Table des matières - Précédente - Suivante
Introduction
Méthode
d'étude
La
production
Technologie
utilisée
Rentabilité de la transformation
Conclusion
Bibliographie
Résumé
Remerciements
Veronica Gottret, Guy Henry, Dominique Dufour
En 1989, un projet intégré de recherche/développement sur la production et transformation du manioc pour l'obtention et commercialisation de l'amidon aigre de manioc, a été mis en place pour apporter un appui au développement du secteur de production d'amidon de manioc en Colombie, en orientant les recherches et en ciblant l'appui aux petits/moyens producteurs et transformateurs de manioc.
Les unités de transformation du manioc en amidon, appelées localement «Rallanderias», sont localisées principalement dans le nord du département du Cauca, le long de la route nationale Panaméricaine qui relie la ville de Pasto au sud à Cali plus au Nord en passant par Popayan. L'amidon fermenté de manioc, appelé localement «almidón agrio», constitue la principale production de ces unités; sur commande, elles peuvent produire aussi de l'amidon natif ou «almidón dulce». Zakhia et al. (1996) mentionnent qu'approximativement 80% de l'amidon aigre de manioc produit en Colombie provient de cette région.
Les priorités du projet de développement ont été données à l'augmentation de l'efficacité du procédé et l'amélioration technologique des différents équipements (Chuzel G., 1992), à l'amélioration de la qualité du produit fini (Brabet C, 1994), et plus ponctuellement au traitement des déchets et des eaux résiduelles générées par le procédé (Rojas et al., 1996) et à l'évaluation socio-économique du secteur (Chacon M.P et Mosquera L., 1992), (Mosquera et al., 1996).
En 1995, après 6 ans de travaux menés dans la zone, l'équipe de travail a décidé dévaluer le niveau d'adoption par les rallanderias des améliorations technologiques proposées et de mesurer l'évolution du niveau de technicité. Cette évaluation a été mise en place afin de mesurer l'impact du travail institutionnel ainsi que la demande actuelle en technologie.
L'inventaire et la caractérisation de l'industrie de production d'amidon de manioc dans le département est la première phase d'une étude qui permettra de mieux comprendre les raisons de l'adoption ou du rejet par les transformateurs des technologies proposées ainsi que les principaux problèmes qui se présentent actuellement dans la zone.
Pour évaluer les intérêts respectifs des différentes institutions travaillant dans le secteur et identifier d'éventuelles collaborations, de nombreuses réunions de discussion et de concertation ont été réalisées avec les différentes institutions ayant travaillé d'une manière ou d'une autre avec l'agroindustrie de production d'amidon aigre de manioc en Colombie.
Cette enquête structurée a été appliquée à toutes les rallanderias du Cauca pendant les mois de mai et juin 1995. Les propriétaires ou administrateurs des rallanderias ont répondu à des questions brèves et ponctuelles portant sur les caractéristiques de l'unité de transformation et du transformateur, sur la production et la commercialisation de l'amidon et des sous-produits, sur la matière première, la structure administrative, l'adoption de technologies et de changement d'infrastructure, sur les recettes, l'assistance technique, l'accès au crédit, et les problèmes rencontrés.
Pendant qu'étaient réalisées les enquêtes formelles, un expert ayant une bonne connaissance des procédés de transformation du manioc a réalisé une enquête visuelle intégrant la technologie utilisée, la capacité de production installée ainsi que le lieu géographique de l'unité de production. Chaque phase du procédé a été évaluée indépendamment et un inventaire des installations et machines de chaque unité a ainsi été réalisé.
Les données de cette première étude ont été analysées sous forme descriptive, en utilisant principalement des analyses de fréquence et de moyenne. Les données de l'enquête formelle structurée, obtenues auprès des transformateurs, ont permis de caractériser le système de production de l'amidon aigre de manioc. Sur la base de l'enquête visuelle, l'information recueillie a permis de caractériser la technologie utilisée dans la région et de stratifier la population en 5 niveaux technologiques. Le niveau 1 rassemble les unités pour lesquelles le procédé est totalement manuel (le râpage est mécanisé à tous les niveaux). Le niveau 2 regroupe les unités qui ont mécanisé le lavage des racines ou l'extraction d'amidon et pour lesquelles une étape du procédé est manuelle. Le niveau 3 inclus les unités dont la totalité du procédé est mécanisé, généralement avec des machines traditionnelles. Le niveau 4 est constitué des unités possédant des canaux ou labyrinthes de sédimentation qui permettent un travail en continu en remplacement des bacs de sédimentation. Le niveau 5 correspond aux unités pour lesquelles toutes les opérations sont mécanisées: la sédimentation est réalisée dans des canaux, les machines sont distribuées le long de la pente pour mettre à profit la gravité (besoins moindres en énergie et en main-d'oeuvre, travail moins pénible, sécurité renforcée).
Une enquête quantitative sur les coûts de production a été réalisée sur un échantillonnage représentatif des unités de production couvrant le coût de transformation et distribution en coûts variables (matière première, main-d'oeuvre, intrants, etc.) et coûts fixes (administration, dépréciation du matériel, intérêts, etc.) ainsi que les recettes totales et marges brutes et nettes d'activités.
Les données de la première enquête formelle réalisée auprès de tous les transformateurs ainsi que la stratification par niveau ont été utilisées pour définir la taille de l'échantillon représentatif. Le calcul de la grandeur de l'échantillon à évaluer par niveau a été calculé itérativement, en supposant une distribution normale de la quantité de manioc transformé par rallanderia, à partir de la formule suivante:
avec ni taille de l'échantillon pour le niveau i; , valeur du test de Student au niveau de signification a et avec ni degré de liberté; s, écart-type estimé de la quantité de racines transformées par le niveau i; p, intervalle de confiance relatif désiré , quantité moyenne de manioc transformé.
Le caractère fini de la population (< 208 rallanderias) et donc la nécessité de prendre un échantillon de taille plus petite ont été pris en compte par la formule suivante:
où nic, est la taille de l'échantillon corrigée pour le niveau i et Ni est le nombre total de rallanderias pour le niveau i.
Sur la base des résultats de cet exercice, un risque une précision désirée à 80% de la valeur moyenne ont été choisis. Toutefois pour les niveaux 1, 2 et 3, un risque a , de 25% a été choisi pour limiter le nombre d'enquêtes car les difficultés d'accès, en relation avec les objectifs de cette étude, ne permettaient pas de réaliser un nombre trop grand d'entretiens. Les calculs ont conduit à un échantillon de 54 unités de production (tableau 1).
Tableau 1 - Echantillonnage par niveau technologique pour la réalisation de J'enquête sur les coûts de production.
niveau i | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | TOTAL |
nic | 8 | 12 | 20 | 8 | 6 | 54 |
Cette enquête a été réalisée entre les mois de juin et octobre 1996 par des agents du CIRAD-SAR/CIAT, CETEC, Fundación Carvajal et CORPOTUNIA. Pour les niveaux 1 et 2, seuls 5 enquêtes par niveau ont pu être réalisées car les unités sélectionnées se trouvaient arrêtées de manière temporaire ou définitive. Pour le niveau 3, 23 enquêtes ont été réalisées; pour les niveaux 4 et 5, les nombres prévus ont été respectés. Au total, 47 unités ont pu être visitées de nouveau pour la réalisation de la seconde phase de cette étude.
Dans le département du Cauca, 208 des 210 unités de production d'amidon aigre de manioc ont été visitées. Les rallanderias sont réparties sur 12 communes du Cauca et dans 85 hameaux, surtout au nord et au centre du département. Au moment de l'enquête, 146 unités étaient opérationnelles, 3 en construction, 30 étaient arrêtées temporairement dont 26 de niveau 2 et 3 arrêtées par manque de capital d'exploitation (46%), de matière première (29%). 28 unités, elles aussi de niveau 2 et 3 étaient abandonnées ou fermées par manque de capital de travail (33%), de mauvais résultats économiques (17%) et manque de matière première (13 M.
Sur la base de la première enquête formelle structurée, la capacité annuelle de transformation est de 163 000 tonnes de racines de manioc. L'évaluation visuelle réalisée par les experts du secteur, montre un mauvais dimensionnement des unités de production; le sous-dimensionnement des aires de séchage et/ou des bacs de fermentation ou de sédimentation limitent la capacité installée à 87000 tonnes/an. Actuellement, la quantité transformée a été estimée à54 000 tonnes de racines/an. Ceci montre qu'actuellement 62% de la capacité est utilisée. La production d'amidon aigre de manioc est estimée à 11 000 tonnes/an, ce qui veut dire que 5 kg de manioc sont nécessaires à la production de 1 kg d'amidon aigre. La production d'amidon natif de manioc était en 1994 de 135 tonnes. Cet amidon est produit exclusivement sur commande d'un particulier ou d'un intermédiaire. L'agroindustrie produit environ 4 450 tonnes de fibres appelées localement «afrecho», utilisées pour les rations alimentaires animales.
De plus, l'agroindustrie produit 750 tonnes/an d'un résidu très riche en protéine, utilisé en alimentation animale, appelé localement «mancha».
D'après les chiffres du Ministère de l'Agriculture, 6 400 ha/an de manioc ont été cultivés en moyenne pour la période 1990-1996 dans le département du Cauca. En considérant que le rendement moyen du département pendant ces 7 ans était de 9,4 tonnes/hectare, la production moyenne du département a atteint 60 160 s de manioc correspondant à 3,5% de la production colombienne annuelle. Une enquête antérieure de la section économie du programme manioc du CIAT a montré que 74% de la production de manioc du département étaient destinés à la production d'amidon aigre. Ces données montrent qu'uniquement 44 500 des 54 000 s de manioc transformées sont produites dans la même région. Pendant ces dernières années, l'agroindustrie de transformation a importé 9500 s de racines d'autres régions du pays (Antioquia, Valle et Uraba, Colombie) ou d'une manière plus récente d'Equateur (Santo Domingo). Il est important de noter qu'en Colombie, le manioc est utilisé sous diverses formes dans l'alimentation animale ou humaine et qu'une faible partie de la production nationale est destinée à la production d'amidon. A pleine capacité les rallanderias ne seraient en mesure d'absorber que 5% de la production nationale actuelle.
Cette agroindustrie génère directement 827 emplois permanents dont 57% sont embauchées localement, le reste étant de la main-d'uvre familiale. Dans ces unités, 104 femmes et 16 enfants participent principalement à l'épluchage manuel du manioc, à l'extraction manuelle de l'amidon et au séchage de l'amidon aigre (étalage au soleil et ramassage après séchage). Certaines de ces femmes tiennent les registres et les comptes de l'unité de transformation.
Les données de l'enquête montrent qu'en moyenne 5 personnes dépendent économiquement de chaque transformateur. Sur la base de cette information, il serait possible de conclure que 1 050 personnes vivent directement de cette agroindustrie familiale (famille des propriétaires des 210 unités de production d'amidon aigre). De plus les 475 employés de ces unités fournissent des ressources à environ 2 375 autres personnes. Dans le nord du Cauca, 3 425 personnes dépendent de cette agroindustrie, sans compter toute la structure commerciale qui dépend elle aussi de cette activité (transporteurs, intermédiaires et producteurs de manioc) Des données de la section économie du programme manioc du CIAT, montrent qu'il existe environ 4900 producteurs de manioc qui commercialisent 70% de leurs production aux unités de transformation.
Au total, ce sont 1 050 personnes (familles des propriétaires des unités), plus 2 375 personnes (famille des employés des unités), plus 24 500 personnes (famille des producteurs de manioc) soit environ 28 000 personnes en incluant les intermédiaires et leur famille, qui vivent de manière plus ou moins directe de cette agroindustrie.
L'amidon aigre est utilisé principalement comme ingrédient de fabrication de certains produits de panification comme le pandebono, le pan de yuca (pain de manioc) ou les buñuelos, (beignets) et entre dans la composition de toute une gamme d'amuse-gueules très légers et aérés (chicharrones, roscillas et besitos) pour lesquels le pouvoir de panification naturel de l'amidon est mis à profit. L'amidon natif de manioc est utilisé dans les recettes de quelques biscuits secs, mais son utilisation reste anecdotique.
Les sous-produits de la transformation, la mancha et l'afrecho, sont commercialisés et incorporés dans les rations animales ou utilisées directement en frais pour l'alimentation des porcs, des volailles ou du bétail des unités de production.
L'amidon aigre de manioc est principalement commercialisé par des intermédiaires qui transportent l'amidon à Santander de Quilichao (ville la plus proche) où il est revendu à d'autres intermédiaires qui eux assurent le transport vers les grandes villes du pays (Cali, Pereira, Tulua, Manizales, Bogota). Seuls 35 transformateurs approvisionnent eux-mêmes les boulangers, et 8 seulement l'industrie des amuse-gueules. Actuellement 20 unités de production (10% du total), écoulent une partie de leur production au travers d'une coopérative: COOPRACAUCA. Cette coopérative n'a commercialisé en 1994 que 419 tonnes d'amidon aigre soit 4% de la production totale du Cauca. Ce faible niveau de commercialisation est essentiellement lié aux faibles ressources financières de la coopérative.
Plus de la moitié des unités de transformation sont elles-mêmes productrices de manioc. Ces 107 transformateurs, présentent une superficie cultivée de 500 hectares de manioc couvrant uniquement 7,7% des besoins en matière première des unités de transformation du département. Ce chiffre montre que la majorité de la matière première destinée à l'agroindustrie en question est achetée aux producteurs de la région ou à des intermédiaires qui l'importent d'autres régions du pays ou d'Equateur. L'enquête a montré que 48 variétés de manioc sont utilisées pour la production d'amidon aigre, mais que les deux variétés préférées et les plus utilisées par les transformateurs sont appelées localement «algodona» (44% des réponses) et la «blanquita» (8% des réponses).
Malgré tous les efforts institutionnels réalisés durant ces six années de projet, 20 unités de transformation seulement mentionnent avoir reçu une assistance technique directe des différents projets de coopération, mais un grand nombre des transformateurs de la zone ont rendu visite à leurs voisins ou amis chez qui des recherches sont conduites et qui ont testé des améliorations technologiques des procédés de transformation. Ces échanges ont donc permis une diffusion informelle des innovations.
Les 20 unités mentionnant avoir reçu une aide technique précisent qu'elle leur est parvenue au travers de CETEC, du projet CIRAD-SAR/CIAT, de la coopérative COOPRACAUCA. De plus 69 transformateurs (35%) ont reçu un crédit pour la production et/ou la transformation du manioc. Ce crédit a été attribué par les institutions financières suivantes: la Caja agraria, BANCOOP (Banco cooperativo de Colombia), Banco Cafetero, mais aussi par des ONG: FUNDEJUR (Fundación para el desarrollo de la juventud rural) et Mundo Mujer entre autres.