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Contribution des RTB aux régimes alimentaires

Au niveau du monde et des régions

L'ensemble de l'énergie directement disponible pour l'alimentation humaine à partir des RTB correspond en moyenne à 144 kilocalories par habitant et par jour soit 5,4% des DEA totales dans le monde. Mais il existe d'importantes disparités entre les régions au niveau de la contribution des RTB aux DEA totales; elle varie de 2,4% au Proche-Orient à 21,4% en Afrique sub-saharienne. La part des RTB dans l'énergie disponible à partir de l'ensemble des principaux aliments amylacés (céréales + RTB) n'excède 20% qu'en Afrique sub-saharienne (32%) et en Océanie (23%); au Proche et en Extrême-Orient, elle ne dépasse pas 6% (figure 4).

Figure 4 - Disponibilité énergétique alimentaire pour les autres amylacées.
(a) Rapport de l'énergie disponible à partir des RTB sur l'énergie totale provenant des céréales et des RTB.

Dans les pays où les contributions des RTB sont les plus élevées

La contribution des RTB aux DEA totales dépasse 30% dans 13 pays (12 pays africains et les Iles Salomon); elle se situe entre 10 et 30% dans 18 pays (Il pays d'Afrique, 5 pays d'Amérique latine et 2 îles du Pacifique) et entre 5 et 10% dans 43 pays (figure 5).

Figure 5 - Energie alimentaire disponible à partir des RTB.

Parmi les 20 pays dans lesquels la contribution des RTB aux DEA totales dépasse 25%, l'espèce la plus consommée est le manioc dans 12 pays; au Zaïre, il constitue à lui seul 54,1% des DEA totales. Le plantain est l'espèce la plus utilisée au Rwanda, en Ouganda et au Gabon. La patate douce est prépondérante aux îles Salomon, en Papouasie Nouvelle-Guinée et au Burundi. Les ignames devancent le manioc et le plantain en Côte d'Ivoire. Les espèces secondaires de R&T constituent de loin la plus importante source énergétique au Vanuatu.

Par ailleurs, on constate qu'en raison de différences importantes de poids démographiques entre pays, ceux dans lesquels les RTB contribuent le plus aux DEA totales sont rarement les mêmes que ceux dans lesquels les quantités disponibles sont les plus élevées. Ainsi, parmi les 10 pays pour lesquels la contribution des RTB dépasse 35% des DEA totales, seulement 3 (Zaïre, Ouganda et Ghana) font partie des 10 pays disposant des plus fortes quantités utilisables en alimentation humaine (figures 3 et 5).

Pomme de terre Manioc Patate douce
Bélarus 297 Zaïre 1099 Iles Salomon 448
Pologne 261 Congo 726 Rwanda 343
Ukraine 247 Ghana 625 Burundi 273
Portugal 231 Mozambique 608 Papouasie NG 259
Russie 225 Angola 502 Ouganda 224
Irlande 221 Centrafrique 485 Chine 114
Lettonie 215 Bénin 456 Vietnam 73
Slovénie 204 Tanzanie 452 Kenya 57
Estonie 197 Liberia 447 Haïti 56
Lituanie 194 Nigeria 405 Madagascar 55
Plantain Ignames Autres R&T
Ouganda 436 Côte d'Ivoire 329 Vanuatu 663
Gabon 432 Bénin 324 Namibie 259
Rwanda 422 Nigeria 235 Kiribati 238
Côte d'Ivoire 189 Ghana 223 Papouasie NG 214
Cameroun 173 Togo 213 Iles Salomon 161
Ghana 172 Jamaïque 199 Ghana 152
Colombie 169 Centrafrique 187 St Vincent 137
Rép Dominicaine 142 Gabon 174 Guinée Bissau 126
Guinée 140 Iles Salomon 146 Dominique 124
Equateur 119 Papouasie NG 109 Sao Tome Pm 101

Figure 6 - Palmarès des pays en fonction de leur énergie alimentaire disponible à partir dés RTB.

L'examen des listes de pays ayant les quantités d'énergie alimentaire par habitant les plus élevées pour chacune des espèces permet de constater que:

les listes des principaux pays consommateurs de patate douce et d'espèces secondaires de racines et tubercules sont plus diversifiées et comprennent des pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d'Océanie.

Facteurs explicatifs

Lorsqu'on recherche les facteurs susceptibles d'expliquer le niveau des contributions des RTB aux DEA totales dans les différents pays, on met en évidence des corrélations négatives: - entre la valeur de cette contribution et celle du Produit National Brut par habitant (coefficient de corrélation des rangs de Spearmann égal à - 0,212; P < 0,01); aucun des pays où la contribution des RTB aux DEA totales dépasse 10% ne figure parmi les 42 pays ayant un PNB supérieur à4 000 US$ par habitant;

- entre la valeur de cette contribution et la valeur des DEA totales (coefficient de corrélation des rangs de Spearmann égal à - 0,226; P < 0,01); aucun des pays où la contribution des RTB aux DEA totales dépasse 10% ne figure parmi les 46 pays bénéficiant de DEA totales supérieures à 3000 kilocalories par habitant et par jour.

La contribution des RTB aux DEA totales a donc tendance à être plus importante dans les pays où le PNB par habitant et les DEA totales sont les plus faibles, c'est-à-dire les pays les plus déshérités. Toutefois, lorsque l'on met en relation la prévalence de retard de croissance (Taille/âge; % < - 2 écart-type) chez les enfants d'âge préscolaire dans les pays en développement (de ONIS et al., 1993; FAO, 1996) avec la part de l'énergie disponible à partir des amylacés provenant des RTB (figure 7), on constate que les pays à forte consommation de RTB ne sont pas ceux où la malnutrition est la plus importante: la prévalence de retard de croissance, qui peut être considérée comme un bon indicateur synthétique de la situation nutritionnelle d'une population, est généralement moins élevée parmi les populations d'Afrique centrale, fortement consommatrices de manioc, que parmi celles de nombreux pays asiatiques consommant principalement du riz.

Figure 7 - Croissance des enfants et taux deRTB dans l'énergie alimentaire dans les PVD.

Evolution de la contribution des RTB aux disponibilités énergétiques alimentaires totales

L'évolution au cours des trente dernières années de l'énergie 'disponible par habitant et par jour dans le monde à partir des RTB est caractérisée par une diminution sensible à partir du milieu des années 70 (figure 8). Cette diminution est essentiellement due aux variations des quantités d'énergie disponibles à partir de la patate douce et, à un moindre degré, de la pomme de terre. L'examen de la variation des contributions des différentes espèces aux disponibilités énergétiques alimentaires totales dans chaque région confirme que les principales diminutions concernent la patate douce en Extrême-Orient et la pomme de terre en Europe. Entre 1962-1964 et 1992-1994, la contribution du manioc aux DEA totales est restée quasiment constante en Afrique sub-saharienne alors qu'elle a diminué en Amérique latine; celles du plantain et des espèces secondaires de RT n'ont pas varié en Afrique sub-saharienne pendant les 30 dernières années; celle des ignames a subi de fortes variations en Afrique sub-saharienne, mais se situe en définitive à un niveau plus élevé pendant la période 1992-1994 qu'au début des années 60 et 70.

Figure 8 - Evolution de l'énergie disponible

Figure 9 - Contribution des RTB a la disponibilité énergétique alimentaire.

Lorsqu'on examine les variations au cours des 12 dernières années de la contribution des RTB aux DEA totales dans les 38 pays pour lesquels cette contribution était supérieure à 10% dans la période 1980-1982 (figure 9), on constate que cette contribution a augmenté dans 12 pays (10 pays africains, le Vanuatu et l'Equateur) alors qu'elle a diminué dans les 26 autres (13 pays africains, 8 pays d'Amérique latine, 3 Îles du Pacifique et 2 pays asiatiques). Ces variations, qu'elles soient négatives ou positives, peuvent être considérables au Congo, la contribution des RTB aux DEA totales est passée de 52% à 40% au Liberia, elle a augmenté de 22 à 31%.

A l'exception du Zaïre et de la Côte d'Ivoire, tous les pays dans lesquels les RTB contribuaient pour plus d'un tiers aux DEA totales pendant la période 1980-1982 ont vu le niveau de cette contribution baisser pour la période 1992-1994.

Dans les principaux pays consommateurs

Par ailleurs, si elle a augmenté entre ces deux mêmes périodes dans la plupart des pays pour lesquels elle était comprise entre 1/6 et 1/3 pendant la période 1980-1982, elle a diminué dans le même temps dans tous les pays, sauf en Equateur, pour lesquels elle se situait entre 1/10 et 1/6 des DEA totales.

Afin de mettre en évidence des facteurs susceptibles d'expliquer les variations observées au niveau de la contribution des RTB au DEA totales dans ces 38 pays, nous avons recherché les corrélations existant entre cette variable et différentes variables indicatrices du niveau économique et de la situation démographique des pays: valeur des DEA totales pendant la période 1980-1982; PNB/habitant, densité de population, et taux d'urbanisation pendant la période 1992-1994; variation du produit intérieur brut (PIB), du taux d'urbanisation et des DEA totales entre la période 80-82 et la période 92-94. Seule la croissance annuelle du PIB entre les deux périodes explique en partie les évolutions observées: parmi les 12 pays sur 38 qui ont bénéficié d'une croissance annuelle du PIB supérieure à 4%, tous, sauf le Burundi, ont vu diminuer leur contribution des RTB aux DEA totales.

Mais, si la plupart de ces indicateurs ne permettent pas d'expliquer d'une manière globale les variations observées, il n'est cependant pas exclu que, pour certains pays ou groupes de pays, quelques uns de ces indicateurs reflètent des situations qui contribuent localement très fortement aux variations observées. Lorsque l'on compare l'évolution des situations au Zaïre et au Congo, pays voisins d'Afrique centrale dans lesquels la contribution du manioc aux DEA totales dépassait 50% pendant la période 1980-1982, on peut supposer que les différences d'évolution observées aux niveaux du taux d'urbanisation (de 42 à 57% au Congo; de 28,4 à 28,5% au Zaïre) et de la croissance annuelle du PIB (4% au Congo contre -1% au Zaïre) sont en relation avec le net recul de la contribution des RTB aux DEA totales au Congo et sa stagnation au Zaïre (Trèche et Massamba, 1991). D'autre part, si l'on considère les 5 pays africains pour lesquels la contribution des RTB aux DEA totales a le plus augmenté au cours des 12 années considérées, on constate, soit, qu'il s'agit des pays dans lesquels la consommation d'ignames a le plus fortement augmenté (Nigeria, +192%; Bénin, +42%), Soit, qu'ils figurent parmi les pays où les DEA totales ont le plus diminué (Liberia, -31%; Angola, -17%; Côte d'Ivoire -17%). Il semble donc que les DEA à partir des RTB diminuent moins rapidement que les DEA) d'autres origines, concourant ainsi à la sécurité allimentaire dans les pays en prise à des difficultés économiques ou en situation de guerre civile.

Conclusion

Les RTB utilisés en alimentation humaine ne représentent, à l'échelle mondiale, que 5,4% des DEA totales correspondant à 10,6% des DEA à partir des céréales. Toutefois, compte tenu de leur répartition très inégale, leur importance est, dans certains pays, considérable. Cette importance se manifeste, d'une pari, au niveau des quantités totales d'aliments disponibles et, d'autre part, au niveau de leur contribution aux DEA totales.

Les zones dans lesquelles les RTB constituent une composante majeure de la sécurité alimentaire des populations ne correspondent ni à leurs zones d'origine ni aux zones dans lesquelles l'importance des quantités disponibles et le niveau de développement technologique justifient le développement de recherches orientées vers leur valorisation agro-industrielle. En outre, les recherches relatives aux RTB ont, jusqu'à maintenant, été essentiellement consacrées à la pomme de terre, au manioc et à la patate douce, qui constituent à eux trois 86% des DEA à partir des RTB, alors que dans certains pays d'autres espèces (plantain, ignames, espèces secondaires de R et T) sont la principale source énergétique des régimes alimentaires.

L'évolution de la contribution des RTB aux DEA totales dans le monde au cours des trois dernières décennies montre que si une baisse sensible a pu être observée depuis le milieu des années 70, celle-ci affecte principalement la patate douce en Asie et la pomme de terre en Europe, c'est-à-dire des zones où ces productions ne constituent actuellement pas les principaux aliments de base. En revanche, en Afrique sub-saharienne, les différentes espèces de RTB continuent à contribuer au même niveau que par le pays aux DEA totales des populations et constituent souvent la principale source énergétique alimentaire sans aucune autre alternative à court et moyen termes. Dans ces parts, une diversification des sources énergétiques alimentaires est souhaitable et doit être encouragée, en particulier lorsqu'une seule espèce de RTB constitue plus du tiers des DEA totales, mais la maîtrise de la sécurité alimentaire passe prioritairement par une adaptation des circuits de production, de transformation et de commercialisation des RTB aux évolutions des modes de vie et des préférences alimentaires.

Le choix des recherches à consacrer aux RTB ne doit donc pas être uniquement dicté par des considérations économiques immédiates qui ont tendance à les concentrer sur une valorisation industrielle des principales espèces dans des pays à fort Potentiel d'innovation, mais doit aussi concerner d'autres espèces (ignames, plantain, espèces secondaires) et prendre en compte les problèmes posés par l'utilisation des RTB en alimentation humaine dans les pays où ils constituent des ressources indispensables à la sécurité alimentaire.

Bibliographie

AGBOR Egbe T., BRAUMAN A., GRIFFON D., TRECHE (eds), 1995. Transformation alimentaire du manioc / Cassava Food Processing. Paris, Orstom Editions, 747 pages.

DE ONIS M., MONTEIRO C., AKRÉ.J., CLUGSTON G., 1993. The WORLDWIDE magnitude of protein-energy malnutrition: an overview from the WHO global database on child growth. Bulletin of the World Health Organization, 71. (6), 703-712.

DUFOUR D., O'BRIEN G., BEST R. (eds), 1996. Cassava flour and starch: progress in Research and Development. CIRAD-SAR/CIAT, CIAT Publication n° 271, 409 pages.

FAO, 1990. Roots, tubers, plantains and bananas in human nutrition. FAO Food and Nutrition series, n024, 182 pages.

FAO, 1996. La sixième enquête mondiale sur l'alimentation. FAO, Rome, 153 pages.

S., MASSAMBA J., 1991. Will cassava remain a staple food in the Congo? Food, Nutrition and Agriculture, 1, 19-26.

Résumé

Les racines, tubercules et bananes à cuire (RTB) ne constituent que 5,4% des disponibilités énergétiques alimentaires totales à l'échelle mondiale, mais, compte tenu de leur répartition très inégale, leur importance clans certaines régions du monde peut être considérable. Trois espèces (pomme de terre, manioc et patate douce) représentent 86% de l'énergie alimentaire disponible à partir de l'ensemble des RTB, mais d'autres espèces (plantain, ignames, espèces secondaires) peuvent aussi être la source énergétique alimentaire principale de certaines populations.

Les pays dans lesquels les quantités de RTB disponibles pour l'alimentation humaine sont suffisamment importantes pour correspondre à un enjeu économique notable ne coïncident que rarement avec les pays dans lesquels ils constituent la principale Source énergétique des régimes alimentaires. L'orientation à donner aux recherches relatives à l'utilisation des RTB ne doit pas négliger pour autant les études nécessaires à l'adaptation de leurs circuits de transformation et de commercialisation aux évolutions des modes de vie et des préférences alimentaires dans les pays où ils constituent des ressources indispensables à la sécurité alimentaire.


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