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La consommation des ignames

Par rapport aux autres produits amylacés
Par rapport à celle d'igname pilée.
L'amala, un produit apprécié pour ses propres qualités

 

Une étude de la filière cossettes a été initiée en 1996 dans trois pays du Golfe de Guinée (Bénin, Nigeria et Togo) dans le cadre du projet "La valorisation de l'igname pour les marchés urbains" financé par le Ministère français de la Coopération. Ces pays ont été choisis car la production et le commerce des cossettes d'igname semblaient a priori y revêtir une certaine ampleur.

une enquête au Togo, au Bénin et au Nigéria

Une enquête de consommation alimentaire a été réalisée auprès de ménagères urbaines. Dans chaque pays, environ 200 personnes ont été interrogées dans les grands centres urbains: Lomé au Togo, Cotonou au Bénin et cinq grandes villes du sudouest Nigeria (Lagos, Ibadan, Ife, Abeokuta et Ilorin). L'enquête a été réalisée en trois passages, mais cet article ne concerne que les données encore partielles obtenues après les deux premiers passages d'avril-mai et de septembre (le dernier passage a été réalisé en janvier 1997). La première période correspond à la fin de la forte disponibilité en tubercules frais. La seconde, au contraire, se situe au moment de l'arrivée des ignames nouvelles de première récolte et la troisième correspond à la mise sur le marché des ignames tardives ainsi qu'au début de la saison des cossettes nouvelles.

L'enquête s'est d'abord attachée à comparer l'importance de la consommation d'amala avec les autres préparations à base d'igname (pilée essentiellement) ainsi qu'avec les autres produits amylacés. Rappelons que l'amala est, de loin, le principal aliment préparé avec la farine de cossettes.

Par rapport aux autres produits amylacés

Le tableau 3 indique l'importance relative de la fréquence de consommation des principaux produits amylacés. L'indice présenté est calculé par la pondération des pourcentages de réponse à la question: "Parmi les aliments suivants, quels sont, par ordre d'importance décroissante, les trois que vous avez consommés le plus la semaine passée ?". Cet indice n'indique en rien les quantités consommées mais permet seulement d'établir une hiérarchie des aliments tenant compte de leur ordre de citation.

A Lomé et Cotonou, le maïs est, de loin, l'amylacé le plus consommé. Au cours de la semaine, les consommateurs alternent cependant cette base avec d'autres aliments: le riz et l'igname pilée à Lomé; le riz et le gari de manioc à Cotonou. Dans ces deux pays, l'amala joue également un rôle de produit de diversification du régime amylacé, au même titre que le gari à Lomé et que le haricot à Cotonou.

Tableau 3 - Indices* de l'importance relative de la consommation des principaux produits amylacés

  Lomé Cotonou Villes S.O. Nigeria
05/96 10/96 05/96 10/96 05/96 10/96
Maïs 42 42 44 47 9 6
Riz 25 26 24 21 23 22
Igname pilée 16 20 3 3 5 11
Amala 4 2 6 5 29 26
Gari 6 3 13 12 14 15
Haricot     6 7 11 8
Pain 12 2 1 0 5 4

*Les indices pondérés sont calculés par la formule: [(%1èr choix x 3)+(%2ème choix x 2)+(%3ème choix)]/6

Dans les villes du sud-ouest du Nigeria, la situation est différente. Quatre aliments de base sont largement utilisés au cours de la semaine: l'amala, qui représente celui le plus fréquemment consommé (près de 40 % des consommateurs l'utilisent le plus fréquemment), le riz, le gari et le haricot. L'igname pilée ou bouillie, préparée à partir de tubercules frais, n'apparaît qu'au moment des récoltes d'igname, lorsque la disponibilité est abondante et les prix bas.

Par rapport à celle d'igname pilée.

Le tableau 4 indique les réponses à la question: "Durant les 15 derniers jours, entre l'igname pilée et l'amala quel est le produit que vous avez le plus fréquemment consommé ?".

Tableau 4 - La préparation à base d'igname la plus fréquemment consommée pour les deux premiers passages de l'enquête (en % des réponses)

 

Lomê

Cotonou

Villes S.O. Nigeria

05/96 10/96 05/96 10/96 05/96 10/96
Amala 9 6 87 65 88 72
Igname 85 90 10 33 6 18
Les deux aussi souvent 6 4 3 2 6 10
Nombre de réponses 141 143 105 82 174 194

A l'exception de Lomé où la consommation de foutou est neuf fois plus fréquente que celle d'amala, dans les deux autres pays, la situation est inverse. A Cotonou et dans les cinq villes du sud-ouest Nigeria enquêtées, la consommation d'amala est largement dominante par rapport à celle de l'igname pilée. Cela est particulièrement vrai lors du premier passage de l'enquête en avril-mai, autrement dit au moment où les tubercules frais deviennent rares et chers. Mais cela reste encore très important en septembre, en pleine saison des ignames nouvelles qui sont les plus appréciées pour la préparation de l'igname pilée.

Le tableau 5 indique la fréquence de consommation de l'amala enregistrée pendant l'enquête.

Tableau 5 - La fréquence de consommation de l'amala pour les deux premiers passages de l'enquête (en % des réponses).

  Lomé Cotonou Villes S.O. Nigeria
Passage 05/96 10/96 05/96 10/96 05/96 10/96
Quotidienne ou presque 1,0 0,5 1,4 1,0 40,9 32,7
Plusieurs fois/semaine 9,5 3,0 19,1 13,3 36,9 33,7
Occasionnellement 11,0 6,0 28,1 18,1 15,3 24,1
Jamais 78,5 78,5 51,4 67,6 6,9 9,5
Nombre de réponses 200 200 210 210 203 203

Dans les villes du sud-ouest Nigeria, la consommation d'amala est très fréquente puisque selon la période considérée 65 à 77 % des personnes interrogées indiquent une consommation quotidienne ou très fréquente de cet aliment. A Cotonou, cette proportion est moindre avec cependant 14 à 21 % de consommateurs réguliers. A Lomé, les consommateurs réguliers sont minoritaires.

Le niveau de vie, estimé par le type d'habitat, n'apparaît pas fortement déterminant de la consommation d'igname à Lomé et dans les villes du sud-ouest Nigeria. A Cotonou, la fréquence de consommation d'igname pilée et d'amala apparaît positivement liée au niveau de vie.

On observe par contre de nettes différences selon l'origine géoculturelle des consommateurs. Ceux provenant des zones de production de cossettes sont des consommateurs privilégiés d'amala. Mais il est intéressant d'observer que, comme l'indique le tableau 6, dans une ville comme Cotonou la consommation d'amala a largement débordé des populations d'origine yoruba qui en étaient au départ les principales consommatrices.

Tableau 6 - Fréquence de consommation d'igname pilée et d'amala en fonction du groupe ethnique à Cotonou pour les deux premiers passages de l'enquête (en % des réponses).

  Igname pilée Amala
Régulier Occasionnel ou jamais Régulier Occasionnel ou jamais
Fon (285) 7 93 16 84
Adja(75) 1 99 8 92
Yoruba(48) 27 73 38 62
Autres (10) 10 90 40 60

Ainsi, l'amala apparaît comme un vecteur de la consommation d'igname auprès de populations qui n'avaient pas l'habitude de consommer ce tubercule.

L'amala, un produit apprécié pour ses propres qualités

Les raisons invoquées pour expliquer la consommation d'amala sont indiquées dans le tableau 7.

Tableau 7 - Raisons invoquées Pour expliquer la consommation d'amala pour les deux passages de l'enquête (en % dés réponses).

  Lomé Cotonou Villes S.O. Nigeria
Me plaît, a bon goût 92 74 37
Bon pour la santé 19 13 31
Facile à préparer 2 9 41
Se trouve facilement 1 1 34
Pas cher 1 2 23
Par habitude ou tradition 7 4 6
Autres 1 18* 4
Nombre de personnes enquêtées 168 360 392

La somme des réponses est supérieure à 100 car plusieurs réponses étaient possibles
* "autres" correspond ici à la réponse "pour varier par rapport à l'igname pilé"

goût

A Lomé, où la consommation d'amala reste secondaire loin derrière l'igname pilée, les premières raisons invoquées pour sa consommation sont ses qualités organoleptiques, et en particulier son goût, et ses vertus diététiques. Cette appréciation se retrouve au Bénin, mais 18 % des consommateurs mettent en avant leur envie de diversité par rapport à l'igname pilée. Dans les villes du sud-ouest Nigeria, les motivations sont plus variées.

diététique facile à préparer

La facilité de préparation, les qualités organoleptiques et diététiques et la facilité d'approvisionnement viennent en tête. Le prix attractif est cité par 23 % des personnes interrogées. A noter que cette caractéristique n'est que très peu mentionnée spontanément à Lomé et à Cotonou.

Loin d'être un aliment de second choix sur lequel on se rabattrait faute de mieux, l'amala apparaît ainsi apprécié pour ses propres qualités.

Ces données sont confirmées par l'analyse des réponses à la question: "Entre l'amala et l'igname pilée, que préférez-vous ?" En moyenne des deux passages de l'enquête, on constate que l'amala est préféré par 13 % des consommateurs à Lomé, 52 % à Cotonou et 48 % dans les villes du sud-ouest Nigeria.

Globalement, ces résultats permettent d'avancer une interprétation sur le rôle de l'amala. Celui-ci apparaît différent selon les pays

A Lomé, l'amala reste encore relativement peu consommé du fait d'un fort attachement des consommateurs à l'igname pilée. Lorsque les tubercules frais sont moins disponibles et trop chers, les consommateurs se rabattent sur d'autres amylacés.

consommation différente selon les régions

A Cotonou, l'amala a réellement pénétré les habitudes alimentaires citadines. Il permet, pour les amateurs d'igname, d'en consommer toute l'année. Il devient, pour ceux qui consomment traditionnellement peu d'igname, un produit accessible de diversification.

Dans les villes du sud-ouest Nigeria, l'amala est dominant, bénéficie d'une bonne image, mais apparaît plus fréquemment utilisé que les préférences des consommateurs ne le laisseraient penser.

L'igname pilée est sans doute devenue difficilement accessible à une population urbaine fortement touchée par la crise. Culturellement très attachés à l'igname, les nigérians utilisent les cossettes comme moyen de continuer à en consommer à défaut de pouvoir préparer des tubercules frais devenus trop chers pour leur pouvoir d'achat.

Des données fines sur les prix relatifs des amylacés, distinguant les différents produits des ignames, ne sont malheureusement pas disponibles pour Lomé et les villes du Nigeria.

Elles permettraient pourtant de confimer les hypothèses précédantes. Ce recueil devra être réalisé dans le cadre de la poursuite du présent projet de recherche.


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