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Principes généraux

1. Composition chimique des grains
2. Caractéristiques physiques des grains
3. Propriétés biophysicochimiques des grains
4. Manifestation de l'activité vitale du grain
5. Mécanismes de l'altération des grains
6. Appréciation de l'aptitude au stockage

Les céréales sont de la famille des graminées, leur grain ou caryopse (1) se présente soit nu lorsqu'il a perdu ses enveloppes sous l'effet du battage (blé et maïs), soit vêtu lorsque ses enveloppes sont restées attachées ou soudées au grain après battage (orge, avoine, sorgho, riz). Ces plantes sont cultivées pour leur grain riche en amidon qui est consommé par l'homme et les animaux pour sa valeur énergétique.

Les plantes protéagineuses produisent des grains plus riches en protéines (pois, féverole). Les plantes oléagineuses produisent des grains riches en matières grasses (lin), et certains ont aussi des grains riches en protéines, on les appelle alors oléo-protéagineuses (colza, soja, tournesol). Ces plantes appartiennent à des familles botaniques extrêmement différentes: crucifères (colza), composées (tournesol), légumineuses (soja) etc...

Le grain ou la graine (2) est un organisme vivant dont la finalité est de perpétuer l'espèce à partir de son embryon contenu dans le germe en permettant le développement d'une nouvelle plante. Donc, même en cellule de stockage où il se trouve à l'état de vie ralentie, le grain respire et peut germer dans certaines conditions particulières de température et d'humidité.

(1) - Fruit sec sans pulpe ni noyau.
(2) - Les mots « grain » et « graine » ont un sens général identique:

1. Composition chimique des grains

Le grain se compose de 3 parties principales

Par ordre décroissant d'importance en poids, on trouve parmi les constituants du grain:

Les glucides, surtout sous forme d'amidon, de très loin le constituant le plus important des céréales, et les lipides ou matières grasses, constituants majeurs des oléagineux, sont composés de carbone, d'hydrogène et d'oxygène. Les protides présents sous forme de protéines contiennent en plus de l'azote. D'une manière générale, les céréales sont peu riches en protéines, contrairement aux protéagineux (pois, féverole) et aux oléoprotéagineux (colza, tournesol, soja).

Coupe longitudinale d'un grain de blé. (Doc. ITCF).

Coupe schématique d'un grain de mais (Doc. ITCF).

Coupe longitudinale d'un grain de tournesol. (Doc. CETIOM).

COMPOSITION CHIMIQUE MOYENNE DE DIFFERENTS GRAINS (D'après CETIOM et enquêtes ITCF-ONIC). (% DE LA MS).

COMPOSANTS
GRAINS
AMIDON PROTEINES MATIERES
GRASSES
CELLULOSE
BLE TENDRE 65 12,5 2 2,5
ORGE 60 11 2,5 5,0
MAIS 72 10 5 2,5
COLZA - (1) 23 45 7,0
TOURNESOL - (1) 20 50 27,0
SOJA - (1) 43 22 6,0
POIS 50 25 17 6,5

(1) Amidon non dosable.

COMPOSITION MOYENNE DES GRAINS DE BLE, ORGE, MAIS ET POIS EN ACIDES AMINES INDISPENSABLES
(en g/kg pour du grain à 14 % de teneur en eau).
(D'après tables d'alimentation ITCF-ITP).

GRAINS
ACIDE AMINES
BLE ORGE MAIS POIS
LYSINE 3,2 3,8 2,6 15,9
METHIONINE + CYSTINE 4,5 4,1 4,0 5,3
THREONINE 3,4 3,4 3,3 8,3
TRYPTOPHANE 1,4 1,1 0,6 1,7

COMPOSITION MOYENNE DU GRAIN DE MAIS EN ACIDES AMINES, VITAMINES ET MINERAUX. (D'après AGPM).

TENEUR EN ACIDES AMINES EN G/KG
TENEUR EN VITAMINES EN MG PAR KG DE MAIS A 15 % S.H. TENEUR EN MINERAUX
Ac. Aspartique 6,4 Carotène (1) 3,7 EN % DE LA MATIERE SECHE  
Ac. Glutamique 18,7 Vitamine B1 3,6    
Alanine 7,6 Vitamine B2 2,0    
Arginine 4,8 Vitamine B6 5,7-17 Calcium 0,03
Cystine 2,4 Vitamine C 0 Chlore 0,05
Glycine 3,9 Vitamine D 0 Magnésium 0,17
Histidine 2,8 Vitamine E 3,50 Phosphore 0,32
Isoleucine 3,9 Vitamine K 0,4 Potassium 0,35
Leucine 12,3 Vitamine PP 25,5 Sodium 0,01
Lysine 3,0 Acide folique 0,22 Soufre 0,12
Méthionine 2,0 Ac. nicotinique 15    
Phénylalanine 5,1 Ac. pantothénique 7-34 EN MG/KG DE MATIERE SECHE  
Proline 8,7 Biotine 0,09    
Serine 4,8 Choline 300-600    
Thréonine 3,6     Cobalt 0,011
Tryptophane -     Cuivre 2,85
Tyrosine 4,4     Fer 30,00
Valine 5,2     Iode 0,33
        Manganèse 6,00
        Zinc 19,60

Les acides aminés indispensables sont en caractères gras
(1) Teneur en provitamine A

Les éléments principaux:

Les glucides:

Les glucides ou sucres se présentent sous la forme de quelques sucres simples, mais surtout de composés plus ou moins complexes de ces mêmes sucres simples tels que le glucose et le pentose. Le plus important est l'amidon qui est la substance énergétique par excellence, facilement digestible. C'est le constituant majeur des céréales: 60 à 65 % du poids pour le blé et 70 à 73 % pour le maïs.

La cellulose qui entre dans la composition du péricarpe est un glucide complexe, difficilement digestible par les monogastriques.

Les protides et les protéines

Ce sont des composés azotés que l'on rencontre sous forme simple (acides aminés) et sous forme plus complexe (protéines). La teneur en protéines des céréales et des protéagineux varie suivant les espèces, elle est en moyenne de 43 % pour le soja, 12 % pour le blé, 11 % pour l'orge et seulement 10 % pour le maïs.

Certains de ces acides aminés, telle la lysine, sont indispensables pour l'alimentation animale (substance nécessaire à la croissance).

Les lipides:

Ce sont les matières grasses. Dans les céréales elles sont fortement concentrées dans le germe. Le blé en contient 1 à 2 % et le maïs 5 %. Dans les oléo-protéagineux elles sont également présentes dans l'endosperme et en quantité plus importante: 22 % pour le soja, 45 % pour le colza et 50 % pour le tournesol.

Les éléments secondaires:

Les pigments et les vitamines

Ce sont des composés chimiques complexes, surtout concentrés dans le péricarpe et le germe à des teneurs très faibles.
Les pigments sont spécifiques à chaque espèce et même à chaque variété. Ils sont parfois associés à des vitamines (pigments caroténoïdes).

Les enzymes

Ce sont aussi des substances complexes présentes en quantité négligeable mais dont le rôle est très important: ils sont responsables des transformations que subissent les autres substances (hydrolyse de l'amidon et des protéines, destruction des sucres simples et des acides aminés).

Les minéraux

Ils sont présents dans le grain en faible quantité. Les principaux sont: le potassium, le manganèse, le cuivre, souvent associés à des sels (phosphates, chlorures ou sulfates).

L'eau:

L'eau est toujours présente dans le grain, à une teneur plus ou moins grande. Du point de vue chimique et physique, son action solvante favorise les réactions enzymatiques et les attaques microbiennes lorsque sa teneur dans le grain dépasse un certain seuil. Le rôle de l'eau et les problèmes qu'elle engendre pour la conservation sont étudiés plus loin.

2. Caractéristiques physiques des grains

Les grains peuvent être caractérisés par plusieurs critères physiques: le poids de 1000 grains, la forme (dont dépend la porosité d'une masse de céréales), le poids spécifique.

Le poids de 1000 grains:

C'est un critère plutôt agronomique qui rend compte de la bonne formation et alimentation des grains et dépend essentiellement de la date et de la densité de semis ainsi que de la protection antifongique. Il sert à déterminer le rendement d'une céréale avant la récolte. Cependant il peut aussi permettre de vérifier si un grain a été conservé dans de bonnes conditions, en effet une baisse du poids de 1 000 grains entre la mise en cellule et la vidange d'un lot rend compte d'une perte de matière sèche, donc d'un problème de conservation. Ce poids de 1000 grains généralement calculé à la norme commerciale d'humidité peut aussi être exprimé par rapport à la matière sèche.

Le poids spécifique:

POIDS DE 1000 GRAINS DE DIFFERENTS GRAINS AUX NORMES COMMERCIALES D'HUMIDITE. (D'après ITCF).

ESPECE DE GRAINS POIDS DE
1000 GRAINS (GRAMMES)
BLE 43 (35 à 50)
ORGE 45 (40 à 50)
MAIS 330 (280 à 380)
COLZA 5 (3,5 à 7)
TOURNESOL 53 (35 à 70)
SOJA 165 (94 à 235)
POIS 300 (150 à 400)

POIDS SPECIFIQUE DE DIFFERENTS GRAINS (D'après ITCF).

ESPECE DE GRAINS POIDS SPECIFIQUE
(kg/m3)
BLE 750 à 850
ORGE 650 à 750
MAIS 750 à 850
COLZA 600 à 690
TOURNESOL 380 à 485
SOJA 680 à 780
POIS 750 à 850

C'est une caractéristique des grains qui dépend principalement de la forme et du poids de 1000 grains. Si autrefois la connaissance du poids spécifique était indispensable, il n'en est plus de même aujourd'hui. En effet, jusqu'au milieu de ce siècle les céréales étaient encore souvent commercialisées au volume, il fallait donc mesurer leur poids spécifique pour connaître exactement les masses livrées. De nos jours le pont bascule s'est généralisé et on les commercialise au poids. Dans les transactions commerciales portant sur les céréales à paille, on a conservé le poids spécifique qui reflète tout au plus une certaine qualité physique des grains (beaux grains de poids de 1000 grains élevé = poids spécifique élevé). Il n'y a toutefois aucune relation entre la valeur alimentaire pour l'alimentation animale et humaine et le poids spécifique d'un grain. Le poids spécifique peut être influencé par deux éléments: la teneur en eau des grains et les impuretés.

En règle générale le poids spécifique augmente lorsque la teneur en eau de la céréale diminue, mais il n'y a pas de loi universelle de conversion: les essais ont montré selon la propreté des lots, qu'il fallait ajouter de 0,5 à 1 kg par hectolitre par point d'eau retiré (ou en excès par rapport à un standard de commercialisation).

En ce qui concerne les impuretés deux cas se présentent:

A l'encontre de ce que l'on pourrait croire, l'élimination des grains cassés abaisse le poids spécifique.

Les manipulations et surtout le brassage du grain le font augmenter sans pour autant que la qualité intrinsèque ne soit modifiée.

Officiellement le poids spécifique se mesure avec une trémie conique et un boisseau de 50 litres. En laboratoire il peut se calculer à partir de mesures effectuées avec un nilémalitre.

D'autre part le grain, en vrac, se comporte comme un fluide d'où toutes les possibilités de manutention par des moyens mécaniques et pneumatiques.

Du grain sec et propre, une fois mis au stockage a tendance à se tasser, ou se compacter, dans le temps, d'où une augmentation de la masse volumique en place.

La forme des grains:

Les grains sont de formes très variables: petits et ronds (colza et sorgho), gros et ronds (pois), ovoïdes (blé et orge), plus ou moins allongés et aplatis (tournesol et maïs denté).
De cette forme dépend le degré de porosité d'un tas de grain. En effet dans une cellule pleine de grains, tout le volume n'est pas occupé par le grain, un certain pourcentage de ce volume est de l'air interstitiel. Plus le grain est de petite dimension moins il laisse de place à l'air, c'est le cas du sorgho et du colza où les espaces libres entre les grains ne représentent que 30 % du volume, alors que dans le cas des grosses graines (maïs, soja, pois) ce sont de 40 à 45 % du tas de grains qui sont occupés par l'air.

C'est cette structure granulaire qui rend possible la ventilation à travers une masse de grain.

D'après ce que nous venons de voir, il est évident que l'air de ventilation aura plus de difficultés à traverser une masse de colza qu'une masse de maïs. La pression que devra fournir un ventilateur soufflant de l'air dans une cellule pleine de colza est environ 5 fois plus importante que celle nécessaire pour traverser la même cellule pleine de mais pour assurer un débit d'air identique. Inversement, un ventilateur donné fournissant un débit d'air correct dans du maïs pourra, s'il est mal choisi, être totalement inefficace sur colza. D'où l'importance de la connaissance des lois d'écoulement de l'air, elles mêmes liées à la porosité du milieu, pour le calcul des installations de ventilation.

3. Propriétés biophysicochimiques des grains

La conductibilité thermique du grain

Le grain a une conductibilité thermique faible, c'est un bon « isolant». C'est une propriété qui a des avantages ou des inconvénients suivant le cas dans lequel on se situe. Lorsque l'on sèche un grain il faut lui fournir une quantité importante de calories pour élever sa température afin d'évaporer l'eau. De même en ventilation de refroidissement, une quantité d'air importante est nécessaire pour abaisser la température du grain, dans ces deux cas il s'agit d'inconvénients. Par contre lorsque le grain est bien refroidi au cours de l'hiver, il se réchauffe difficilement, les échanges de température entre le grain et le milieu environnant sont faibles et lents, dans ce cas là c'est un avantage.

L'hygroscopicité du grain

Le grain est un matériau hygroscopique, il se comporte comme une « éponge », c'est-à-dire qu'il peut échanger de l'eau sous forme de vapeur avec l'air ambiant selon l'humidité relative de cet air. Cependant pour une température donnée, il y a équilibre entre l'humidité relative de l'air et l'humidité du grain.

De nombreux travaux ont permis d'établir des courbes d'équilibre d'humidité air-grain, spécifiques à chaque espèce.

Courbe d'équilibre hygroscopique air-blé a 25 °C.

Courbe d'équilibre hygroscopique air-orge a 25 °C. (D'après CHUNG).

Courbe d'équilibre hygroscopique air-mais a 25 °C

Courbe d'équilibre hygroscopique air-sorgho a 25 °C

Courbe d'équilibre hygroscopique air-pois a 25 °C. (D'après FNAMS).

Courbe d'équilibre hygroscopique air-tournesol a 25 °C. (D'après CETIOM)

Courbe d'équilibre hygroscopique air-soja a 23 °C. (D'après CETIOM).

D'après ces courbes, si l'on met du grain en cellule à une teneur en eau donnée, et que l'on n'effectue aucune ventilation, l'humidité relative de l'air interstitiel va se mettre en équilibre avec l'humidité du grain. Autrement dit, la teneur en eau du grain en vrac va imposer l'humidité relative de l'atmosphère intergranulaire en raison de son volume faible par rapport à la masse de grain. Inversement si on ventile des grains secs ou humides, dans un grand volume d'air à température et à humidité relative constantes, ils vont se réhydrater ou sécher jusqu'à une valeur d'équilibre avec l'humidité relative de l'air. Cette propriété peut être exploitée pour sécher le grain dans le cadre d'une technique simple mais très rigoureuse quant aux normes à respecter, il s'agit de la « ventilation séchante basse température », en cellule ou en case de stockage. A l'inverse dans la pratique il est peu probable de pouvoir réhumidifier du grain, car il faudrait pouvoir le ventiler très longtemps avec de l'air chaud et humide.

La connaissance et l'utilisation de ces courbes sont nécessaires pour le calcul des installations de séchage et de ventilation; leur interprétation permet aussi d'expliquer certains phénomènes tels que les développements de moisissures, les réactions d'oxydation, les réactions enzymatiques.

4. Manifestation de l'activité vitale du grain

Le comportement du grain est conditionné par l'état du milieu dans lequel il se trouve: si les conditions sont défavorables à son activité vitale (température et teneur en eau faibles), le grain est à l'état de vie ralentie; par contre si le milieu est favorable, les processus vitaux s'accélèrent, grâce aux substances de réserve qui vont les alimenter, sous l'action des enzymes du grain et surtout de la microflore abondante et variée qui imprègne les grains (moisissures, parfois levures et bactéries). L'activité du grain se manifeste par la respiration et la germination.

La respiration

La respiration ou oxydation a toujours lieu, quelles que soient les conditions de stockage, que les grains aient ou non leur faculté germinative intacte. Toutefois l'intensité du phénomène est fonction de la température et de l'humidité du grain et de la quantité d'oxygène présent dans la cellule de stockage. La respiration d'un grain très sec (blé à 12 %) et froid (5°C) est si faible qu'elle peut être considérée comme nulle.

En présence d'oxygène, des sucres libres ou issus de l'amidon par hydrolyse se transforment en eau, en gaz carbonique et en chaleur. Quand l'air se trouvant entre les grains est renouvelé (faible ventilation ou tirage naturel), la production de chaleur peut devenir très importante et provoquer des échauffements entrainant des pertes de matière sèche.

En absence d'oxygène, le grain évolue quand même, mais il se produit alors des fermentations. Les sucres sont transformés en gaz carbonique et en alcool avec un léger dégagement de chaleur. Dans ce cas la perte de matière sèche est moins importante que lorsque l'on est en présence d'oxygène.

Les phénomènes de respiration sont normaux dans le grain stocké, le but de la conservation est de les limiter à une valeur aussi faible que possible.

Oxydation

C6 H12O6 + 6 O2 (r) 6 H2O + 6 CO2 ­ + 677 Kcal

Amidon + oxygène (r) Eaux + Gaz carbon. + chaleur

Fermentation en absence d'oxygène

C6 H12 O6 (r) 2 C02 ­+ 2 C2H5OH + 22 Kcal

Amidon (r) Gaz carbon. + Alcool + chaleur

La germination

La germination est l'aboutissement naturel de l'activité vitale du grain, en présence d'oxygène et dans des conditions optimales d'humidité et de température. Lorsqu'une masse de grain humide (18 % et plus) est mal refroidie la germination peut se produire, avec ou sans apparition de la plantule. De toutes façons, même à ses premiers stades, elle constitue une altération grave, car elle entraîne de profondes modifications dans le grain (dégradation de l'amidon, perte de matière sèche, etc.).


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