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Informations techniques
L'enquête fait apparente que quatre exploitations correspondent à une agriculture entièrement manuelle tandis que douze exploitations recourent à la culture attelée (traction bovine) pour la préparation du sol. Ces deux catégories d'exploitations sont comparées en utilisant une série de critères quantitatifs.
Nombre de consommateurs/expl. | Cult. manuelle 8,8 | Cult. attelée 14,7 |
Nombre d'hommes actifs/expl. | 3,4 | 5,9 |
Nombre de femmes actives/expl. | 3,8 | 6 |
Surface totale cultivée en ignames (ha) | 0,67 | 1,26 |
Quantité d'ignames consommée/expl. (t) | 3,4 | 11,3 |
Les exploitations utilisant la traction animale se détachent clairement en ce qui concerne la dimension familiale, la capacité d'investissement en travail et l'importance de la surface cultivée. Ceci étant, aussi bien en culture manuelle qu'en culture attelée, la surface cultivée en ignames est positivement corrélée avec le nombre d'hommes actifs mais statistiquement indépendante des disponibilités en main d'oeuvré féminine. La relation avec le consommateur est moins claire. En culture attelée, la surface des ignames est significativement corrélée avec le nombre de consommateurs existant dans l'exploitation mais une telle liaison ne peut être faite au niveau de la culture manuelle. Dans ce cas, c'est probablement la quantité insuffisante d'informations qui est en cause car le calcul arithmétique montre que les deux formes d'agriculture sont très semblables quand on exprime la surface cultivée par rapport au nombre de consommateurs (847 et 761 m² correspondant respectivement à 457 et 406 buttes). On retiendra donc que les variations observées dans la surface en ignames, ne semblent pas affectées par la forme d'agriculture. Pour le moment, il n'y a apparemment pas d'antagonisme entre la culture attelée et la production de l'igname.
Variétés d'ignames en culture | Culture manuelle 11,2 | Culture attelée 11 |
Surface en ignames à 2 récoltes (ha) | 0,25 | 0,44 |
Surface en ignames à 1 récolte (ha) | 0,41 | 0,82 |
La quantité de variété utilisée ne varie pas en fonction des formes d'agriculture observées. On notera que la culture attelée ne semble pas modifier l'éventail variétal exploité et qu'en termes de surfaces cultivées, le rapport ne change guère entre les variétés à une et deux récoltes. (1,50 en culture manuelle contre 1,63 en culture attelée). Autrement dit, le passage à la culture attelée maintient l'étalement de la production. Ce résultat est souvent obtenu au prix du dédoublement de la production dans l'espace. Les variétés à deux récoltes sont cultivées sur défriche tandis que les ignames à une récolte sont plus ou moins largement intégrées dans le système à demi-sédentarisé.
Surface cultivée en coton | 1,75 | 4,15 |
Surface cultivée en ignames par exploitation (t) | Cult. attelée 0,1 | Cult. manuelle 0,26 |
La surface cultivée en ignames, regardée globalement ou séparée sur la base des groupes variétaux (2 et 1 récolte), est statistiquement corrélée avec la surface en coton dans le cas de la culture manuelle. Cette relation n'existe pas au niveau de la culture attelée. Dans ce cadre d'agriculture, la surface en coton est soumise à de fortes variations qui semblent indépendantes de l'igname. Néanmoins, on a indiqué précédemment que la culture attelée ne diminue pas la surface en ignames. Par voie indirecte, on conclura donc que pour le moment, la culture du coton n'intervient pas de façon négative sur la production de l'igname.
Si on considère les variétés Adosika, Boni Wouré, Taba Ndé et Kagourou qui sont celles ayant la meilleure aptitude à la conservation, il apparaît que la surface consacrée à ces ignames est positivement corrélée à la surface en coton dans les exploitations travaillant en culture attelée. Autrement dit, la stratégie de production cotonnière de ces exploitations passe par l'aménagement d'un stock vivrier faisant largement appel aux ignames.
La quantité d'igname consommée individuellement, de façon quotidienne, passe de 1,82 kg à 3,25 kg selon que les exploitations travaillent en culture manuelle ou avec la traction animale. Ces quantités correspondent respectivement à 2,0 et 3,6 kg d'igname pilée. En zone urbaine, un repas à base d'igname pilée représente approximativement 0,5 kg de produit (mesure effectuée dans les restaurants de Cotonou). En milieu rural, la consommation individuelle est, sans doute, plus élevée mais la valeur de 3,6 kg, observée dans les exploitations pratiquant la culture attelée, paraît exagérée. Elle pourrait s'expliquer par l'utilisation d'une quantité importante de main-d'oeuvre extérieure à l'exploitation pendant la période contrôlée par l'enquête (récolte du coton).
Les rendements en ignames n'ont pas été mesurés. Ils peuvent, néanmoins, être approchés. Les exploitations ne vendant pas d'ignames ont une consommation, c'est à dire un rendement hors semences, variant entre 8,5 et 12 t/ha. En même temps, parmi les exploitations qui commercialisent partiellement leur production, on relève deux cas dont la consommation correspond à un rendement atteignant au moins 18 t/ha. En se basant sur ces informations et en utilisant le coefficient 1,25 pour intégrer les semences, on peut avancer que le rendement global varie entre les limites de 10,6 à 22,5 t/ha. A titre informatif, on notera que de 1985 à 1991, les statistiques du CARDER de Parakou indiquent que le rendement moyen de l'igname varie entre 8,3 et 11,4 t/ha dans le département du Borgou.
Informations économiques
L'igname parmi les produits vivriers
L'igname reste indiscutablement la source vivrière majeure. Toutefois, les observations qui vont suivre montrent que sa stratégie d'utilisation a été adaptée aux changements intervenus dans l'agriculture.
Le maïs est la deuxième source de nourriture dans 12 des 16 exploitations étudiées. Cette évolution, intervenue dans les habitudes alimentaires, est remarquable car elle a été confrontée à une barrière psychologique. Dans un passé inférieur à 40 ans, manger du maïs avait une dimension déshonorante pour le cultivateur bariba censé assurer la totalité de ses besoins alimentaires à partir de l'igname et accessoirement du sorgho.
Cet obstacle a pratiquement disparu aujourd'hui. Le maïs est largement entré dans l'alimentation. Il occupe, toutefois, un créneau particulier. Il est surtout utilisé de janvier à avril, ce qui permet de reporter l'utilisation du stock d'ignames jusqu'à l'époque correspondant à la reprise des travaux agricoles.
Le sorgho est clairement victime de la concurrence exercée par le maïs. Il a disparu de l'alimentation dans 7 des 16 exploitations étudiées et dans 4 cas seulement, il reste la deuxième source de nourriture. Les observations réalisées ne lient la marginalisation du sorgho à aucun des facteurs étudiés par l'enquête.
Le manioc est moins utilisé parce qu'il est peu produit, La surface cultivée est très limitée dans la plupart des exploitations, le rendement est modeste (± 6 t/ha) notamment parce que le cycle cultural traverse six mois de saison sèche et le délai nécessaire à la production s'étale sur une durée allant de 15 à 30 mois. En dépit de cet ensemble d'aspects négatifs, le manioc apporte de nombreux avantages appréciés par la population. Transformé en cossettes au début de la saison sèche, il devient aujourd'hui (avec le maïs), un élément essentiel de la sécurité alimentaire pour la période de soudure. Cette situation a plusieurs conséquences. Elle permet de vendre des cossettes d'ignames. Elle rend la population moins tributaire de la précocité des premières productions d'ignames qui a toujours un caractère aléatoire. Elle autorise l'abandon des variétés d'ignames les plus précoces (notamment Ourou Yinsingué et Fagona) qui sont souvent les moins productives tout en étant les plus exigeantes en besoins culturaux. Enfin, elle évite (ou elle limite) la nécessité d'opérer un prélèvement sur les stocks d'ignames aménagés pour accompagner la mise en place du maïs et du coton.
L'igname parmi les produit commerciaux
Le coton est, de très loin, la principale source de revenus monétaires, Les informations obtenues sur 13 exploitations aboutissent à un revenu moyen de 249 500 F/ha correspondant à Un rendement de 1919 kg/ha. En matière de rentabilité, une forte différence sépare les exploitations opérant en culture manuelle des exploitations utilisant la traction animale. D'un coté, le revenu moyen atteint 160 000 F/ha contre 266 500 F/ha. On se trouve nettement au dessus des 1320 kg/ha qui représentent la moyenne des rendements indiquée pour le Borgou (Source: CARDER Parakou, campagne 1991/1992). Il est probable que des productions satellites (champ des enfants, labour rétribué en nature) sont venus s'ajouter à la production du chef de famille.
L'enquête n'a pas recueilli de précisions suffisantes pour chiffrer la commercialisation de l'igname et des autres produits vivriers. On se bornera donc à fournir les éléments d'information disponibles sur le sujet.
En ce qui concerne l'igname, 13 exploitations vendent une partie de leur production et 5 d'entre elles indiquent tirer un revenu monétaire important de cette opération. Dans tous les cas, le commerce porte, quasi exclusivement, sur les variétés Kpouna, Morokorou, Koukouma et Kpila-Kpila.
Parmi les ignames commercialisées, les variétés à deux récoltes occupent une place largement prépondérante. Leur production s'inscrit à l'intérieur d'une période de l'année n'offrant pas d'autres alternatives en matière de rentrées monétaires. Dans un sens contraire, le tableau n° 2 montre que les variétés Singo, Adisika, Boni Wouré, Taba Ndé et Kagourou ne passent pas dans le commerce bien qu'ensemble, elles représentent une grande partie de la production. La commercialisation de ces variétés n'est pas une nécessité car leur récolte intervient à une époque où le coton apporte de l'argent. Ces ignames sont réservées pour couvrir les besoins vivriers de l'exploitation, notamment comme stock alimentaire, facilement utilisable sur les lieux de travail souvent fortement éloignés du village.
On remarque que les cossettes d'ignames sont absentes du commerce sans qu'elles soient pour autant, apparues parmi les produits vivriers consommés par l'exploitation. En fait, les cossettes d'ignames sont vendues par les femmes. Ce commerce est fortement fractionné dans le temps. Son bénéfice ne paraît pas s'intégrer dans les ressources monétaires du chef de famille.
Le maïs est commercialisé par 12 des 16 exploitations étudiées et dans 3 cas le revenu monétaire tiré de l'opération est jugé important. Avec un retard lié au relatif isolement géographique du village étudié, cette situation s'inscrit dans la progression générale que connaît la production du maïs dans l'agriculture du Nord Béni
Le sorgho est commercialisé par moins de la moitié des exploitations observées et dans tous les cas, il intervient faiblement dans le revenu monétaire. La demande commerciale concernant cette céréale s'exerce plutôt vers les régions du Bénin situées en position géographique plus septentrionale où existe une offre très abondante.
L'enquête s'est surtout attachée à la connaissance du matériel végétal tout en examinant ses relations avec l'agriculture. Les informations recueillies permettent de dégager trois idées à propos du matériel végétal. D'abord, il possède une diversité suffisamment large pour garantir la sécurité alimentaire du paysan. Ensuite, il fait preuve de la flexibilité biologique nécessaire pour s'adapter à l'évolution de l'agriculture déterminée par les changements socio-économiques et techniques survenus au cours de ce dernier quart de siècle. Concernant ce dernier point, il apparaît que l'igname conserve une place primordiale dans l'agriculture actuelle mais en même temps, le paysan lui est moins étroitement assujetti parce que le mais et le manioc élargissent aujourd'hui la gamme des ressources vivrières utilisées. Cette relative indépendance conduit à une réorientation dans la gestion des avantages liés à l'igname. A côté d'une orientation commerciale reposant sur les ignames précoces, il semble exister une production tardive organisée pour soutenir la culture cotonnière. Il appartiendra aux études futures de vérifier une telle idée sur un espace géographique plus vaste. Si celle-ci correspond bien à une réalité, l'image de l'igname se trouvera modifiée. Elle apparaîtra comme un facteur favorable au développement alors que l'opinion communément répandue la voit aujourd'hui comme un frein pour la modernisation de l'agriculture.
Une enquête a été réalisée sur seize exploitations dont douze pratiquent la culture attelée. Dans tous les cas l'agriculture de l'igname repose à 95% sur l'espèce D. Cayenensis rotundata et à l'intérieur de celle-ci, quatre variétés précoces à deux récoltes et trois variétés tardives à une récolte assurent la plus grande partie de la production. Les contraintes culturales et la solution apportée au problème semencier varient en fonction de l'importance du facteur variétal. La culture attelée ne détermine pas une perte d'importance de l'igname dans l'agriculture et la production cotonnière semble tirer avantage de l'igname.