci explique son importance dans l'agriculture en dépit des nombreuses contraintes liées à sa production. Les variétés Morokorou, Kokouma, et à degré moindre Soussou, sont aussi fortement sollicitées par le commerce. En dehors de leurs qualités intrinsèques, elles ont l'avantage d'échapper à la concurrence de Kpouna parce que leur production est plus tardive et aussi parce qu'elles sont dotées d'une relative aptitude à la conservation. Parmi les ignames à une récolte, on remarquera que seule les variétés Kpila-Kpila et Kouri-Kouri passent dans le commerce. C'est probablement une des raisons expliquant la large adoption de ces ignames étrangères par la population Bariba. Si on regarde de façon plus générale l'aspect commercial des ignames, on observe qu'à l'intérieur des 16 exploitations étudiées le matériel végétal à vocation commerciale occupe 21 à 64% des surfaces consacrées aux D. cayenensis-rotundata. Dans dix cas, on approche ou on dépasse le seuil de 50%. Il semble donc bien que de nombreuses exploitations intègrent la préoccupation commerciale dans leurs objectifs de production. Ce phénomène est récent. Il est probablement fortement attaché au rétablissement de la liaison routière entre N'Dali et Djougou.

La préparation des cossettes est une opération de récupération qui gère trois produits différents. D'abord, les bouts de tubercules (extrémités distales) rejetés de la cuisine faite avec les variétés à deux récoltes parce qu'ils sont amers. Ensuite, les tubercules trop petits pour l'utilisation culinaire. Enfin, les épluchures fournies par la cuisine de l'igname. Ces trois produits sont conservés. Les épluchures participaient naguère à l'aménagement d'un stock de sécurité parfois nécessaire au cours de la période de soudure alimentaire (mai-juillet). Elles sont utilisées aujourd'hui, pour nourrir le bétail de trait en saison sèche. Les deux autres produits conservent de l'importance dans la stratégie de sécurité alimentaire mais depuis quelques années, ils sont aussi recherchés par le commerce qui semble se concentrer sur des variétés particulières. Les variétés Douroubayésirou et Orodo sont particulièrement appréciées, l'une parce qu'elle fournit des cossettes de calibre relativement gros et par la blancheur du produit.


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